« Le Conseil d’État a encore frappé avec un manque total de nuances. » C’est en ces termes qu’Éric Landot, avocat à la Cour, a commenté le fameux arrêt rendu par le Conseil d’État le 14 novembre dernier.
Les SPL ont été créées en 2010 pour donner aux collectivités territoriales la souplesse des entreprises privées tout en garantissant un contrôle complet par les actionnaires publics. En effet, à la différence des SEM, elles ne comptent pas d’actionnaires privés à leur capital.
Cette souplesse, si rare en matière de commande publique, a été très appréciée des collectivités territoriales. De nombreuses SPL ont vu le jour depuis 2010 dans des domaines divers : aménagement de centre-ville, assainissement, déploiement du numérique…
Quinze jours après la publication de l’arrêt du Conseil d’État, d’application immédiate, le préfet des Hauts-de-Seine adressait à l’ensemble des collectivités du département le courrier suivant :
« […] S’il était établi qu’une collectivité ne pouvait être actionnaire d’une SEML ou d’une SPL dès lors qu’aucune de ses compétences ne figurait dans les statuts de la société, restait à trancher le cas des sociétés à “objet mixte”, dont les missions ne relèvent qu’en partie de la compétence de la collectivité. […]. Dans un arrêt du 14 novembre 2018, le Conseil d’État retient la lecture selon laquelle toutes les missions de la société doivent relever de la compétence de la collectivité. Aussi, je vous invite, lorsque votre collectivité ou votre établissement se trouve dans ce cas de figure, à engager, dans les meilleurs délais, les cessions d’actions qui s’imposent au sein des SEM et des SPL dont les missions ne correspondent pas intégralement à ses compétences […]. »
Faire évoluer l’actionnariat des SPL est plus complexe que ne le laisse apparaître ce courrier. Les SPL ne peuvent compter ni sur l’actionnariat public national ni sur l’actionnariat privé pour remplacer les actionnaires ne disposant pas d’une identité de compétence. Or une SPL ne peut exister en l’absence de deux actionnaires publics locaux. Par ailleurs, les compétences des collectivités ont été spécialisées par la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles et la loi du 7 août 2015 portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République. L’application de l’arrêt du Conseil d’État vient mettre fin à la coopération verticale, par exemple entre une commune et un département, sur un même territoire.
Au-delà de la potentielle difficulté à trouver un nouvel actionnaire prêt à acquérir les parts cédées, qui pourrait imaginer qu’une commune du périmètre de la métropole du Grand Paris ayant acquis sur ses fonds propres un terrain en friche devienne un actionnaire très minoritaire de la SPL qui l’aménage ? C’est l’ex-administratrice de la SPL Val de Seine Aménagement, qui porte le projet emblématique de l’île Seguin, qui vous parle !
Par conséquent, pour sécuriser l’ensemble des opérations et des contrats en cours gérés par les 169 SPL et les 333 SEM, recensées par la rapporteure publique du Conseil d’État, dont l’objet social excède le champ des compétences partagées par leurs actionnaires, il y a urgence à venir préciser l’esprit de la loi et la volonté du législateur.
Au-delà de ce texte, qui vient régler une difficulté précise – je profite de l’occasion pour remercier mon voisin, le président Hervé Marseille, de son initiative –, je ne peux qu’inviter le Gouvernement, qui s’est montré si frileux jusqu’ici, notamment lors du congrès des EPL à Rennes au mois de décembre dernier, à ouvrir un débat juridique sur la réglementation des sociétés publiques locales, outil indispensable à l’aménagement de nos territoires. La décision du Conseil d’État risque fort de faire jurisprudence pour les SPLA. Il conviendrait donc de modifier également les dispositions de l’article L. 327-2 du code de l’urbanisme dans un futur proche. La réflexion pourrait également s’engager sur la manière dont la France pourrait appliquer les règles plus souples de l’Union européenne en matière de in house, sans systématiquement sur-transposer.