Tout d'abord, nos relations avec EDF sont d'ordre industriel mais se sont déroulées pendant toute la restructuration dans des conditions très professionnelles. C'est une relation positive et exigeante. Nous sommes mis en concurrence, pas seulement en matière de prix. La sécurité d'approvisionnement entre également en ligne de compte. C'est à EDF d'avoir sa politique dans ce domaine. EDF représente environ 40 % de nos ventes.
Le Groupement des industriels français de l'énergie nucléaire (Gifen), créé en 2018 au sein de la filière électronucléaire, regroupe EDF, Orano, le CEA, et plus de 2 000 entreprises. Ce groupement a préparé le contrat stratégique de la filière nucléaire avec le Gouvernement.
L'ensemble de la filière se restructure. C'est important pour relever les défis, que ce soit en termes de gestion et de développement des compétences, de numérisation, ou de recherche et développement.
J'ai indiqué qu'on allait passer au moxage des réacteurs de 1 300 mégawatts : la première recharge est prévue en 2028. C'est EDF qui en est le chef de projet. Nous serons bien entendu fournisseurs.
Au-delà, il faut prouver que le multi-recyclage du Mox usagé est possible. Nous ferons un assemblage test dans entre 2025 et 2028. Nous continuerons par ailleurs les études sur la quatrième génération de réacteurs dont l'un des avantages est de réduire la durée de vie des déchets. L'autre est d'économiser de l'uranium par surgénération de plutonium. En la matière, la ressource est abondante, ce qui a d'ailleurs provoqué une forte baisse des prix. Les réserves en uranium peuvent s'évaluer en siècles.
Par ailleurs, pour un mégawattheure à 33 euros, le combustible revient à 5 euros. Ce sont des chiffres faibles. 5 % du coût de l'électricité vient de l'uranium naturel. Même si son prix doublait ou triplait sur très longue période, l'impact ne serait pas du tout le même que si le même cas se présentait pour une centrale fossile, où le coût du combustible peut représenter jusqu'à 70 %.
Il n'empêche qu'il faut économiser l'uranium. L'énergie la moins chère, c'est celle qu'on ne consomme pas. De ce point de vue, l'augmentation du taux de recyclage constitue une économie qui permettra de faire durer les ressources d'uranium le plus longtemps possible.
S'agissant de la conversion et de Malvési, le site représente 450 emplois. Plusieurs projets prévoient de traiter des matières stockées sur le site, soit en développant des activités, soit en renouvelant des installations, comme l'hydrofluoration. Notre programme d'investissement est supérieur à 300 millions d'euros pour les années à venir. Une équipe d'ingénierie s'est installée sur place. Douze personnes nous ont rejoints à Malvési. On table à terme sur 50 personnes. C'est le fruit de l'investissement de l'entreprise, mais aussi du pays. Les installations de conversion du Tricastin et de Malvési sont les plus modernes au monde. Nous allons continuer à investir, ce que nos concurrents n'ont pas fait.
Si le marché se redresse, c'est parce que certaines usines de 30 ou 40 ans, bien plus anciennes que la nôtre, se font dépasser technologiquement par les perspectives que la France a choisi à travers Orano en matière de conversion. Cela prouve que les nouvelles technologies permettent de réduire les risques de sécurité et les rejets, et ceci ouvre des perspectives reconnues par nos clients mondiaux. Les investissements dans l'industrie payent en termes d'emplois et de commerce extérieur.
Concernant la Chine, ce pays développe aujourd'hui son parc nucléaire. Avant le milieu de la prochaine décennie, on comptera plus de centrales nucléaires en Chine qu'en France. D'ores et déjà, toutes proportions gardées, la Chine représente un peu moins de 10 % du chiffre d'affaires d'Orano suivant les années. Il nous arrive certaines années de vendre plus d'uranium en Chine qu'en France.
Les Chinois développent leur propre industrie du cycle. Même s'ils iront à terme sur les marchés mondiaux et compte tenu du développement rapide de leur parc, cette industrie reste à ce stade axée sur leurs besoins propres et Orano reste en situation de fournisseur.
Le chiffre que vous avez cité concernant l'usine de recyclage que je mentionnais en introduction n'est pas du tout le chiffre de nos approvisionnements. Notre client chinois a pour habitude de dire que l'ampleur du chantier représente l'équivalent du barrage des Trois-Gorges, dont le coût total s'élevait à 20 milliards de dollars. C'est l'ordre de grandeur pour la totalité d'un projet dont nous ne serions que l'un des fournisseurs.
Je rends d'ailleurs hommage à nos équipes qui, depuis longtemps, maîtrisent la technique du recyclage et produisent chaque année un millier de conteneurs de déchets de très haute activité, ce que personne d'autre ne fait à travers le monde. Elles fabriquent également une centaine de tonnes de combustible recyclé, contribuant ainsi à économiser la ressource. Ce contrat éventuel avec la Chine représenterait pour la France une activité complémentaire et une reconnaissance de nos technologies.
Le stockage des combustibles usés, en piscine ou à sec, présente des niveaux de sûreté reconnus mondialement. L'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) a publié, en juin 2018, un rapport indiquant que les deux solutions répondaient aux normes de sûreté. D'un point de vue industriel, les combustibles usés doivent refroidir en piscine quelques années. C'est un passage obligé. Les clients qui ont une vision de développement du nucléaire et du recyclage entreposent plutôt le combustible en piscine parce qu'il est alors plus facile de les reprendre pour les recycler, les valoriser, voire pour les mettre directement en stockage définitif. Les clients qui, comme les Américains à Yucca Mountain, ont une perspective de stockage définitif plus difficile et ne recyclent pas, préfèrent des solutions d'entreposage à sec. Cela dépend aussi des sites. En France, le choix du recyclage implique plutôt un stockage en piscine.
Les coûts du démantèlement - comme le confirme la Cour des comptes - sont inclus dans les comptes d'Orano et d'EDF. Ces coûts sont non seulement provisionnés, mais font également l'objet de fonds dédiés. S'il est besoin en cours d'année de les abonder, cela rentre dans nos comptes de trésorerie. Nous sommes d'ailleurs une des rares industries à avoir un fonds absolument dédié aux charges futures. Pour EDF, le coût du démantèlement représente 15 % de la construction.
Les projets d'infrastructures ont des temps de démantèlement longs, cela vaut pour le nucléaire mais aussi pour les énergies renouvelables ou pour le gaz. La durée de cinquante ans a été citée mais d'ores et déjà, certaines installations ont été déclassées. D'autres, dans le Sud-Est par exemple, sont en attente de déclassement administratif mais les travaux physiques sont achevés, parfois depuis plus de trois ans. La prochaine étape est celle de l'enquête publique relative au déclassement. Il n'y a plus de bâtiments et le site est rendu à un usage industriel. Aux États-Unis, une dizaine de centrales nucléaires ont été complètement démantelées. Ces sites ont été rendus à l'usage public. Certains sites sont plus ou moins compliqués que d'autres, mais c'est tout à fait faisable aujourd'hui.
Cela m'amène à la question de Saint-Priest-la-Prugne. Nous effectuons les relevés. Nous traitons les débordements - qui sont prévus -, nous réalisons les travaux d'entretien, de prélèvements, et c'est pourquoi nous considérons que l'arrêté préfectoral n'a pas n'a pas lieu d'être...