Intervention de Saul Faust

Commission des affaires sociales — Réunion du 10 avril 2019 à 9h05
Audition commune des agences sanitaire sur la borréliose de lyme

Saul Faust, professeur d'immunologie et de maladies infectieuses à l'université de Southampton :

Les préconisations de NICE s'appuyant sur des preuves, les patients acceptent le plus souvent nos recommandations. Quand les règlementations sont publiées, elles ne sont juridiquement pas obligatoires mais, dans les faits, elles le deviennent. Le National Health Service (NHS), qui finance les cliniques et les hôpitaux, souhaite que les avis du NICE soient respectés. D'ailleurs, des poursuites judiciaires peuvent survenir si les recommandations du NICE ne sont pas suivies.

Le Royal College of Physicians (RCP) a élaboré ces recommandations. Le Comité du RCP a rassemblé des infirmières et des spécialistes de maladies infectieuses, des généralistes pédiatriques, des neurologues, des rhumatologues, mais aussi quatre représentants des patients, mais qui siégeaient à titre individuel et non pas au titre de leur association. Lorsque le Comité a été réuni, NICE a décidé de cadrer les recommandations, ce qui figure dans nos procédures opératoires standards.

Les différentes parties prenantes se sont réunies plusieurs fois et, à l'issue de ces débats, des recommandations ont été édictées. Une consultation publique a ensuite été organisée pour lever certaines préoccupations et nous y avons répondu. Nous avons consulté les associations de patients lors de la présentation des recommandations qui ont pu ensuite nous demander des compléments d'information.

Dès le départ, nous avons refusé de débattre des définitions, notamment en ce qui concerne les symptômes chroniques ou tardifs, car personne n'était d'accord sur ce point et c'eût été une perte de temps. Nous avons préféré nous en tenir aux patients symptomatiques et non symptomatiques. Nous ne voulions pas non plus fixer des périodes arbitraires pour qualifier telle ou telle maladie, ce qui nous a permis de dépasser les clivages initiaux. Ainsi, nos recommandations n'ont pas fait référence à la maladie de Lyme chronique ou aux symptômes tardifs. Pourquoi, en effet, s'embarrasser de définitions qui ne font pas l'unanimité ?

Il est possible de faire dire ce que l'on veut aux statistiques. La plupart des tests médicaux ont des efficacités diverses selon leur utilisation et la zone retenue. Les tests CE ont fait l'objet d'une validation mais ils ne sont pas fiables à 100 %. La nature même d'un test anticorps fait que chaque personne réagit différemment. Les médecins oublient parfois qu'un test négatif peut cacher une maladie de Lyme ; cela se passe aussi pour les cancers dont le premier test peut être négatif. En cas de doute, il faut alors un nouveau test.

On nous a reproché d'avoir recommandé deux cures de trois semaines d'antibiotiques. Il est vrai que pour la plupart des patients, une seule cure de trois semaines n'est pas nécessaire, mais les études ne permettent pas de trancher le débat, d'autant qu'elles reposent sur des situations très différentes. Au sein du Comité, nous avons décidé de préconiser la cure d'antibiotiques la plus longue et la plus forte possible. Cela rassure les patients et deux cures de trois semaines coûtent moins cher au système de santé anglais que si les malades consultent régulièrement leur médecin. Notre approche se veut pragmatique.

Nous avons établi une liste de symptômes pouvant être associés à la maladie de Lyme : fièvres, suées nocturnes, malaises, ganglions lymphatiques enflés... Les associations de patients ont insisté pour que nous incluions les confusions mentales. En revanche, nous avons refusé les définitions arbitraires de symptomatologie, comme l'arthrite inflammatoire ou les symptômes cardiaques ou oculaires.

Les groupes de pression sur la maladie de Lyme voudraient que nous ouvrions des centres dédiés à la maladie de Lyme. Ce serait une folie, car la plupart des patients qui ont des symptômes qui perdurent ne sont pas porteurs de cette maladie. Les médecins doivent faire preuve d'écoute et d'empathie. En tant que pédiatre, je reçois quotidiennement des parents qui sont convaincus que leurs enfants ont la maladie de Lyme. Il faut discuter avec eux et leur démontrer que c'est peut-être le cas, mais que ce n'est pas certain. Si les symptômes persistent après le traitement, il faut chercher ailleurs. Quelle que soit l'infection du système immunitaire, il faut la traiter et le rétablissement peut prendre du temps. C'est pourquoi je suis hostile à l'idée de créer des centres spécifiques dédiés à la maladie de Lyme. Les malades ont avant tout besoin de l'écoute des médecins. Lorsque les tests sont négatifs, il ne faut pas faire comme aux États-Unis où l'on renvoie le patient en lui disant qu'il n'a pas la maladie de Lyme. Au Royaume-Uni, des médecins travaillent avec des équipes pluridisciplinaires pour soigner les malades qui présentent des syndromes post-infectieux. C'est pourquoi il faudrait créer des cliniques multidisciplinaires pour les patients qui présentent des symptômes à long terme, même s'il est impossible d'en déterminer la cause exacte.

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