Intervention de Christophe Rouget

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 27 mars 2019 à 9h30
Moyens mis en place pour faire face aux actes de violence et de vandalisme commis à paris — Audition de la cfdt

Christophe Rouget, secrétaire général adjoint du Syndicat des cadres de la sécurité intérieure (SCSI-CFDT) :

Il faut rappeler le contexte de l'acte XVIII : on a assisté à une évolution du maintien de l'ordre ces dernières années. Nous sommes passés de manifestations classiques à des manifestations risquant de dégénérer, et enfin à des émeutes et guérillas urbaines. Il y a une certaine radicalisation de personnes qui ont une stratégie précise et qui utilisent les réseaux sociaux et l'émotion suscitée par la couverture médiatique.

Ces paramètres doivent conditionner l'évolution du maintien de l'ordre. Or, nous payons l'absence de réflexion, depuis trente ans, des pouvoirs publics à ce sujet. Les effectifs ont beaucoup diminué avec la révision générale des politiques publiques (RGPP), les missions sont devenues plus génériques, avec une participation davantage à des missions de sécurité publique que de maintien de l'ordre. On a eu un manque d'investissement, notamment sur les véhicules blindés à roues de la gendarmerie (VBRG) qui ont plus de 45 ans. Plusieurs ministres ont affirmé la nécessité de revoir la doctrine du maintien de l'ordre, mais nous attendons toujours cette nouvelle doctrine. Pour nous, les améliorations s'articulent autour de trois axes.

Tout d'abord la prévention. Il faut développer le travail, en amont des manifestations, avec les services de renseignement territoriaux, mais aussi étrangers. Nous attendons beaucoup de la loi anti-casseurs. Elle devrait nous donner de nouveaux outils, qui nous permettront de sortir les individus les plus dangereux des manifestations. Il faut aussi des contrôles préventifs, qui avaient été très nombreux le 1er décembre, même si cela nous a valu de nombreuses critiques sur le nombre de personnes placées en garde à vue.

Ensuite, les améliorations doivent concerner la stratégie opérationnelle. Après l'affaire de Sivens, nous avons assisté à un retour en arrière s'agissant de la délégation de l'autorité civile, qui a été fortement réduite. Nous avons écrit au ministre pour l'étendre de nouveau. Cette délégation est trop limitée. Il faut que l'autorité civile puisse être sur le terrain, et pas uniquement dans une salle de commandement. Nous nous sommes aperçus, notamment à Paris, que certaines unités sur le terrain ne communiquaient pas. Il faut que le chef sur le secteur puisse parler au commandement, mais également à l'unité qui se trouve à 100 mètres. Les moyens radio doivent par ailleurs être renforcés, afin que toutes les unités mobilisées puissent parler entre elles. Nous avons donc aussi demandé une sectorisation, avec une vraie délégation sur le commandement local, ce qui permet une réactivité immédiate.

La mise en place de nouvelles sommations est aussi nécessaire. Les personnes qui ne sont pas habituées à manifester ne connaissent pas les sommations habituelles et n'y réagissent donc pas : il faudrait des moyens modernes, avec des sommations sonores ou visuelles.

Il serait bon d'avoir un entraînement commun des forces. Quand on sélectionne des joueurs de différentes équipes pour en constituer une nouvelle de haut niveau, cette dernière ne peut pas être performante si ses joueurs ne s'entraînent jamais ensemble !

Enfin, il nous faut progresser sur la judiciarisation. Nous avons de grandes difficultés à faire des procédures bien établies. La question n'est pas de faire ici la critique de la justice, mais nous constatons une grande hétérogénéité des condamnations sur le territoire : il y a de lourdes condamnations en province, c'est moins le cas à Paris. L'essentiel est de savoir comment judiciariser les individus violents, les casseurs. Nous avons fait des propositions visant à mettre des officiers de police judiciaire, voire des magistrats, sur le terrain. On doit favoriser le développement de cellules comme cela a été fait dans certains départements, qui travaillent en amont avec les cellules de renseignement, et après, dans le cadre des enquêtes. Cela s'est fait à Toulouse notamment. Ce sont des équipes habituées aux procédures et qui ont des résultats intéressants. Nous avons aussi demandé le développement des produits de marquage codés, c'est-à-dire des produits transparents constitués d'ADN synthétique, aujourd'hui utilisés notamment pour protéger les banques ou les véhicules de transport de fonds.

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