Intervention de Serge Dassault

Réunion du 23 novembre 2006 à 15h00
Loi de finances pour 2007 — Suite de la discussion d'un projet de loi

Photo de Serge DassaultSerge Dassault :

Ainsi l'État doit-il emprunter chaque année 11 milliards d'euros pour permettre aux Français de travailler moins. Ce n'est pas une bonne gestion, et il faut que cela cesse ! Songez, monsieur le ministre, à ce que serait votre budget avec 11 milliards d'euros de dépenses, et donc de déficit, en moins !

Pourquoi, par exemple, ne pas supprimer le paiement par les entreprises des heures dites supplémentaires jusqu'à 39 heures par semaine ? Les salaires seraient inchangés après le relèvement de 35 à 39 heures, comme ils sont restés les mêmes quand la durée du travail est passée de 39 à 35 heures, ce qui permettrait de réduire partiellement les aides versées par l'État.

Dans une entreprise, quand on veut réaliser des investissements, on cherche les moyens de les financer, et s'il n'y en a pas, on renonce ! Pourquoi l'État ne renoncerait-il pas à assurer des financements qu'il ne peut plus supporter, sauf à laisser croître ses charges à l'infini ?

Quand l'État ne dispose pas de l'argent nécessaire, il emprunte, même si c'est pour financer des dépenses de fonctionnement, ce qui est totalement interdit par les codes de bonne gestion financière. Avec un tel système, nous sommes sûrs de ne jamais parvenir à rembourser la dette, car de telles charges sont récurrentes et reviennent chaque année, et il devient impossible non seulement de rembourser les sommes empruntées, mais même de diminuer la charge de la dette.

Dans ces conditions, pourquoi ne pas refuser une dépense irréalisable et, de plus, dangereuse pour notre économie ?

Car il ne faut pas rêver, mes chers collègues. Certes, nous pouvons affirmer que tout le monde est content de travailler moins - ce qui, d'ailleurs, n'est pas vrai, car nombre de salariés préféreraient travailler plus pour gagner plus - et qu'il est impossible de revenir sur la décision de passer aux 35 heures.

Toutefois, nous pouvons aussi nous rendre compte des ravages provoqués par ces 35 heures dans la production des entreprises, dont le coût augmente, ce qui réduit nos ventes, favorise le chômage et les délocalisations - car ailleurs, mes chers collègues, on travaille plus et la main-d'oeuvre coûte moins cher ! - et rend plus difficile le fonctionnement des services publics.

Ainsi, nous le savons, les hôpitaux ne parviennent plus à rendre les services attendus par les malades, parce que les infirmières partent à cause des 35 heures et qu'il n'est pas possible, compte tenu de la situation du budget de la sécurité sociale, de recruter du personnel à l'infini.

Mes chers collègues, nous ne pouvons pas laisser la situation se dégrader sous prétexte qu'agir ferait de la peine à certains ! Nous ne pouvons continuer à emprunter et à accroître nos charges financières, car nous n'en avons tout simplement plus les moyens.

L'État n'a plus les moyens de financer les 35 heures. Dès lors, pourquoi ne pas y renoncer ? Disons-le clairement, expliquons à l'opinion qu'il est préférable de mettre fin à la croissance de l'endettement et de la charge de la dette de l'État, car travailler moins compromet nos emplois.

C'est ce que je ferais si j'étais ministre des finances. En effet, l'État ne peut plus supporter une augmentation permanente de sa dette. Quand on ne peut pas payer, on ne paye pas ! Il n'est qu'à dire que nous ne pouvons plus financer les 35 heures ! Sinon nous allons à la faillite.

Mais ce n'est pas tout ! Nous avons également décidé de payer aux entreprises qui utilisent du personnel payé jusqu'à 1, 6 fois le SMIC l'augmentation des charges dues aux décisions politiques de hausse de ce salaire. Il s'agit d'une mesure très dangereuse pour notre économie, qui coûte quelque 9 milliards d'euros, ce qui, là encore, n'est pas supportable.

Alors, je voudrais faire une proposition, que j'ai déjà formulée dans cet hémicycle, à l'occasion d'autres débats : pourquoi faire financer par le budget de l'État les charges sociales que les entreprises ne paient pas ? Rien ne nous y oblige ! Nous pouvons supprimer ou réduire les charges des entreprises dans certains cas, mais je ne vois pas pourquoi l'État comblerait le déficit de la sécurité sociale !

Grâce à ma proposition, monsieur le ministre, vous économiseriez d'un coup 9 milliards d'euros, et le déficit de votre budget serait réduit d'autant.

Certes, les pertes de la sécurité sociale augmenteraient en proportion, mais pourquoi ne pas trouver d'autres sources de financement afin de les réduire, comme, par exemple, la création d'un coefficient d'activité ou d'une part de TVA sociale ? Cette dernière proposition, que j'ai déjà eu l'occasion de formuler, n'a pas rencontré un grand succès pour l'instant, mais je souhaiterais tout de même qu'elle soit étudiée à fond.

Je le rappelle, en 1997, voilà seulement neuf ans, toutes ces charges n'existaient pas, à l'exception d'une somme modeste de 197 millions d'euros due à l'exonération liée au dispositif de Robien. À l'époque, notre déficit budgétaire était réduit : il n'y avait ni les 35 heures, ni les charges liées au SMIC, ni ces 19 milliards d'euros d'aides qui, aujourd'hui, compromettent nos activités !

Monsieur le ministre, vous avez maintes fois annoncé, comme le Président de la République, que la lutte contre le chômage constituait votre priorité, et c'est vrai. Or, je vous le rappelle, à l'exception des emplois aidés, qui figurent dans ce budget et dont je voudrais mesurer l'efficacité et le coût, seule la flexibilité du travail, ainsi que, pour les salariés, ce que l'on peut qualifier de « flexsécurité » sont susceptibles de faciliter les embauches.

En effet, quels que soient les adversaires de la flexibilité, qui pointent toujours le risque de la précarité - alors que celle-ci existe de toute façon -, aucune entreprise n'embauchera un salarié si elle ne peut pas le licencier dans le cas où sa charge de travail diminuerait, ce qui, malheureusement, arrive souvent. Les entreprises qui ne peuvent pas licencier n'embauchent pas, et, par conséquent, le chômage augmente.

C'est pourquoi les CNE constituent d'excellentes formules, qui se révèlent très efficaces et créent de vrais emplois ; leur seul inconvénient est d'être limités aux entreprises de moins de vingt salariés. Pourquoi ne pas les étendre aux entreprises qui comptent entre vingt et cinquante salariés, ou même davantage ? Une telle mesure réduirait le chômage, car les entreprises pourraient embaucher.

D'ailleurs, cela ne signifie pas que ces entreprises licencieront au bout de deux ans : une société ne se sépare pas d'un salarié si elle a du travail à lui proposer et s'il fait bien son travail !

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