Mes chers collègues, nous avons le plaisir d'accueillir ce matin M. Philippe Knoche, directeur général d'Orano, pour évoquer avec lui la situation de l'entreprise et, plus globalement, l'avenir de l'énergie nucléaire en France et au plan international.
Monsieur Knoche, notre commission vous a entendu pour la dernière fois en avril 2015, peu de temps après l'annonce de pertes de près de 5 milliards d'euros. Nous étions alors en plein débat sur la loi de transition énergétique, et une vaste réorganisation de la filière nucléaire devait être annoncée dans les mois suivants.
Quatre ans après, c'est peu dire que votre entreprise a changé, et le paysage nucléaire français a changé avec elle. Areva est devenue Orano et s'est recentrée sur le cycle de l'atome - vous êtes en somme revenus au périmètre de l'ancienne Cogema - et vous avez engagé un plan très important d'économies. L'activité de construction des réacteurs, qui a repris le nom de Framatome, est désormais contrôlée par EDF, et une société d'ingénierie commune aux deux entreprises a été créée. Surtout, l'État a apporté 2,5 milliards d'euros au capital d'Orano, aux côtés de deux partenaires japonais qui ont investi à hauteur de 500 millions, et 2 milliards ont été injectés dans la structure Areva SA chargée de solder le dossier de l'EPR finlandais.
Quatre ans après, c'est donc l'occasion pour nous de voir si vos efforts comme ceux, non moins importants, du contribuable français, permettent d'envisager l'avenir de l'entreprise plus sereinement. Le 1er mars dernier, vous avez présenté des résultats financiers pour l'année 2018 qui comportent des signes encourageants, avec en particulier un flux de trésorerie positif pour la première fois depuis longtemps, une réduction de l'endettement, une performance opérationnelle meilleure qu'attendue, et un carnet de commandes représentant toujours près de neuf ans d'activité. Mais il y a aussi quelques motifs d'inquiétude, avec un nouveau recul du chiffre d'affaires et un nouveau creusement des pertes.
Quel bilan d'étape pouvez-vous dresser aujourd'hui du travail déjà accompli, notamment en termes d'amélioration des performances de l'entreprise ? Quelles ont été les conséquences sociales et territoriales de cette mutation, et quel chemin reste-t-il à parcourir pour rétablir définitivement la situation - si tant est que le terme « définitivement » ait un sens en économie ?
Même recentrées sur le cycle de l'atome, vos activités restent diverses, de l'extraction du minerai à la chimie, pour l'enrichir, du recyclage des combustibles usés à la logistique des matières radioactives ou encore aux activités de démantèlement et aux services. Quelles perspectives voyez-vous dans ces différents métiers ? J'insisterai sur deux points en particulier : le vieillissement du parc installé offrant de belles opportunités dans le démantèlement des installations, comptez-vous vous renforcer dans cette activité ? J'ai cru comprendre, s'agissant du parc français, qu'EDF envisageait de démanteler lui-même ses installations...
Par ailleurs, où en est le projet de construction d'une usine de traitement et de recyclage des combustibles usagés en Chine, pour laquelle un protocole d'accord a été conclu en janvier 2018, et dont la phase de travaux préparatoires s'est achevée fin 2018, sans traduction concrète depuis ? Peut-être la visite du président chinois ces derniers jours a-t-elle fait avancer les choses...
Je souhaiterais aussi connaître votre point de vue sur la nouvelle programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et sur le nouveau projet de loi « énergie » qui s'annonce, et qui doit entériner le report à 2035 de la baisse de la part du nucléaire à 50 % du mix électrique. Comment ces décisions sont-elles accueillies en interne, et parvenez-vous toujours à mobiliser les équipes, à maintenir les compétences ou à recruter dans un tel contexte ?
Au-delà du cas français, pensez-vous que le marché du nucléaire peut repartir au niveau mondial, notamment pour répondre à l'enjeu climatique ?