Merci de m'accueillir après une restructuration très importante que vous avez mentionnée, et dans une phase de stabilisation.
Orano compte aujourd'hui 16 000 salariés dans le monde, et plus de 12 000 en France essentiellement localisés dans le Nord-Ouest, la vallée du Rhône et le Narbonnais. Après la phase de restructuration, nous avons recruté en 2018, en France, 800 CDI et 700 alternants ou CDD. Les chiffres seront similaires pour 2019.
Alors que plus des trois quarts de nos salariés se trouvent en France, nous réalisons 55 % de notre chiffre d'affaires en dehors de l'hexagone. Notre politique d'accompagnement tout au long de la carrière va de pair avec des investissements dans les installations. À la Hague, par exemple, nous investissons 200 millions d'euros par an, et recourons à beaucoup d'approvisionnements locaux. Dans le Sud-Est, nous investissons plus de 200 millions d'euros par an.
Il s'agit d'investissements extrêmement importants. Les installations du Tricastin, par exemple, sont intégralement neuves : l'usine Philippe Coste pourra ainsi alimenter en uranium converti l'équivalent de 90 millions de foyers en France, en Allemagne et en Grande-Bretagne.
Nos activités débutent par des mines au Kazakhstan, au Niger et au Canada, pour les besoins d'EDF, mais également de nos clients mondiaux.
Plus de 40 % de nos équipes travaillent dans des métiers de service, en particulier la logistique. Nous réalisons plusieurs milliers de transports de matières nucléaires par an, que ce soit du matériel médical ou du combustible usé. Plus de 3 000 personnes travaillent en France au démantèlement de nos propres installations. Un fonds dédié de 7 milliards d'euros figure à notre bilan pour ce faire. Nous dépensons 200 millions d'euros par an pour le démantèlement. Nous intervenons dans ce cadre pour EDF en tant que sous-traitant.
Nous exerçons également ces métiers au niveau international et réalisons plus particulièrement des interventions sur tout ce qui est proche du coeur de la cuve. Nous intervenons cette année en Allemagne et aux États-Unis notamment, où il existe un potentiel de croissance.
Pour une entreprise spécialisée dans les matières nucléaires, le démantèlement d'une centrale représente à peu près dix fois moins d'activité qu'une centrale en fonctionnement. Il faut garder cet ordre de grandeur à l'esprit. En effet, une centrale qui fonctionne consomme de l'uranium, de l'uranium enrichi, et produit du combustible usé. Quand on la démantèle, il s'agit d'une opération ponctuelle qui consiste à enlever la cuve.
Nous intervenons également dans l'aval du cycle, en Asie en particulier, qui constitue la zone de croissance du nucléaire mondial. J'en profite pour rappeler que la production électronucléaire est en croissance depuis ces cinq dernières années. Elle a crû à peu près de 1 % par an depuis 2012, après avoir connu une baisse après Fukushima. En 2022-2023, on rejoindra les niveaux de production nucléaire mondiale les plus hauts. On aura alors compensé la baisse de Fukushima.
Les grands pays comme la Chine ont conscience à la fois de l'enjeu climatique et de la pollution des villes. Il s'agit donc de limiter la production d'électricité à base de charbon. La Chine vient de relancer des constructions supplémentaires de réacteurs nucléaires. Ses objectifs sont assez ambitieux et contribuent à la croissance de la production nucléaire mondiale.
Nos business models sont différents de ceux de l'ancienne Cogema : les marchés ont beaucoup évolué, les conditions de compétitivité sont très fortes et tous nos contrats sont aux prix du marché.
C'est dans ce contexte que nous avons dégagé en 2018, pour la première fois, un flux de trésorerie positif et qu'on a commencé à se désendetter de plus de 150 millions d'euros, pour une dette de 2,3 milliards d'euros. Nous avons encore du travail pour réduire notre endettement plus rapidement. Nos programmes ont permis d'économiser 500 millions d'euros par an sur les coûts de l'entreprise et nous avons lancé un nouveau programme de 250 millions d'euros supplémentaires couvrant à la fois les investissements et les frais de fonctionnement.
Les opérations ont dégagé plus de 500 millions d'euros de résultats l'année dernière ce qui, après paiement des frais financiers, aboutit à un résultat net ajusté positif. Le résultat net publié est en revanche négatif, nos actifs pour le démantèlement ayant en effet pénalisé nos comptes l'an dernier, avec un rendement de - 3,5 %.
En termes de perspectives, nous avons indiqué que notre génération de trésorerie nette continuerait à être positive. C'est notre mission première d'y contribuer chaque année. Un retour à la croissance est annoncé à partir de 2020, en particulier dans le développement en Asie, où nous réalisons 24 % de notre chiffre d'affaires. L'objectif est de l'augmenter encore. Nous avons fait une offre pour la construction d'une usine de recyclage en Chine. Nous avons obtenu un contrat préparatoire l'année dernière qui a été réalisé et payé par le client. Les négociations se prolongent. Elles doivent être gagnant-gagnant : il ne s'agit pas de vendre une technologie à un prix bradé. Il faut être dans les conditions du marché et répondre aux objectifs du client.
C'est également un sujet politique dans le contexte du moment. Les négociations, après une pause au deuxième semestre 2018, sont dans une phase active. On n'avance pour l'instant pas de calendrier compte tenu des enjeux à traiter. Ce peut être une source de croissance en Asie. Le redémarrage de la flotte de réacteurs japonais, qui s'étaient complètement arrêtés, est une autre source de croissance pour nos activités, neuf réacteurs ayant redémarré au Japon.
Vous m'avez interrogé sur la PPE. Le scénario retenu n'était pas celui que nous avions défendu, je le dis sans détour. Le coût de production des réacteurs nucléaires d'EDF est de 33 euros par mégawattheure. C'est compétitif, sûr, et cela permet une production en continu. Le Gouvernement en est convenu : le nucléaire n'est pas un frein au développement du renouvelable. Au contraire, sa disponibilité assure une fourniture en continu face à l'intermittence des énergies renouvelables.
Même si ce n'est pas le scénario que nous avions retenu, nous l'appliquerons néanmoins. Cela n'a pas d'impact sur l'entreprise à court terme. L'impact à moyen terme est lié au recyclage. Le recyclage a plusieurs avantages : il permet d'abord de reconditionner les déchets en réduisant leur volume par un facteur cinq, dans une matrice de verre vraiment très sûre. Aujourd'hui, 10 % de l'électricité de cette salle provient du recyclage de matières nucléaires. Avec les avancées industrielles qu'a prévues EDF, en 2023, plus de 15 % de l'électricité sera produite à partir de matières recyclées.
Il est pour nous important de préserver les avantages du recyclage, ce qui est annoncé dans la PPE. Les réacteurs qui autorisent le recyclage sont aujourd'hui de 900 mégawatts. Le « moxage » des réacteurs de 1 300 mégawatts est prévu à partir de l'année 2028, ce qui permettra d'assurer une continuité entre la fermeture des réacteurs et la mise en route des suivants.
On continue à préparer l'avenir avec le multi-recyclage des matières, ce qui n'a pas encore été fait en France, mais pour des clients étrangers. Nous travaillons en recherche et développement dans l'optique d'assurer une électricité décarbonée. Le nucléaire, selon les chiffres du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), émet par kilowattheure à peu près aussi peu de gaz carbonique que l'éolien, soit 12 grammes de CO2, ce qui est en dessous du solaire, le charbon étant quant à lui à 800 grammes par kilowattheure.
Je vous invite d'ailleurs à télécharger sur votre téléphone l'application gratuite electricityMap pour vous rendre compte, en temps réel, des émissions de carbone des pays européens. Vous pourrez voir que la France est plus verte que l'Allemagne qui est pénalisée par ses émissions liées à l'utilisation du charbon. Ce n'est pas très difficile, mais cela vaut quand même la peine d'être rappelé !
Pour conclure, je voudrais insister sur le fait que le nucléaire est, de notre point de vue, une énergie d'avenir, décarbonée, compétitive. Nous investissons dans la recherche et développement en matière de recyclage, afin d'être toujours plus efficaces, par exemple dans les techniques minières et dans les techniques de production. Nous avons été primés pour des initiatives de digitalisation de notre ingénierie.
Les matières nucléaires dont nous sommes spécialistes font également l'objet de tests cliniques pour soigner certaines tumeurs neuroendocrines. Cela fait partie de nos savoir-faire, même si cela n'a aujourd'hui pas d'impact direct sur le plan financier.