Cela se fait toujours au détriment de la dépense publique et des services publics, traduction concrète de la présence de l'État dans la vie quotidienne de nos concitoyens, qu'il s'agisse de l'enseignant de leurs enfants, de l'îlotier de la police nationale ou du cantonnier de l'équipement, dont les postes sont peu à peu supprimés au nom de cette priorité que vous avez érigée en dogme.
Les dispositions fiscales que vous avez votées depuis le printemps 2002 n'ont fait qu'accroître les inégalités sociales puisque les impôts indirects liés à la consommation sont chaque année plus forts et plus présents dans l'ensemble des recettes de l'État, comme le rappelait Thierry Foucaud tout à l'heure.
Ce choix de la primauté accordée au remboursement de la dette publique sur toute autre dépense montre le degré d'instrumentalisation de la politique budgétaire de l'État au regard de la pression des marchés financiers.
Un budget de rupture avec cette politique est plus que jamais nécessaire, non pas une rupture vers un libéralisme encore plus dévastateur pour les populations les plus modestes, comme semble le préconiser l'un des ministres de ce gouvernement, mais la rupture avec une conception de l'action publique qui laisse de fait les habitants de notre pays à la seule merci des choix de la libre concurrence, choix qui sont en réalité des décisions de gestion des groupes prises sous l'emprise des actionnaires lors d'assemblées générales ou de comités stratégiques éloignés du terrain.
La rupture avec cette action publique, qui se contente de panser les plaies les plus apparentes et les blessures les plus vives en y apportant bien souvent des remèdes inefficaces, est indispensable pour redresser enfin la situation pour les millions de personnes - 7 millions si l'on en croit l'INSEE - vivant sous le seuil de pauvreté.
Quand on parle difficultés d'insertion dans l'emploi pour les jeunes, les chômeurs de longue durée ou les plus de cinquante ans, que fait-on ? On promeut des dispositifs de précarisation des emplois, comme le contrat nouvelle embauche, le CNE, dispositifs qui tirent l'ensemble des salaires et des qualifications vers le bas.
Quand on parle difficultés de logement des familles, que fait-on ? On offre une défiscalisation renforcée aux investisseurs privés, on transforme l'aide directe aux ménages pour l'accession à la propriété en crédit d'impôt pour leurs créanciers !
Quand on parle de retard ou d'échec scolaire, que fait-on ? On supprime plusieurs milliers de postes d'enseignants, en sortant la bonne vieille règle à calcul de la démographie scolaire, et l'on définit un socle de connaissances amoindri, assorti d'une orientation renforcée vers l'apprentissage précoce, vécue comme un échec personnel par les jeunes et leurs familles.
Une véritable réforme fiscale, complément nécessaire d'une refonte de l'action et de la dépense publiques, doit voir le jour. Nous ne comptons pas sur la majorité actuelle de cette assemblée pour la promouvoir et nous la verserons donc au débat devant les Françaises et les Français, appelés au printemps prochain à faire valoir leur choix par la voie du suffrage universel.
L'impôt sur le revenu doit être réformé, mais pour être plus efficace et éviter notamment, comme c'est aujourd'hui le cas, que le traitement de faveur accordé aux revenus du capital et du patrimoine devienne un obstacle à l'égalité de tous devant l'impôt.
L'impôt sur les sociétés doit être réformé pour que les plus petites entreprises soient enfin traitées à l'égal des plus grandes, passées maîtresses dans l'art de tirer parti de l'ensemble des dispositifs d'incitation et d'optimisation dont est truffée notre législation, sans que ces dispositifs ne fassent l'objet d'une véritable évaluation.
L'impôt sur le patrimoine, quelle que soit sa forme, ISF, droits de mutation et de succession, plus-values de cession, doit être réformé pour devenir plus juste et plus respectueux de la réalité de la fortune accumulée par quelques-uns au détriment du plus grand nombre. La valeur d'un patrimoine mobilier, ne l'oublions jamais, est toujours la résultante de l'accumulation du travail salarié dans les mains du détenteur de ce patrimoine. Que, d'une manière ou d'une autre, ce patrimoine revienne à la collectivité n'est finalement que l'expression de la plus élémentaire justice.
La fiscalité indirecte doit être réformée, qu'il s'agisse de la TVA comme de la TIPP, parce qu'elle pèse lourdement sur les foyers les plus modestes, d'autant que votre politique fiscale directe ne leur apporte pas la moindre amélioration du pouvoir d'achat.
La fiscalité locale doit être réformée, et cela passe notamment par une taxe professionnelle rénovée prenant en compte l'évolution de la situation économique depuis la création de cette taxe, ce qui offrirait de nouveaux moyens d'intervention pour les collectivités territoriales.
Cette indispensable réforme fiscale, fondée sur des principes de justice sociale et d'efficacité économique du prélèvement, nous ne pouvons bien entendu pas la mener dans le cadre du projet de loi de finances pour 2007, pure loi d'opportunité.
Cette réforme fiscale prendrait en fait le contre-pied de vos choix, qui consistent à réduire la participation des plus hauts revenus et des entreprises au budget de la nation, quitte à ce que vous nous expliquiez ensuite que l'État n'a plus de ressources suffisantes pour son action publique, qu'il transfère de plus en plus sur les collectivités territoriales ; mais nous aurons l'occasion mardi de revenir plus en détail sur ce sujet.
Vous l'aurez compris, monsieur le ministre, le projet de budget que vous nous proposez n'est vraiment pas de nature à obtenir notre agrément, même avec les amendements de la commission des finances.