Intervention de Julien Boucher

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 3 avril 2019 à 9h00
Audition de M. Julien Boucher candidat proposé par le président de la république aux fonctions de directeur général de l'office français de protection des réfugiés et apatrides ofpra

Julien Boucher, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de directeur général de l'Ofpra :

Vous m'avez d'abord interrogé, M. le sénateur Leconte, sur la relation que j'aurais avec le Parlement. Le statut de l'Ofpra me paraît justifier, plus encore que pour tout autre opérateur de l'État, une obligation de rendre des comptes et d'expliquer son action. Je serai donc toujours à votre disposition pour venir m'exprimer sur ce sujet. Du reste, la présence au sein du conseil administration de l'Ofpra de parlementaires des deux chambres contribue à ce lien essentiel.

La gestion de la CNDA est assurée par le Conseil d'État, gage de l'autonomie et de l'indépendance de la gestion de cette juridiction, notamment par rapport aux services du ministère de l'intérieur. Ma connaissance du travail juridictionnel et mon expérience de juge de cassation des décisions de la CNDA ne peuvent que faciliter ma compréhension de ces difficultés spécifiques et, le cas échéant, des attentes du Conseil d'État en ce qui concerne le rôle de l'Ofpra devant son juge. En tout cas, je serai très attaché à ce qu'il soit tenu le plus grand compte, dans la pratique décisionnelle de l'Office, de la jurisprudence de la CNDA et du Conseil d'État.

Quant au système de Dublin, plusieurs éléments peuvent concourir au rapprochement des pratiques décisionnelles, qui serait un élément important pour limiter les dysfonctionnements du système. Le Bureau européen d'appui en matière d'asile et, demain, l'Agence de l'Union européenne pour l'asile, devront concourir à un rapprochement des pratiques décisionnelles des différents pays. J'envisage également de conduire un dialogue bilatéral avec les agences homologues de l'Ofpra dans les grands pays d'accueil des demandeurs d'asile en Europe.

Vous avez évoqué la question d'une Cour européenne du droit d'asile. Par contraste avec l'absence de juge de la convention de Genève au niveau international, nous avons la chance en Europe d'avoir un juge, la Cour de justice de l'Union européenne, qui a déjà une jurisprudence abondante sur les modalités de mise en oeuvre du droit dérivé de l'Union européenne en matière d'asile. C'est très important pour faire converger les pratiques et aboutir à une compréhension commune des dispositions du droit dérivé en la matière.

Y a-t-il un lien entre les missions de l'Ofpra et celles de l'OFII ? Il s'agit de deux opérateurs importants de la politique de l'asile. L'OFII intervient à la fois avant et après l'Ofpra : avant, par le dispositif national d'accueil des demandeurs d'asile et après, dans tout ce qui concerne l'intégration des personnes ayant obtenu le statut. Il faut d'abord faire en sorte que les rapports entre ces deux établissements soient aussi fluides que possible aux différents points d'articulation de leur mission. J'y veillerai attentivement si je suis nommé.

Il y a un consensus pour reconnaître que le principe de l'unicité de l'État membre responsable d'une demande d'asile est inhérent au régime d'asile européen commun et, en même temps, que le système de Dublin, tel qu'il fonctionne actuellement, est source de dysfonctionnements, comme le montre le taux de transfert que vous avez mentionné, Mme la sénatrice Troendlé. L'Ofpra n'a pas à se substituer au Gouvernement pour définir les orientations qu'il convient de retenir pour renégocier le règlement Dublin III en vue de l'adoption de Dublin IV. J'ai rappelé les principes qui guident actuellement la négociation : renforcer la responsabilité des États et trouver un mécanisme de solidarité. Je ne peux pas préjuger le point d'aboutissement des négociations, mais je veillerai à ce que l'Ofpra apporte son expertise au Gouvernement et à ce qu'il joue tout son rôle dans la mise en oeuvre du dispositif d'aboutissement et contribue à la mise en oeuvre des mécanismes de solidarité, notamment en se projetant dans d'autres pays de l'Union européenne lorsque c'est nécessaire.

Mme la sénatrice Jourda m'a interrogé sur la détection de la radicalisation et, plus généralement, sur les questions d'ordre public. Il y a d'abord le jeu des clauses d'exclusion de la convention de Genève, qui repose en substance sur l'idée qu'il n'y a pas d'asile pour les bourreaux. À cet égard, les relations entre le parquet et l'Office sont importantes pour identifier les cas dans lesquels l'asile devrait être refusé à des personnes qui se sont rendues coupables dans leur pays d'agissements de cette nature, ou dans lesquels il faudrait retirer le statut lorsque ces faits n'auraient pas été identifiés au moment de l'octroi. Il y a aussi un rôle d'information du parquet à l'égard de l'Office pour identifier ces situations.

Par ailleurs, la possibilité de refuser l'asile ou de retirer le statut pour des raisons liées aux menaces pour la sécurité nationale que pourrait représenter un demandeur a été renforcée par la loi sur l'asile et l'immigration avec, notamment, la possibilité de demander des enquêtes. Je n'ai pas une connaissance suffisamment approfondie du fonctionnement quotidien de ces mécanismes, qui ne sont naturellement pas exposés au grand jour, mais il y a sans doute des possibilités d'amélioration et de fluidification des relations entre l'Ofpra et le ministère de l'intérieur sur ce point. En tout cas, je serai attentif à ce que ces dispositions prennent toute leur portée, pour éviter l'octroi du statut à des personnes qui représenteraient une menace grave pour l'ordre public.

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