Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai été sensibilisé à ce dossier il y a un certain temps ; j’y ai travaillé et ai cosigné avec beaucoup de conviction cette excellente proposition de loi d’Hervé Marseille. Elle remédie à une jurisprudence du Conseil d’État qui conçoit de façon restrictive le lien de compatibilité entre les compétences des actionnaires et l’objet d’une société publique locale.
Le 14 novembre dernier, le Conseil d’État a opté pour une lecture rigoriste de l’article L. 1531-1 du code général des collectivités territoriales. Aux termes de cet article, les collectivités et leurs groupements peuvent créer des sociétés publiques locales dans le cadre des compétences qui leur sont attribuées par la loi.
Le Conseil d’État a jugé que la participation d’une collectivité ou d’un groupement de collectivités à une société publique locale est exclue lorsque cette collectivité ou ce groupement n’exerce pas l’ensemble des compétences sur lesquelles porte l’objet social de la société.
La participation au capital d’une telle société confère la qualité d’actionnaire et ouvre donc le droit de participer au vote des décisions prises par la société.
Adopter une lecture moins rigoriste du texte permettrait à une collectivité de voter sur des sujets échappant à sa compétence, et donc d’exercer une compétence qu’elle n’a pas.
Le Conseil d’État a estimé qu’il ne disposait d’aucune base légale pour autoriser une telle lecture.
Cette jurisprudence limite dangereusement la liberté d’action des collectivités et de leurs groupements. Elle impose l’intervention du législateur. Son application remet en cause la légalité des actes des sociétés publiques locales irrégulièrement composées.
En 2017, il existait 318 sociétés publiques locales ; 47 % d’entre elles, mais aussi 36 % des sociétés d’économie mixte locales, auraient un objet social excédant le champ des compétences partagées par leurs actionnaires.
Cette jurisprudence présente également un risque économique, puisque les sociétés publiques locales ne peuvent exercer leur activité qu’au profit des collectivités ou groupements qui en sont actionnaires.
Restreindre le nombre de collectivités ou de groupements pouvant être actionnaires revient à restreindre les « clients » potentiels de ces sociétés, ce qui aura un effet négatif sur leur chiffre d’affaires.