Intervention de Nicolas Portier

Délégation aux collectivités territoriales — Réunion du 14 mars 2019 : 1ère réunion
Audition de M. Nicolas Portier délégué général de l'assemblée des communautés de france adcf portant notamment sur les résultats de l'enquête nationale de l'association relative à la gouvernance politique des communautés

Nicolas Portier, délégué général de l'AdCF :

Je vous remercie de vos questions. Certaines d'entre elles étant de nature politique, je m'abstiendrai d'y répondre. Dans les analyses que nous établissons, il est des points qui portent sur la réorganisation territoriale ou de l'intercommunalité, surtout sur la chronophagie du dernier mandat. Cette chronophagie impacte beaucoup d'élus, qui sont accaparés par la multiplicité des réunions. Cet accaparement pose des questions en ce qui concerne la conduite des politiques publiques, les élus éprouvent des difficultés à prioriser leurs missions de terrain. Vous avez évoqué une charte des bonnes pratiques. J'ai le sentiment que c'est une excellente initiative. Nous avons un rendez-vous pour réajuster la carte des EPCI. Il conviendra de correctement définir les rôles respectifs du préfet et de la chambre de commerce et d'industrie. Se pose aussi la question du seuil. Faute de fixer dans la loi des critères qualitatifs robustes, il a semblé opportun de définir des seuils. Mais l'idée d'intercommunalité renvoie à celle de bassin de vie. Nous aurons ce rendez-vous, qui est d'importance, mais pour ma part, je crois qu'il sera difficile qu'il survienne avant les prochaines élections locales. N'oublions pas non plus les contraintes en termes budgétaires qui ont contribué à alimenter le blues des élus locaux. Reste à savoir si l'intercommunalité dessine en pointillés une collectivité classique dont les communes ne seraient que des circonscriptions.

Quant aux réorganisations territoriales et de compétences, je veux rappeler qu'il existe un outillage théorique. Il n'a pas encore trouvé preneur. Pourtant il me semble nécessaire de rappeler que le législateur a créé cette boîte à outils. Dois-je rappeler qu'il y a dix ou quinze ans, il était impossible de mutualiser ? Entretemps, nous avons beaucoup progressé sur les assouplissements législatifs qui permettent d'organiser la délégation, même sur des compétences communautaires. L'enjeu est de rendre les intercommunalités plus agiles.

Vous avez évoqué tout à l'heure le rôle des conférences des maires. Je veux insister sur le fait que ces conférences sont fondamentales et essentielles pour les maires eux-mêmes. Elles sont pour eux des tribunes au sein desquelles ils peuvent s'exprimer à parts égales. C'est là que se préparent les orientations stratégiques. La conférence est un outil permettant aux maires de s'exprimer entre eux. S'agissant des quorums, je suis surpris des résultats de notre enquête : 90% des répondants nous ont affirmé ne pas rencontrer de problème en la matière, et je dois vous avouer que ce résultat m'étonne. La question des quorums est fondamentale, et celle de la présence dans les commissions l'est tout autant. Elle en pose une autre, relative au bon niveau d'animation des commissions. Il convient que cette animation s'organise de telle sorte que chacun se sente utile dans le cadre du processus électoral.

Nous aurions pu évoquer la question du lien entre le maire et ses administrés. Cette question aborde le rôle de l'intercommunalité : celle-ci ne doit pas perturber ces relations, ce qui suppose qu'elle ne communique pas trop à destination des habitants. Il serait nécessaire qu'une information sur l'actualité intercommunale soit faite dans les conseils municipaux. J'ignore si le législateur envisage de la rendre obligatoire. Pour notre part, nous pensons indispensable qu'il y ait davantage de communication et d'information de la part de l'intercommunalité à destination des élus communaux. Mais cette communication et cette information doivent également se faire - sous une forme restant à définir - à destination des citoyens. Cela nous renvoie à la question électorale. Nous avons pu constater, au travers d'un récent sondage réalisé avec l'IFOP, qu'il existe une très forte attente d'information des citoyens en la matière, ainsi que la demande d'une plus grande transparence de la part de ceux qui seront amenés demain à prendre des responsabilités au sein de ces intercommunalités. L'engagement des équipes va devoir se traduire au travers d'intentions qui devront être connues avant les élections, ceci afin que les citoyens puissent interpeller ceux qui veulent porter un projet intercommunal - quitte à ce qu'ils le construisent au fur et à mesure de leur mandat - et le mettre en oeuvre.

Charles Guéné a évoqué les intercommunalités « XXL ». Ainsi qu'il l'a rappelé tout à l'heure, l'articulation entre intercommunalités et PETR est une priorité. Je l'ai, pour ma part, toujours défendue. Dans certains territoires, notamment en milieu rural, il s'agit là du moyen ad hoc permettant de mutualiser des ingénieries. Certains territoires ont fusionné. Ce n'est pas le choix que tous ont fait. Le PETR peut être une équipe de projet qui permet de doter les territoires d'une ingénierie. Je crois que cet outil constitue un moyen adapté pour pacifier les relations entre les instances. Il est une bonne échelle de contractualisation. Cela permet de constituer une gouvernance de développement local, tout en contribuant, il est vrai aussi, à l'empilement des strates territoriales. Le mandat local est très exigeant en termes de compétences techniques et d'implication. Il nécessite un temps de concertation avec tous les partenaires, que ce soit la préfecture, le département ou la région.

Reste la question de la parité - nous avons eu une réunion avec la délégation sénatoriale aux droits des femmes sur ce sujet. La parité a progressé grâce au fléchage dans les conseils, mais elle ne progresse pas dans les présidences d'instances. Elle progresse en revanche sur les vice-présidences. Elle ne peut être améliorée qu'à la seule condition que l'on trouve davantage de maires femmes. Se pose la question de la suppléance : titulaires et suppléants devraient-ils être de sexe ?

En ce qui concerne le Grand Paris, nous constatons que la mise en place des EPT est sensiblement plus ardue là où il n'y avait pas d'intercommunalité préexistante. Je suis tout à fait disposé à en parler avec vous pour étudier la possibilité que la situation évolue et se réorganise. Il nous semble plus opportun d'établir des intercommunalités dès lors que le législateur voulait les généraliser, notamment en Île-de-France, à l'échelle de 14 communes plutôt qu'à 131. Une telle éventualité est inenvisageable.

Concernant les étiquettes politiques, nos études nous ont permis de constater que les gouvernances intercommunales sont pluralistes sur le plan politique, à telle enseigne que certains chercheurs ou intellectuels assimilent le travail de concertation que les élus de ces intercommunalités initient, ou le « pacte » qu'ils peuvent conclure entre eux, à de la « cuisine électorale ». Dans la plupart des territoires, les considérations territoriales prévalent par rapport aux considérations politiques. Ces équilibres territoriaux ont été prégnants à l'issue de la recomposition de 2017 parce qu'il convenait de redonner de la gouvernance aux différents sous-secteurs issus des anciennes intercommunalités.

Ce point m'amène à évoquer les groupes au sein des conseils communautaires. Ceux-ci sont très rarement marqués par un rapport de force entre opposition et majorité. L'opposition bénéficie d'une possibilité de communication qui prend la forme d'une tribune. Nous en sommes arrivés à une jurisprudence, voire une doctrine, selon laquelle toute personne, au nom du pluralisme, peut se déclarer opposant. Dès lors, elle a droit à sa tribune. La notion d'opposition dans l'intercommunalité n'a donc guère de sens. Il existe des groupes politiques qui vont se formaliser sans se structurer formellement dans une logique d'opposition. C'est d'ailleurs une des spécificités des conseils communautaires : les oppositions municipales continuent à y dialoguer avec les majorités. Il est possible que certaines oppositions se rapprochent de la majorité et travaillent avec elles. Ce n'est pas le cas dans d'autres enceintes !

Pour conclure, évoquons la question des entrées avant d'évoquer celle des sorties. Concernant les entrées, le principe est que toute commune - y compris les communes nouvelles - ait la possibilité de rejoindre une intercommunalité, sauf dérogation justifiée par l'existence d'un bassin de vie. Il convient toutefois de s'assurer que cette entrée est cohérente. Quant aux fusions, nous estimons qu'elles doivent être consenties et s'opérer en bloc. Concernant la possibilité de sortir d'une intercommunalité, il me semble qu'elles sont difficiles à mettre en oeuvre et préservent surtout le principe de la continuité territoriale, principe qui se traduit par l'absence d'enclaves.

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