Intervention de Johan Cavallero

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 27 mars 2019 à 9h30
Moyens mis en place pour faire face aux actes de violence et de vandalisme commis à paris — Audition de la fédération cfe-cgc organisation professionnelle de la police nationale

Johan Cavallero, délégué national CRS Alliance Police nationale :

Les CRS sont mis à disposition de l'autorité d'emploi : la préfecture de police ou les directions départementales de la sécurité publique. Ils ne choisissent donc pas leur mission : c'est le préfet qui en décide. À Paris, le 16 mars, les leçons du 1er décembre n'ont pas été tirées, puisque douze compagnies républicaines de sécurité ont été cantonnées à la garde statique de bâtiments ou de rues. Elles sont pourtant spécialisées dans le maintien de l'ordre, suivent 25 jours de formation par an, sont dotées d'équipements ainsi que d'armements qui leur permettent de faire face pendant deux ou trois heures à des guerriers et d'absorber la pression. Mais nous ne sommes pas utilisés comme nous devrions l'être ! Même en province, nous sommes parfois cantonnés à la garde de préfectures, tandis que d'autres collègues, qui ont moins de moyens, sont chargés du maintien de l'ordre. Or le premier rideau doit être constitué par les CRS ou les gendarmes mobiles !

Le débat ne porte pas vraiment, selon moi, sur la doctrine d'emploi. Celle-ci est claire. Les CRS servent au maintien de l'ordre et doivent pour cela pouvoir manoeuvrer. En manoeuvrant, on utilise moins de grenades, moins de LBD, et on déstabilise l'adversaire. En barrage ferme, les CRS reçoivent les projectiles et ne peuvent rien faire ! La doctrine d'emploi et la formation des CRS prévoient pourtant un principe de sécabilité qui leur permet de manoeuvrer. Le problème, c'est que les autorités qui nous emploient ne le connaissent pas.

Nous travaillons certes en complémentarité avec nos collègues des détachements d'action rapide (DAR) ou des brigades anticriminalité (BAC). Mais nous devrions constituer le premier rideau, pouvoir manoeuvrer et faire des charges, pour que nos collègues arrivent ensuite pour interpeller en toute sécurité. En face, nous recevons des boules de pétanque, de l'acide, des bouches d'égout cisaillées, qui provoquent des blessures graves. En fait, nous faisons du maintien de l'ordre à l'envers : les forces les moins destinées à cela sont en première ligne, et celles entraînées et équipées pour absorber les chocs sont derrière.

Les armes que nous utilisons, nous les utilisons sur instruction, tout est cadré. Le problème, je le redis, c'est que nos forces de maintien de l'ordre sont utilisées en deuxième ou troisième rideau. La doctrine d'emploi n'est pas en cause, car il suffirait de l'appliquer.

Là où nous pourrions évoluer, c'est sur l'appréhension des casseurs. Mais pour mettre un terme aux violences, il faut de la volonté, celle de faire manoeuvrer les unités. Nous avons aussi, certes, un problème d'effectifs, puisqu'il manque un millier de personnes dans les CRS. Mais en faisant bouger les unités, on pourrait isoler les groupes. Résultat : des gens lambda se mêlent aux black blocs pour casser à leur tour ou faire des photos, ce qui gêne notre travail.

Lors des manifestations du 1er mai, les black blocs étaient isolés ! Cette fois-ci, on ne reçoit pas d'instructions. On semble leur laisser une échappatoire. Comme si on ne voulait pas que les images montrent des arrestations nombreuses. Or nous pouvons interpeller les fauteurs de trouble, et les techniques d'engagement existent - le Défenseur des droits les a critiquées, mais c'est une erreur, car le droit européen les autorise.

Enfin, jamais les CRS n'ont été associés aux réunions préparatoires organisées par la préfecture de police, ni les gendarmes mobiles. Comment concevoir un dispositif sans recueillir l'avis des techniciens ?

Bref, appliquons d'abord ce qui existe, laissons faire les professionnels, et ensuite nous verrons ce qu'il convient d'adapter.

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