Intervention de Pierre Paradinas

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques — Réunion du 24 janvier 2019 à 8h40
Auditions sur « les zones à régime restrictif zrr dans le cadre de la protection du potentiel scientifique et technique de la nation

Pierre Paradinas, professeur titulaire de la chaire systèmes embarqués au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), président de la Société informatique de France (SIF) :

Je précise que ce qui a été mentionné par M. Jézéquel ne concerne pas seulement son laboratoire, mais l'ensemble des laboratoires informatiques. Effectivement, il y a cette difficulté particulière en informatique, d'être capable de bien travailler sur certains objets ou artefacts informatiques, lesquels sont duaux. Pour pouvoir se protéger, il faut connaître les techniques des gens qui attaquent. Quand on connaît bien le sujet et qu'on travaille scientifiquement sur ces domaines-là, il suffit de faire fonctionner les objets de manière un peu différente pour changer de côté. Il est difficile de détecter sur quel périmètre il est nécessaire de positionner une ZRR, ou comme le disait M. Jézéquel, une ZRR ++. Cela demande un gros travail, à la fois des laboratoires et des personnes amenées à porter des diagnostics ou des avis.

Pour compléter les propos de M. Jézéquel, les spécificités de notre discipline comme l'open source sont extrêmement contraignantes. J'évoquerai aussi les données ouvertes (open data), le pendant de l'open source, qui conduit à la nécessité, pour que le travail des chercheurs soit reconnu, rendu public et utilisé, de publier l'ensemble de leurs travaux. Cela permet d'avoir des expériences reproductibles. Dans le monde scientifique, c'est de plus en plus important, beaucoup de résultats scientifiques étant parfois contestés parce que ce sont de faux résultats. Si nous publions l'ensemble de nos outils - dans notre secteur, cela signifie des logiciels et des données -, cela permet que d'autres soient en mesure de reproduire nos expériences. C'est intrinsèquement nécessaire à notre discipline et à notre travail.

Pour conclure par quelques recommandations, je suis favorable à des sous-zones ou des sous-équipes. Il n'est pas vivable de soumettre l'ensemble d'un laboratoire à de trop fortes contraintes. D'ailleurs, c'est le cas en entreprise. Avant d'être enseignant-chercheur, j'étais chez un opérateur d'importance vitale (OIV). On savait travailler à la fois pour Visa et Mastercard. Je vous prie de croire que les équipes travaillant pour Visa n'étaient pas les mêmes que pour Mastercard. C'est pareil quand on travaille pour l'industrie de la défense. Beaucoup d'équipes pensent que ce serait important de vraiment spécialiser leur organisation, à travers des sous-équipes ou des sous-laboratoires.

Un autre point extrêmement important : les coûts administratifs induits ne doivent pas empêcher de conserver une grande agilité pour la recherche. Agilité pour faire venir les gens, agilité pour se déplacer, agilité pour publier, agilité pour pouvoir recruter, ce qui est vraiment primordial. Si vous mettez trois mois à répondre, les personnes iront à Zürich ou aux États-Unis sans aucun problème, les conditions y sont au moins aussi bonnes qu'en France.

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