Intervention de Anne-Sarah Kertudo

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 14 mars 2019 : 1ère réunion
Audition de mmes fabienne servan-schreiber présidente et anne-sarah kertudo directrice de l'association droit pluriel

Anne-Sarah Kertudo, directrice de l'association Droit pluriel :

Tout d'abord, je précise que Droit pluriel travaille sur l'accès à la justice pour tous, femmes et hommes. Il est évident que le handicap empêche l'accès à la justice de la même façon pour les hommes et pour les femmes.

Il existe toutefois une spécificité des femmes en situation de handicap. Vous avez évoqué Mimie Mathy. Il me semble qu'une femme handicapée aura moins de références médiatiques qu'un homme, lequel pourra se référer par exemple à Djamel Debbouze ou Grand Corps Malade.

Il est d'ailleurs passionnant d'approfondir cette question dans la littérature et le cinéma et de constater une telle différence de traitement entre les femmes et les hommes handicapés. Il est toujours terrible pour une femme d'être handicapée, par exemple dans Les lumières de la ville ou La symphonie pastorale. Les femmes handicapées suscitent le pathos. Je pense à la soeur de Laura Ingalls dans La petite maison dans la prairie, qui n'en finit pas de perdre la vue. En général, ces femmes finissent par revoir tant leur sort est terrible, ou bien elles meurent. En revanche, les hommes qui sont représentés par exemple dans Parfum de femme ou dans Intouchables sont des héros malgré leur handicap. Ils dépassent leurs difficultés.

Par conséquent, ces représentations ne renvoient pas la même image. Les femmes en situation de handicap se voient fragilisées et renvoyées à leur situation d'être vulnérable qui a besoin de la protection d'autrui et qui souffrira durant toute sa vie. De plus, ces femmes ne sont vraiment pas dans une situation d'égalité des droits.

Par ailleurs, il est vrai que de nombreux progrès ont été obtenus grâce à la loi de 2005. Mais nous travaillons aussi sur la notion d'accessibilité vivante. Nous avons lancé une action commune avec le Conseil national des barreaux au nouveau Tribunal de Paris la semaine dernière. Cette action s'intitule « Les commandos de l'accessibilité ». Une quinzaine d'avocats et de justiciables présentant différents handicaps sont venus tester l'accessibilité du tribunal. Nous constatons en effet que des dépenses importantes ont été faites, mais cela ne s'avère pas suffisant.

Les personnes appareillées, comme moi, utilisent la boucle magnétique. Il s'agit d'un câble qui permet de capter directement les voix qui passent dans les micros. La boucle magnétique fait partie des installations qui ont été achetées par les communes et les ERP. Pourtant, nous faisons systématiquement l'expérience suivante. Nous nous rendons à l'accueil pour demander au personnel d'activer la boucle magnétique. Mais les agents ne savent pas ce que c'est. Par conséquent, il est essentiel que l'accessibilité se confronte au réel. Les personnels doivent être formés et comprendre les enjeux liés à ces techniques. Il est compliqué pour nous de devoir solliciter quelqu'un ou quelque chose en permanence. J'insiste donc sur cette notion d'accessibilité vivante, au-delà des dépenses et des investissements.

Nous encourageons donc la participation des personnes concernées dès le début des projets. Il est indispensable de créer des démarches de co-construction pour que les personnels apprennent à faire fonctionner les dispositifs. L'idée des « commandos de l'accessibilité » a permis de créer ces temps de rencontre nécessaires, car les personnels n'ont pas reçu de formation sur les équipements.

La loi de 2005 insiste particulièrement sur le bâti, mais les autres handicaps ont été laissés de côté. De nombreux dispositifs existent, tels que la visio-interprétation ou des applications qui permettent de transcrire les propos sur le téléphone. Les mesures symboliques doivent s'accompagner d'une réelle confrontation de la population avec l'ensemble de ces aménagements. Cela permettra à chacun de comprendre que les dispositifs sont là pour garantir une situation d'égalité.

Enfin, notre association est en plein développement et a besoin d'être soutenue sur l'ensemble du territoire.

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