Intervention de Jacques Bigot

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 27 mars 2019 à 9h30
Projet de loi relatif aux compétences de la collectivité européenne d'alsace — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Jacques BigotJacques Bigot :

Notre rapporteur s'efforce de respecter un accord compliqué. Nous étions invités à Matignon le jour où cet accord a été négocié. Nous avons attendu deux heures avant que le Premier ministre, Mme Gourault, les ministres des transports et de l'éducation nationale, les présidents des conseils départementaux et le président du conseil régional sortent et viennent signer devant nous la déclaration commune. Cette déclaration est un compromis. Mais entre qui ? Permettez-moi de citer une chanson alsacienne, le Hans du Schnockeloch, qui dit : « Tout ce qu'il veut, il l'a, / Mais ce qu'il veut, il ne l'a pas, / Et ce qu'il a, il ne l' veut pas ! »

J'ai siégé avec André Reichardt dans l'ancien conseil régional : à l'époque coexistaient une agence de développement économique régionale, une agence de développement économique dans le Haut-Rhin et une autre dans le Bas-Rhin. Ce n'est qu'après la création de la région Grand Est que les départements se sont mis d'accord pour fusionner les leurs, mais le préfet s'y est opposé car les départements avaient, entre-temps, perdu la compétence économique ! En 2013, le président de la région Philippe Richert avait obtenu l'accord des trois collectivités concernées pour créer une collectivité à statut particulier fusionnant la région et les départements. Lors du référendum, le projet a été repoussé. Preuve que les sondages sont une chose, et qu'un référendum en est une autre !

J'en reviens à Hans im Schnokeloch : celui-ci, une fois la région Grand Est créée, dit qu'il regrette sa collectivité unique mais veut quand même garder les deux départements... D'où les discussions que nous avons eues avec la ministre ! En fait, on se borne à fusionner deux départements tout en faisant croire aux Alsaciens qu'ils ont obtenu une collectivité à statut particulier, ce qui n'est pas le cas ! Il n'est pas sain de rester dans l'ambiguïté. Soit on vise une collectivité à statut particulier, et il faut l'obtenir ; soit ce n'est pas le cas, et il faut le dire, ce qui revient à reconnaître que les deux départements ont fusionné. Je suis favorable à cette fusion, qui permettra de mieux travailler avec les intercommunalités - qui se sont regroupées pour créer un pôle métropolitain entre Strasbourg, Mulhouse, Colmar, Haguenau et Saint-Louis -, avec la région Grand Est et avec l'État. Cela permettra de mieux traiter les besoins de la vallée du Rhin.

L'État est-il prêt à transférer de nouvelles compétences ? À cet égard, ce texte n'apporte rien de nouveau, à part le transfert des routes. L'idée est de régler la question de l'écotaxe. Il y a vingt ans, un député alsacien avait déjà proposé un texte instaurant une écotaxe dans la vallée du Rhin. L'État s'y était opposé. Le projet de loi n'apporte aucune précision à ce sujet. Il faudra attendre une ordonnance et je crains que Bercy ne s'y oppose à nouveau.

Il faut donc que nous soyons parfaitement clairs sur ces questions. À Matignon, j'avais dit qu'il fallait faire vivre la déclaration commune qui avait été adoptée, mais il faut rester dans le cadre législatif existant.

Je constate surtout que l'État ne donne rien ! Par exemple sur le bilinguisme, je ne comprends pas très bien ce que le texte ajoute, puisqu'il existe déjà des conventions entre l'État, la région et les départements. Si l'on souhaite donner une compétence particulière à la nouvelle collectivité sur le développement du bilinguisme, nous pourrions ajouter dans le texte un élément sur le recrutement des enseignants. En Allemagne, ce sont les Länder qui recrutent les enseignants. La Collectivité européenne d'Alsace ne pourrait-elle pas négocier des échanges d'enseignants, puisque nous savons bien que l'État ne le fera pas ?

Lorsque nous avons auditionné les personnes qui travaillent sur les questions de coopération territoriale transfrontalière, nous avons identifié un véritable problème : le secteur sanitaire. Notre collègue Patricia Schillinger m'expliquait récemment que, si les habitants de sa ville veulent se rendre dans l'hôpital bâlois qui est à cinq minutes de chez eux, ils doivent d'abord obtenir un accord préalable, puis c'est la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan qui procèdera au remboursement : pour l'assurance maladie, aller en Suisse ou en Allemagne, c'est comme aller en Inde ou en Chine... Voilà la réalité ! Nos concitoyens attendent des réponses concrètes à ce type de problèmes. C'est pourquoi je propose que le schéma transfrontalier concerne aussi le secteur sanitaire.

Il ne faut pas être dans l'ambiguïté à l'égard des Alsaciens. Surtout, mes chers collègues, je voudrais vous dire que les Alsaciens sont très attachés à la France. Lors des cérémonies militaires qui ont lieu dans nos départements, les militaires sont toujours étonnés de la forte participation de la population. En fait, les Alsaciens veulent simplement que les choses fonctionnent, que l'économie tourne de manière efficace et que des solutions soient apportées à leurs problèmes. Ils ne sont pas intéressés par des mécanos institutionnels !

Les départements ont donné leur accord pour fusionner. Restons dans ce cadre minimaliste et ne faisons pas croire aux Alsaciens qu'on leur donne une collectivité à statut particulier ! D'ailleurs, si nous préparons un texte pour créer une collectivité à statut particulier, il n'ira pas plus loin que le Sénat... Je vous rappelle que les députés nous ont imposé la région Grand Est ; pour ma part, j'étais favorable à une région regroupant l'Alsace et la Lorraine, ce qui était le projet initial du gouvernement de l'époque.

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