Intervention de François Marzorati

Mission d'information enjeux de la filière sidérurgique — Réunion du 27 mars 2019 à 15h05
Audition de M. François Marzorati ancien sous-préfet de thionville ancien chargé de mission auprès du premier ministre de 2012 à 2019 responsable du suivi des engagements pris par arcelormittal

François Marzorati, ancien chargé de mission auprès du Premier ministre de 2012 à 2019, responsable du suivi des engagements pris par ArcelorMittal :

Il est rarissime, lors d'une carrière dans la fonction préfectorale, d'être convié à s'exprimer devant une commission sénatoriale : je vous remercie vivement de cette invitation.

Lors d'une nomination dans le corps préfectoral en Lorraine, on ne peut que penser à la lignée des préfets dans laquelle on s'inscrit, et qui, depuis 1960, ont tous eu comme préoccupation essentielle l'identité minière et sidérurgique de la région.

J'ai été nommé en 2005 et j'ai alors repris trois dossiers principaux portés pendant de très nombreuses années par mes prédécesseurs : la fin de l'ennoyage des mines, le projet de reconversion du site de Belval, et la fin de la filière chaude liquide.

Quelques années après la fin de l'exploitation de la minette lorraine, il avait été décidé l'ennoyage des mines, par récupération des eaux dans le sous-sol. Or, cela a posé des problèmes d'effondrement de cités entières, qui ont entraîné l'expulsion d'une population très sensible au passé minier du territoire. Le représentant de l'État était chargé de l'accompagnement de ce processus, socialement très délicat.

Le projet de la friche industrielle de Belval est moins connu. Située en Pays Haut, territoire à cheval entre la Meurthe-et-Moselle et les Portes du Luxembourg, la friche devait faire l'objet d'un réaménagement rendu compliqué par l'absence d'intercommunalité interdépartementale. À l'occasion du conflit de Gandrange, Nicolas Sarkozy, alors président de la République, avait annoncé la création d'une opération d'intérêt national sur ce site, visant à assurer le développement sur la partie française et à créer un établissement public. Malheureusement, peu de choses se sont passées depuis, notamment pour des raisons de fiscalité d'entreprise ; seuls les Luxembourgeois, avec les moyens qui sont les leurs, ont tiré parti de ce territoire, créant une université, et restaurant un haut-fourneau à Esch.

Troisième grand dossier : la fin de la filière chaude liquide, décidée en 2004 avec le plan Apollo, qui fixait l'objectif de la fermeture des hauts-fourneaux de Florange pour 2010.

Trois dossiers, donc, qui permettaient d'entrer pleinement au coeur des préoccupations sidérurgiques de la région.

Peu de temps après, Mittal a fait une offre publique d'achat hostile sur le groupe Arcelor. Rapidement, a émergé le premier conflit, celui de Gandrange. Le contexte économique difficile de l'époque avait conduit Nicolas Sarkozy à fermer l'aciérie de Gandrange. Des engagements avaient été pris, notamment en termes de formation professionnelle, mais leur réalisation était conditionnée à l'évolution de la situation économique. S'en est suivi un conflit social, sur fond de chute du marché mondial de l'acier dans un contexte extrêmement tendu, avec des occupations de site parfois violentes. En tant que sous-préfet, j'ai géré ce dossier complexe, mobilisant le monde politique et les médias.

En 2012, le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, demande la nationalisation des hauts-fourneaux, dont la fermeture provisoire avait eu lieu courant 2011. Le 30 novembre 2012, ArcelorMittal prend alors un engagement solennel vis-à-vis de l'État, dans des accords signés par les dirigeants européens de Mittal et le Premier ministre Jean-Marc Ayrault. Il se trouve que ces accords sont intervenus le jour de ma retraite du corps préfectoral et que, en raison de mon ancienneté, de ma connaissance du terrain, et de mes rapports avec l'ensemble des élus syndicaux, l'administration et le groupe ArcelorMittal, le Premier ministre m'a confié une mission de suivi de ces accords. Ce type de mission dure généralement 6 mois, rarement plus d'un an ; celle-ci aura duré 6 ans, pour se terminer en décembre 2018. J'ai ainsi pu rencontrer plus de 2000 personnes et réaliser 150 déplacements en Lorraine, à Dunkerque et à Fos-sur-Mer, mais également sur d'autres petits sites qui comptent beaucoup pour le groupe ArcelorMittal et la sidérurgie française - Saint-Chély-d'Apcher en Lozère, Basse-Indre en Loire-Atlantique, Montoire dans l'Oise, Mouzon dans les Ardennes.

Aujourd'hui, ArcelorMittal a plus de 10 000 salariés en France, dont la moitié dans le Grand-Est. C'est d'ailleurs le deuxième plus gros employeur privé de la région. L'approche du dossier ArcelorMittal ne se fait jamais sans une petite appréhension : on a tant entendu parler de la dureté du conflit social qui a touché Florange qu'on a l'impression qu'il n'y a plus aucune activité. Or, plus de 2 200 employés y travaillent encore, et le plus grand centre mondial de recherche et développement d'ArcelorMittal, qui accueille près de 800 personnes, se trouve à Maizières-lès-Metz.

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