Intervention de Éric Doligé

Réunion du 23 novembre 2006 à 15h00
Loi de finances pour 2007 — Suite de la discussion d'un projet de loi

Photo de Éric DoligéÉric Doligé :

Je sais fort bien que telle n'est pas l'intention du Gouvernement, et je connais cette bonne formule qui consiste en une compensation à l'euro près. La Constitution, de plus, est garante des bonnes pratiques.

Pour la plupart des départements, la recette des impôts locaux directs ne représente plus qu'un quart des ressources. Si l'on y ajoute les droits de mutation à titre onéreux, ou DMTO, on approche les 33 %. Toutes recettes locales confondues, nous sommes proches de la barre des 50 %.

Il me semble nécessaire d'étudier sérieusement l'autonomie financière des collectivités et l'impact des décisions budgétaires de l'État sur les budgets locaux.

J'émettrai une autre réflexion à ce sujet : le poids de l'État est renforcé par le choix qui a été fait, au fil des années, de transformer les budgets départementaux en guichets de distribution de prestations fixées par l'État - l'allocation personnalisée d'autonomie en est un exemple criant -, qui décide également des conditions d'attribution, donc du nombre d'attributaires.

Permettez-moi d'aborder le thème de la décentralisation, sincèrement, honnêtement, à l'instar d'Henri de Raincourt.

Dans le cadre d'un rapport d'étape commandé par l'Observatoire de la décentralisation, mis en place par le président Christian Poncelet et présidé par Jean Puech, je me suis contenté de décrire avec application la situation que connaissent au quotidien les départements et les régions, dans le cadre du transfert des personnels TOS de l'éducation nationale et de la direction départementale de l'équipement.

Je ne puis rien retirer de ce que j'ai écrit, sauf à trahir la réalité des auditions et des témoignages unanimes, ce qui n'est pas le rôle d'un rapporteur.

En revanche, je suis surpris de la mauvaise foi de certains exécutifs, qui prennent prétexte de la décentralisation pour opérer des hausses à répétition. Ce n'est pas donner une bonne image des collectivités.

L'État va jusqu'à dire qu'il est vertueux : c'est exact, puisqu'il diminue ses dépenses. Il peut donc à juste titre montrer du doigt les collectivités qui ne le sont pas. Si l'État veut persévérer dans cette attitude, je n'y vois pas d'inconvénient, mais il faut dans ce cas disposer d'éléments incontestables et donner les noms des « non vertueux ».

Je préciserai que la décentralisation ne peut être utilisée comme alibi pour justifier des 20 % à 50 % de hausse des budgets régionaux en 2005. Les recettes supplémentaires localement prélevées ont été employées pour assurer, par exemple, la gratuité des livres scolaires dans les lycées, l'achat d'ordinateurs pour les étudiants ou la création de chèques gratuits pour les lycéens.

Aucun de ces choix, que nous ne critiquons pas sur le fond, n'a de lien avec la décentralisation. Rien ne se rapporte à l'investissement.

La forte hausse prévue de la TIPP régionale ne peut pas non plus être portée au débit de la décentralisation. Nous ne connaissons pas encore l'effet réel des transferts, et nous devons continuer à travailler avec vous, monsieur le ministre, pour en déterminer la réalité et obtenir des compensations, si nous démontrons la nature des charges nouvelles.

Je souhaite que, dans la présentation budgétaire, nous puissions véritablement mesurer l'impact humain et financier de tous les actes de transfert. Sur le plan des effectifs, je ne suis pas parvenu à comprendre comment on mesurait l'impact du transfert des personnels. Nous savons cependant qu'en ce qui concerne les TOS toutes les estimations sont dépassées. C'est un véritable plébiscite en faveur de la fonction publique territoriale, malgré les tentatives d'entrave des syndicats, globalement très opposés à ce transfert ; ils ont heureusement échoué.

Mais le nombre des transferts est-il bien inscrit dans le budget de l'éducation nationale ? Les crédits correspondants sont-ils clairement individualisés ? Nous savons que ces crédits vont transiter par le budget du ministère des collectivités locales.

Comme l'a souligné M. le ministre, la France est classée première en matière de transparence financière. C'est très certainement vrai et extrêmement satisfaisant pour nous. L'année prochaine, cette règle de transparence dont nous sommes fiers devra s'appliquer à la compréhension des effets de la décentralisation.

En ce qui concerne l'emploi, monsieur le ministre, vous avez inscrit dans le projet de loi de finances que le nombre de fonctionnaires devrait être diminué de 15 000. M. le rapporteur général l'a dit, ce chiffre est encore proche de l'« épaisseur du trait », mais il s'agit d'une tendance positive, qui se poursuit depuis quatre ans.

Où se situent les transferts dans les documents budgétaires ?

Dans son intervention, M. le ministre a indiqué que les créations d'emploi devraient s'élever à 250 000 en 2007, dont 80 % dans le privé. Qui créera les 20 % restants ? Cela représente 50 000 emplois ! S'agira-t-il des associations, des collectivités locales ou de la fonction hospitalière ? Je souhaite que vous nous informiez à ce sujet, monsieur le ministre.

Une pratique récente peut également susciter des interrogations : la création d'emploi par des structures qui n'en sont pas les utilisateurs ; je veux parler des emplois de vie scolaire, ou EVS. Il s'agit probablement de 10 000 à 15 000 personnes, qui ont pour vocation d'intervenir dans les écoles primaires. L'éducation nationale les rémunère, mais ne veut pas les « porter » ; ils sont donc embauchés par les principaux de collège, qui veulent bien l'accepter. Ce ne sont a priori ni des fonctionnaires territoriaux ni des fonctionnaires d'État : dans quelle catégorie se situent-ils ?

Il nous faut ensuite réfléchir à notre capacité de favoriser l'entreprenariat et démontrer que l'État, au travers de son budget, perçoit l'importante contribution à l'intérêt général des entreprises, grandes ou petites.

À titre d'exemple, il serait souhaitable de ne pas laisser croire aux entreprises que leur action en matière d'insertion professionnelle des jeunes en difficulté n'est plus reconnue par l'État. Le fait de remettre en cause l'exonération des cotisations pourrait conduire à une légitime déception ; je souhaite que ce point particulier soit revu.

De même, si le durcissement de l'État quant au régime des acomptes d'impôt sur les sociétés se confirme, ce qui ne me paraît pas souhaitable, il serait de simple justice d'établir une réciprocité : si l'entreprise a trop versé, l'État doit au minimum lui verser un intérêt moratoire, calculé de la même façon que l'intérêt de retard infligé aux entreprises en cas de versement insuffisant.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion