Intervention de Jean-Michel Blanquer

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 9 avril 2019 à 14h10
Projet de loi pour une école de la confiance — Audition de M. Jean-Michel Blanquer ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Jean-Michel Blanquer, ministre :

Merci beaucoup pour toutes ces questions, toutes plus importantes les unes que les autres.

Madame Monier, je suis un peu étonné de votre reproche parce que vous souhaitez probablement déposer des amendements, et j'espère qu'il y en aura pour améliorer le texte. Doit-on contester le droit d'amendement dans une démocratie parlementaire ? Un amendement ne fait pas l'objet d'une étude d'impact, mais les propositions de loi non plus ! Lorsqu'on suit ce raisonnement jusqu'au bout, on arrive à une situation inquiétante. Comment peut-on reprocher à un ministre d'avoir pris en compte des amendements à l'occasion du débat parlementaire ? Je comprends très bien que vous n'approuviez pas le contenu de cet amendement, et je suis moi-même prêt à le faire évoluer ; mais vous remettez en cause de ce fait le droit d'amendement !

Il n'y a pas de dispositions appliquées en urgence pour la rentrée prochaine, notamment pour les EPLESF. Nous ne voulons pas les imposer partout pour la rentrée prochaine. Certaines dispositions de la loi sont d'application immédiate, d'autres non.

Je suis ouvert aux propositions d'évolution de l'article 1er pour retrouver l'esprit de confiance. Mais la deuxième phrase rappelant le respect dû aux personnels de l'éducation nationale est aussi l'une des réponses aux violences faites à leur encontre.

Actuellement, il y a 43 401 AESH, et 29 000 emplois aidés équivalent temps plein (ETP). Au total, 70 000 ETP, donc 80 000 personnes accompagnent des élèves handicapés. En 2019, il y en aura 12 400 de plus, 6 400 correspondant à la transformation de contrats aidés, et 6 000 nouveaux. C'est un effort d'une ampleur inédite. Nous ne voulons pas d'aide mutualisée partout, mais privilégions le pragmatisme : oui à la mutualisation lorsqu'elle est pertinente, sinon ayons une aide individualisée. Chaque enfant est un cas particulier.

Je confirme que l'EPLESF ne sera pas obligatoire et que la formulation actuelle évoluera. Mais ne changeons pas quelque chose qui fonctionne...

Le bilan des ÉSPÉ est partiellement positif - le changement de la moitié du nom le confirme, et ce, depuis la création des instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM)... La loi change ces ÉSPÉ en prévoyant le pré-recrutement et un changement de gouvernance. Oui, l'éducation nationale doit réinvestir ce sujet. Elle doit s'impliquer dans le premier facteur de réussite des élèves, à savoir la formation des professeurs. Les concours auront lieu désormais en deuxième année de master - ils se déroulent actuellement en première année. Cette solution hybride, insatisfaisante, conduisait à surcharger les étudiants. Nous améliorerons la qualité du processus. Nous en débattrons largement avec les syndicats durant les deux prochaines années. Le nouveau concours en 2021 bénéficiera aux étudiants pré-recrutés pour la future rentrée 2019.

Vous nous reprochez de mettre en place un drapeau tricolore dans les salles de classe, mais curieusement, vous ne mentionnez pas le drapeau européen - ce que j'ai fait dans l'hémicycle... Il y a un problème, du côté de la représentation nationale, concernant les symboles du drapeau tricolore et de l'hymne national.

Les Français, dans le Grand débat, ont évoqué trois sujets : formation professionnelle, transition écologique, éducation morale et civique. J'assume totalement la présence d'un drapeau français et d'un drapeau européen dans les classes. Les enfants savent ainsi qui ils sont, sans aucun chauvinisme ni nationalisme mal placé. Pour avoir vécu à l'étranger, je déplore cette gêne française, si l'on veut que nos enfants soient parfaitement intégrés et fiers d'être Français, et Européens...

Certes, cela ne va pas changer la santé des enfants ni leur niveau en mathématiques, et ne résoudra pas tout, mais le coût est minime : moins d'un euro. Nous avons déjà affiché dans les écoles la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et, sous le quinquennat précédent, la Charte de la laïcité. Je suis très fier de ce travail sur un sujet républicain, et j'aimerais obtenir le même consensus sur les drapeaux.

Il nous reste à lever des ambiguïtés sur l'article 6 quater. Certes, on n'explicite pas assez l'intérêt pédagogique. Il faut du débat et de la discussion. L'enjeu du lien entre l'école et le collège reste depuis trop longtemps un enjeu de spécialistes. Nous voulons le bien des enfants et une transition douce entre l'école et le collège. Je ne suis pas opposé à modifier l'article si nous trouvons une formulation adéquate. Faut-il supprimer cet article ou bien l'amender ? J'entends la dimension psychologique. Nous devons trouver une solution avec le Sénat mais aussi avec les organisations syndicales. Quelle que soit la formule retenue, nous ferons converger la concertation pour garantir le maintien des écoles primaires en milieu rural et le renforcement de la fonction des directeurs.

Le calendrier de la mission Mathiot-Azéma doit être cohérent avec nos débats. C'est un enjeu de société. Cette mission s'achèvera en juin, et prendra en compte la dimension sociale de la loi.

L'école primaire est le parent pauvre de l'éducation, et les problématiques qui la concernent ne se limitent pas au dédoublement des classes de CP et de CE1. D'aucuns prétendent que nous souhaitons une éducation nationale à deux vitesses, une école-collège pour les pauvres et deux établissements séparés pour les riches. Mais ensuite, les mêmes nous reprochent la création d'établissements publics locaux d'enseignement international qui ont vocation à inclure l'école et le collège. En France, à l'étranger dans les écoles françaises, les établissements qui fonctionnent intègrent école et collège dans les mêmes établissements. Attention aux contradictions ! Les EPLEI seront des outils de mixité sociale ; EPLESF et EPLEI sont complémentaires.

L'organisation territoriale importe au Sénat ; le sujet vient de loin, notamment de la réforme des régions de 2015. L'éducation nationale est dans une situation intermédiaire, les académies ne coïncident pas avec les grandes régions. Le rapport Weil, Dugrip, Luigi et Perritaz proposait soit la fusion à l'échelle des régions, soit différentes formules. Les rectorats ont aussi réfléchi sur ce sujet de septembre à décembre. L'éducation nationale doit être au plus près du terrain, et notamment des niveaux départemental et infradépartemental. Nous devons aussi avoir une vision stratégique à l'échelle des grandes régions. En décembre, j'ai considéré que la fusion des rectorats serait un message peu audible. Nous devons valoriser ces zones infradépartementales et les petites villes. Ainsi, les sièges des rectorats ne seront pas forcément dans les capitales régionales. Ce message a peut-être été trop compliqué ou mal compris. Nous maintenons les rectorats sauf en Normandie - mais si Rouen est la capitale régionale, Caen sera le siège du rectorat fusionné. Le territoire normand a une identité forte, c'est une région locomotive, expérimentale. J'ai souhaité que la nouvelle rectrice remette cela à plat, dans l'intérêt du territoire et du personnel, avec un débat apaisé et constructif.

Madame Brulin, par définition, un débat sur l'école est un débat sur la société. J'espère que le Grand débat portera par ailleurs ses fruits dans ce domaine.

La mise en oeuvre des EPLESF se fera avec des garanties pour les collectivités compétentes. Ainsi, l'augmentation des charges ne sera pas pris en compte dans le 1,2 % officiel.

Madame la présidente, vous évoquiez le renouvellement des manuels dans les régions. Nous avons fait intégrer ces dépenses dans les dépenses d'investissement, innovation importante, car les régions peuvent ainsi les amortir. Certaines régions s'engagent ainsi plus fortement.

L'EPLEI est un point de désaccord entre nous. J'espère que l'avenir me donnera raison pour lutter contre les inégalités. La mixité sociale résulte d'un volontarisme, et commence par les lieux d'implantation, comme Courbevoie. Nous avons également fait de la publicité auprès des collectivités locales et des communautés éducatives.

Je m'étonne de votre expression « supprimer la visite médicale »...

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