Intervention de Frédérique Jossinet

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 21 mars 2019 : 1ère réunion
Audition de Mme Frédérique Jossinet directrice du football féminin et de la féminisation à la fédération française de football

Frédérique Jossinet, directrice du football féminin et de la féminisation à la FFF :

Nous organisons une coupe du monde féminine : pendant un mois, ce sont des femmes qui vont faire le spectacle ! Tous les matchs de l'équipe de France seront retransmis sur Canal Plus et TF1. TF1 étant le partenaire historique du football masculin, c'est dire la révolution qui est en train se produire ! Les joueuses - et pas uniquement les Françaises - porteront nos enjeux en tant que femmes dans la société. Elles l'ont bien compris, même si leur objectif est de réaliser la meilleure performance. C'est grâce à cette performance que le football féminin français s'installera ensuite définitivement dans le paysage du sport français. Le succès de cette équipe de France, au-delà de la réussite de l'organisation de la Coupe du monde, sera important. On sait que cette équipe est la meilleure et qu'elle ira au bout de la compétition !

Pour répondre aux questions sur la professionnalisation des joueuses, j'évoquerai la manière dont les choses se passent dans le football féminin.

Certaines choses avaient été faites avant 2011, date à laquelle une véritable impulsion politique a été donnée. Le premier championnat de foot féminin remonte à 1970... Aujourd'hui, notre championnat phare est la D1, avec 12 clubs impliqués, dont le Paris football club que vous avez cité. Ce championnat amateur est entièrement accompagné par la Fédération française de football. Les joueuses sont sous contrat avec la Fédération et leur club. Ce contrat tripartite entre joueuse, club et fédération permet d'aider et de réguler les clubs. Le football féminin est un produit nouveau. Nous sommes encore très loin du développement et de la structuration du football masculin. Nous avions quarante ans de retard, nous en avons rattrapé la moitié, mais du chemin reste à faire.

La D1 compte trois profils de clubs : ceux qui dépendent d'une société anonyme sportive professionnelle (SASP), comme l'OL ou le PSG, ceux qui dépendent de l'association du club de l'équipe professionnelle de garçons et ceux qui sont 100 % féminins. Ces clubs, qui ont peu de ressources financières, sont accompagnés soit par les collectivités, soit par la Fédération. C'est aussi cette diversité des profils qui fait la force du football féminin.

Il y a cinq ans, seuls 30 contrats étaient signés avec la Fédération, aujourd'hui, on en dénombre plus de 120. En outre, il s'agissait de contrats à mi-temps, quand ils sont aujourd'hui, dans 80 % des cas, à plein temps. Nous accompagnons les joueuses et les clubs dans cette semi-professionnalisation. Tous les clubs n'ont pas les mêmes moyens - c'est d'ailleurs un peu pareil chez les hommes. D'un côté, il y a des clubs comme le PSG et l'OL, qui ont les ressources économiques les plus importantes ; de l'autre, il y a des clubs dont les moyens financiers sont inférieurs à un million d'euros.

La FFF accompagne au quotidien tous les clubs féminins, y compris ceux qui sont liés à la SASP, car ils ont besoin de se structurer, notamment au niveau de l'encadrement. Pour la première fois en 2019, une licence club a été mise en place. Ce n'était pas possible auparavant. Les clubs ne pouvaient pas alors répondre à un cahier des charges. Cela montre que nous sommes très loin du modèle idéal et d'une professionnalisation à 100 %. Michel Savin évoquait il y a un instant la ligue féminine de volley. Je voudrais nuancer quelque peu ses propos, car les résultats ne sont pas forcément probants. Les clubs n'étaient pas prêts pour cette professionnalisation ; ils sont allés trop vite et en reviennent un peu. En outre, s'il existe des ligues féminines de handball et de basket-ball, elles ne sont pas professionnelles.

On pourrait dire que notre D1 est une ligue 1 féminine qui dépend de la Fédération, mais nous aimons montrer, à travers la dénomination des championnats, le niveau de structuration du club. Nous travaillons à un véritable championnat pour l'année prochaine, avec des montées et des descentes. Si on voulait à tout prix professionnaliser le football féminin, on irait certainement trop vite. Beaucoup de chemin reste à faire pour rendre une ligue professionnelle viable, avec des ressources économiques propres.

Pour la première fois, nous avons vendu les droits télévisuels de la D1 féminine pour cinq ans à Canal Plus. Certes, le montant de ces droits est encore loin d'égaler celui des championnats masculins de L1 et L2. Je dirais donc qu'il s'agit là davantage d'un échange de marchandises : nous sommes en train de faire du football féminin un véritable produit médiatique. Ce football sera vu à la télévision de façon récurrente, dans des émissions phares, ce qui, nous l'espérons, permettra de susciter des vocations. C'est un premier pas, en attendant de pouvoir chercher de nouvelles ressources économiques d'ici cinq ans. D'un point de vue économique, cela va mieux. Les clubs professionnels et amateurs féminins bénéficient d'aides importantes qui leur permettent d'être viables.

Pour répondre à votre question sur les sections de sport-études, nous avons mis en place un parcours de performances sportives. À partir du collège, nous avons des sections sportives. Notre objectif est d'en compter plus de 90, soit une par district. Nous avons créé il y a deux ans une « team espoirs », pour les meilleures joueuses de 14 ans, afin de les préparer aux concours d'accès au pôle France et aux pôles régionaux. On comptait un seul pôle il y a dix ans, le pôle France. Nous avons aujourd'hui, en plus du pôle France, huit pôles régionaux, qui couvrent tout le territoire métropolitain. Nous envisageons d'en ouvrir un ou deux autres d'ici deux ans, afin d'augmenter le nombre de joueuses formées et accompagnées par la Fédération et de les rendre plus performantes. Dans ce cadre, les collégiennes bénéficient d'un emploi du temps adapté et d'un encadrement de qualité pour préparer les concours. À leur sortie des pôles, elles continueront d'être formées par les clubs. Tel est le parcours de formation que nous avons mis en place depuis quatre ans pour former les jeunes joueuses.

La raison pour laquelle aucun stade dans l'ouest, à part celui de Rennes, ne figure parmi les stades retenus pour la Coupe du monde, tient tout simplement au fait qu'aucune ville de l'ouest, notamment du sud-ouest, n'a souhaité se porter candidate. Ce sont d'abord des territoires tournés vers le rugby ou le basket.

En ce qui concerne les collectivités, les clubs ont en effet des relations étroites avec elles, dans la mesure où elles sont généralement propriétaires des équipements sportifs. Lorsqu'un club sollicite une aide visant à améliorer ses équipements, cela se fait bien sûr en relation étroite avec la collectivité concernée. Indirectement, à travers le Fonds d'aide au football amateur, nous aidons donc les collectivités à structurer leurs infrastructures sportives.

La labellisation EFF est destinée exclusivement au football féminin et aux écoles de foot féminines. Elle permet d'obtenir des dotations fléchées sur la section féminine, au prorata du nombre de licenciées féminines dans le club. Il existe d'autres labels, comme le label jeune, avec d'autres dotations fléchées vers les écoles de garçons.

Enfin, vous m'avez interrogée sur la stratégie de médiatisation. Je rappelle que la Ligue de football professionnel (LFP) gère les droits de retransmission associés aux championnats de ligue 1 et de ligue 2 (football masculin). Mediapro a acheté l'an dernier ces droits pour un montant de plusieurs milliards d'euros. Ces ressources seront redistribuées sur les clubs de L1 et L2. Aujourd'hui, le football féminin accuse un retard d'une vingtaine d'années par rapport au football masculin en termes de médiatisation. Les droits télévisuels sont donc vendus à hauteur de ce que représente le football féminin. Nous faisons aussi appel à des partenaires et à des sponsors pour le valoriser. Les ressources économiques dans le football féminin ont été multipliées par dix, mais elles ne sont pas du tout au même niveau que dans le football masculin. D'où la nécessité d'accompagner nos joueuses dans un double voire triple projet. Cela leur permet de conserver un certain équilibre en n'étant pas entièrement tournées vers la performance sportive. Cela évite également certaines dérives, le monde professionnel n'étant pas idéal, compte tenu des problématiques résultant des enjeux économiques. De plus, nous mettrons en place l'année prochaine un diplôme spécifique pour les joueuses qui souhaitent devenir entraîneuses à un haut niveau.

Aujourd'hui, de fortes disparités de rémunération subsistent entre les différents clubs, comme dans le football masculin.

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