Intervention de Bernard Vera

Réunion du 23 novembre 2006 à 15h00
Loi de finances pour 2007 — Question préalable

Photo de Bernard VeraBernard Vera :

Cette situation ainsi décrite par une récente dépêche d'agence de presse suffit amplement à démontrer que le projet de loi de finances est, pour une bonne part, fondé sur des données parfaitement virtuelles.

Comme nous l'avons souligné lors de la discussion générale, la situation économique et sociale de notre pays n'est pas satisfaisante et porte en germe de nouvelles difficultés dont les victimes, en dernière instance, sont d'ores et déjà identifiées : ce sont tous ceux qui, depuis de longues années, subissent de plein fouet le développement de la précarité de l'emploi, la réduction du pouvoir d'achat en termes réels, l'aggravation des inégalités sociales et des discriminations en tout genre, ainsi que le déclin de la dépense publique.

Les victimes des choix opérés par le projet de loi de finances, je les rencontre tous les jours dans mon département : ce sont les salariés soumis aux plans sociaux dans leurs entreprises ; les jeunes exclus du monde du travail ; les travailleurs immigrés, dont les droits ne sont pas reconnus ; les familles modestes, qui sont pénalisées par les impôts et la hausse des prix ; enfin, les « mal logés », qui attendent depuis de trop longues années que le droit au logement devienne réalité.

Quel décalage entre ces urgences sociales et économiques et le contenu du projet de loi de finances que vous nous présentez, monsieur le ministre !

En guise de réponse au problème du pouvoir d'achat, vous ne proposez que l'augmentation de la prime pour l'emploi, qui représente un versement moyen de 40 euros par mois, et le développement de la participation ! Il existe pourtant un moyen très simple d'assurer la progression du pouvoir d'achat : relever le SMIC de manière significative et procéder au dégel du traitement indiciaire des fonctionnaires, à qui vous accordez généreusement, ce mois-ci, quatre euros de majoration ! Nous pourrions présenter d'autres orientations pour ce projet de loi de finances.

Permettez-moi d'ailleurs, mes chers collègues, de citer un avis autorisé sur le contexte économique dans lequel nous nous trouvons, extrait du site personnel de M. le président de la commission des finances : « Pour la quatrième année consécutive, la croissance mondiale va dépasser 4 %. Alors que les entreprises du CAC 40 affichent des résultats sans précédent - 80 milliards d'euros -, la croissance française stagne autour de 2 % et le chômage ne régresse que grâce aux emplois publics du « plan Borloo ». En fait, les sociétés du CAC 40 opèrent au plan mondial, investissent, créent des emplois et réalisent leurs bénéfices hors de France. En poussant le trait à l'extrême, elles sont sorties de l'économie nationale. Certaines disposent d'une trésorerie si pléthorique qu'elles sont tentées de racheter leurs propres actions. La finance ne finance plus l'économie nationale, elle finance la finance ! ».

Oui, les profits des entreprises du CAC 40 n'ont jamais été aussi élevés ! Ceux d'Accor ont augmenté de 54 % au premier semestre ; ceux d'Axa, de 20 % - 2, 73 milliards d'euros - ; ceux de l'Oréal, de 22 % - 1, 08 milliard d'euros - ; ceux de LVMH, de 46 % - 820 millions d'euros - ; ceux de Sanofi Aventis, de 33, 6 % - 3, 96 milliards d'euros - ; ceux de Suez, de 39, 5 % - 2, 2 milliards d'euros - ; ceux de Total, de 13 % - 7, 12 milliards d'euros - ; et, enfin, ceux de Vivendi, de 48, 1 % - 1, 86 milliard d'euros.

L'ensemble des entreprises du CAC 40 ont vu leurs profits croître au premier trimestre 2006 de 49, 8 milliards d'euros, soit plus que le déficit budgétaire prévisible et pratiquement autant que le produit attendu de l'impôt sur les sociétés. Cette progression s'ajoute à celle de 23 % qui avait été enregistrée pour l'année 2005, déjà considérée alors comme exceptionnelle !

Que l'on ne s'y trompe pas, la bonne santé des rentrées fiscales de l'Etat que nous attendons pour 2006 n'est donc qu'un paradoxe au regard d'une situation dont bien des éléments indiquent clairement que nous sommes près d'un retournement de conjoncture économique.

Si nous n'y prenons garde, nous allons continuer de connaître, en France, cette accumulation infinie de capitaux et de moyens destinés à être gaspillés dans des aventures financières, comme, par exemple, ces opérations de retrait-destruction d'actions - ce que Total fait avec le tiers de son résultat net annuel depuis plusieurs années -, tandis que avec les opérations de fusion-acquisition et leur cortège de plans sociaux, on continue d'externaliser les coûts, de liquider des emplois et de délocaliser tout ou partie des capacités de production.

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