Intervention de Cédric Villani

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 24 janvier 2019 à 8h40
Examen de la note scientifique biodiversité : extinction ou effondrement ? jérôme bignon sénateur rapporteur

Cédric Villani, député, premier vice-président de l'Office :

Merci cher collègue pour cette note sur un sujet qui me tient particulièrement à coeur. Adolescent, je lisais déjà volontiers des ouvrages qui lui étaient dédiés.

J'ai l'impression que la note est complète tout en respectant le format imposé, mais qu'on peut peut-être encore l'améliorer en ré-ordonnant certains des sujets, la façon dont ils sont abordés, pour faire encore plus ressortir les questions cognitives, et la façon dont la réalité scientifique est ou non acceptée par les citoyens. Le titre résume bien l'objet de cette note : question de diagnostic et de rapport au diagnostic. Y a-t-il extinction ou pas ? Est-ce que le message passe ou pas ?

Cette note comprend 5 parties : 1/ La définition des notions utilisées ; 2/ Ce qui se passe aujourd'hui ; 3/ Les causes ; 4/ Le diagnostic scientifique comparé au rapport des citoyens au diagnostic ; 5/ Les outils et indicateurs pour essayer de mesurer et apprécier les espèces, individus, etc. On pourrait suggérer que la partie 1 puisse non seulement évoquer la notion d'extinction, mais aussi expliquer les différences entre extinction et effondrement, phénomène naturel et phénomène causé par l'homme, en introduisant cette notion d'« anthropocène ». La partie 2 aborderait la mesure et évaluerait la biodiversité, et dans la partie 3, on reviendrait sur le diagnostic : effondrement de la biodiversité et temporalité. Globalement, cela reviendrait à déplacer la partie 5 avant la partie 2, de façon à d'abord sonder, analyser les choses, et ensuite à tirer les conclusions, puis à s'intéresser aux causes, et enfin à examiner la perception. De même, en ce qui concerne l'ordonnancement des développements, l'encadré évoquant les nombres d'espèces pourrait être opportunément déplacé dans la partie description au lieu de la partie conclusion.

Cela permet aussi d'insister sur ces choses moins connues, assez originales par rapport à ce qu'on lit d'habitude, à savoir la question de l'acceptabilité. C'est une chose de dire que tout s'effondre, mais il faut l'appuyer par des évaluations solides pour en tirer des conséquences en termes de politique publique.

Cette analyse mobilise toute la palette des observations, depuis celles faites à l'oeil nu jusqu'aux analyses traitées par la science des données et par l'intelligence artificielle utilisant des bases de données.

À l'intérieur de la partie conclusive « effondrement de la biodiversité et temporalité », on différencie plusieurs étapes dans l'extinction : d'abord un effondrement, c'est-à-dire que le nombre d'individus décroit, les espèces se fragilisent... puis une perte, qui commence d'abord par les espèces spécialisées, et ensuite se généralise. Il serait peut-être bon d'expliciter plus complètement ces différentes phases. Extinction et effondrement sont deux choses distinctes, mais l'effondrement précède nécessairement l'extinction.

Il me semble que la note pourrait insister un peu plus sur le fait que ce sont les espèces les plus spécialisées, et en un sens, les plus intéressantes, les plus singulières, qui vont être le plus directement menacées.

Je terminerai par deux remarques limitées. Dans le premier paragraphe de la page 2, je n'ai pas compris si l'érosion des espèces « ...10 à 100 fois plus rapide que celle constatée lors des époques géologiques antérieures », est en régime de croisière aujourd'hui ou lors des extinctions antérieures. La page 1 insiste sur le fait que les extinctions, même si elles sont considérées comme brutales, se déroulent sur des périodes de l'ordre de 100 000 ans. Ici, il semble que ce phénomène d'extinction soit plus rapide. Il faudrait sans doute clarifier ce point.

Dans le premier paragraphe de la 2e colonne de la page 2, on évoque des « espèces complémentaires qui ne rendent pas les mêmes services... » : le mot « services » est ambigu, s'agit-il des liens envers les autres, envers les écosystèmes, ou faut-il le prendre au premier degré, les services que cela rend à l'homme, parce qu'on va en tirer des médicaments, les exploiter... ? Il faudrait préciser ce mot ou le changer.

Ceci étant précisé, je m'associe aux louanges déjà exprimées pour dire que c'est un très beau travail, sur un sujet pourtant souvent traité, et que la note parvient à trouver un point de vue original.

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