Intervention de Yvan Assioma

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 27 mars 2019 à 9h30
Moyens mis en place pour faire face aux actes de violence et de vandalisme commis à paris — Audition de la fédération cfe-cgc organisation professionnelle de la police nationale

Yvan Assioma, secrétaire régional 75 Alliance Police nationale :

Je suis le responsable du syndicat Alliance à Paris.

Un petit mot pour commencer. J'ai reçu le dimanche 17 mars, de la part d'un collègue d'une compagnie d'intervention implantée rue de Trévise, où se trouve l'immeuble qui a pris feu et qui fait toujours l'objet d'une garde statique, un SMS faisant de la manifestation de la veille le récit suivant : « je suis chef d'un groupe issu de la 32e compagnie équipée en maintien de l'ordre ; nous relevons un adjoint de sécurité et un stagiaire - je m'interroge sur l'efficience de notre mission... Par la suite, une bande de casseurs agit dans ma rue, à une centaine de mètres : voitures et poubelles incendiées. J'en avise le centre d'information de la direction de l'ordre public et de la circulation (DOPC). Réponse : laissez-faire et remontez dans vos véhicules. S'ils viennent vers vous, partez. Pourquoi suis-je sur ce point ? Nous étions casqués, les LBD approvisionnés, grenades prêtes à l'emploi. On parle de trente casseurs, pas de cinquante, donc aisément gérables par un groupe. En manoeuvrant bien, nous pouvions les envoyer sur les gendarmes au bout de la rue. J'en ai assez de voir la direction de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne (DSPAP) faire mon job pendant que je surveille des portes. J'en ai assez de me former et de m'entraîner depuis dix-sept ans pour en être réduit à fuir, si trente casseurs font route vers moi. Bref, je suis en colère parce qu'hier, on a laissé des collègues en prendre plein la gueule, alors que nous ne faisions rien et que douze compagnies sanctuarisaient l'Élysée ». Voilà le sentiment général de nos collègues parisiens !

Comprenez-moi : les collègues de la DSPAP et de la DOPC s'entendent très bien, mais il y a aujourd'hui un vrai paradoxe sur le maintien de l'ordre. Nos collègues de la DOPC savent faire du maintien de l'ordre et le font bien. Mais il faut leur en donner les moyens, et non les envoyer sur des missions polluantes ! Sur les 780 policiers de la DOPC en compagnie d'intervention, 550 environ sont engagés tous les samedis, c'est-à-dire quasiment la totalité, puisqu'il faut bien donner du repos à certains. Toutes nos compagnies d'intervention - il y en a six de jour, une de nuit - ont travaillé tous les samedis, avec des repos décalés, ce qui entraîne des dérèglements sur le cycle de travail et l'organisation de la vie de famille.

Et paradoxalement, les 800 policiers de la DSPAP sont aussi engagés. C'est un comble : les jours de maintien de l'ordre, ils sont plus nombreux que les collègues de la DOPC. Autre curiosité, le 16 mars, la préfecture de police avait autorisé d'autres manifestations ! On devrait commencer par réguler un peu les demandes, surtout quand il y a des manifestations à risque, quitte à en différer certaines. Cela permettrait de mieux gérer les effectifs. Le 16 mars, 105 collègues de la DOPC étaient affectés à la garde de bâtiments et d'institutions.

Le préfet Delpuech, son directeur de cabinet, le directeur de la DSPAP ont été remplacés ; mais si on ne change pas de méthode, on pourra changer les têtes tous les lundis ! Comme l'a dit mon collègue, le commandement de la préfecture de police les jours de maintien de l'ordre est une hydre. La DOPC est censée diriger et centraliser les conférences radio mises en place pour les différentes divisions sur le terrain, mais la DSPAP fait la même chose de son côté - je songe par exemple aux fréquences radio dédiées aux DAR, devenus des brigades de répression de l'action violente (BRAV) le weekend dernier. Or la communication entre les deux salles de commandement n'est pas directe... Il faudrait travailler à davantage de fluidité ; pourquoi pas un état-major unique les jours de manifestation à risque ?

Cette multitude de têtes se traduit par des situations ubuesques. Je pourrais vous faire lecture d'autres témoignages. Tel celui de cet officier, arrivé à 15 h 30 pour protéger le Fouquet's qui avait déjà été cassé, qui fait face à 16 h 30 à un groupe hostile lui lançant des excréments, des liquides inflammables, des cocktails Molotov, et qui demande du renfort... qui n'arrive qu'à 16 h 45 - un quart d'heure sous les projectiles, c'est long ! « Nous avons fait face à de véritables scènes de guérilla urbaine, le seul but de ces individus étant de porter gravement atteinte à notre intégrité physique », écrit-il, reflétant le sentiment de nombreux collègues.

Des dysfonctionnements, il y en a eu le 16 mars, c'est évident. Tout ne peut certes pas se régler en un jour. Mais les bonnes instructions doivent être données pour permettre à nos collègues de faire des interpellations. Les BRAV sont composées de fonctionnaires des brigades territoriales de contact, telles les BAC : c'est leur métier, ils font cela tous les jours, sont formés et habilités à l'usage du LBD, se soumettent à cette fin à une validation triennale de quatre heures. Certes, nous pouvons toujours faire mieux en matière de formation continue ; nos collègues ne s'entraînent sans doute pas suffisamment à l'usage du LBD.

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