Intervention de Christian Cambon

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 10 avril 2019 à 9h45
Ratification du traité d'aix-la-chapelle — Audition de Mme Anne-Marie deScôtes ambassadrice de france en allemagne sur la relation franco-allemande

Photo de Christian CambonChristian Cambon, président :

Le 22 janvier 2019, jour anniversaire du traité de l'Élysée, le Président de la République française et la Chancelière de la République fédérale d'Allemagne ont signé un nouveau traité de coopération franco-allemand dans la salle du couronnement de l'hôtel de ville d'Aix-la-Chapelle. Le Sénat devrait être appelé à autoriser la ratification de ce texte d'ici l'été.

C'est évidemment un très beau symbole que de s'appuyer sur le traité de l'Élysée, socle de la réconciliation historique entre la France et l'Allemagne, pour viser une nouvelle convergence - dont l'Europe a bien besoin - entre nos deux pays. Le nouveau traité a pour but de renforcer nos liens dans les domaines de la politique économique, de la politique étrangère et de sécurité, de l'éducation, de la culture, de la recherche, de la technologie, du climat et de l'environnement, ainsi qu'en matière de coopération entre les régions frontalières et entre les sociétés civiles.

Il vient surtout consacrer nombre d'actions déjà engagées. Son texte met le couple franco-allemand au centre des enjeux stratégiques en Europe et favorise une approche stratégique commune aux deux pays. Il est cohérent avec la volonté d'émergence d'une autonomie stratégique européenne, portée par la France et acceptée par l'Allemagne. La clause de solidarité mutuelle, avant tout symbolique et politique, réaffirme notre interdépendance. La réforme du Conseil de sécurité de l'ONU proposée par le traité reprend la position traditionnelle française.

Pourtant, au-delà des paroles et des symboles, il y a les actes, et nous avons plusieurs inquiétudes, dont vous vous êtes fait l'écho dans une récente tribune publiée dans la presse allemande, ce qui a été très apprécié.

Les Allemands ont annoncé une réduction de leur effort de défense, ce qui peut mettre notre coopération à mal. Et la coopération capacitaire franco-allemande, autour du système de combat aérien du futur (SCAF), le futur avion de combat, et du Main Ground Combat System (MGCS), le futur char de combat, pose deux problèmes sérieux.

D'abord, celui des exportations. Le traité d'Aix-la-Chapelle, en son article 4, alinéa 3, parle de confiance mutuelle et d'approche commune en matière d'exportation d'armements. Nous avions les accords Debré-Schmidt, mais les discussions sont aujourd'hui au point mort sur le sujet, ce qui est très inquiétant. Chacun connait les positions du SPD. J'ai fait part de mon inquiétude au Président de la République. Vous avez exprimé publiquement les vôtres.

Puis, celui de l'équilibre du partage industriel. Je m'interroge en particulier sur la gouvernance du MGCS. Alors que l'accord initial prévoyait une gouvernance paritaire, les Allemands poussent Rheinmetall. Quelle sera la place de Nexter - voire de Thalès en deuxième cercle ?

Enfin, les déclarations récentes de la nouvelle présidente de la CDU sur le siège du Parlement européen à Strasbourg et le siège européen au Conseil de sécurité des Nations Unies sont évidemment très inquiétantes, et ont soulevé de nombreuses protestations. Cette proposition est directement contraire aux intérêts français et européens. L'Europe, qui a aujourd'hui cinq membres au Conseil de sécurité, n'a aucun intérêt à n'en avoir plus qu'un ! La position de la France au Conseil est fragilisée par ces déclarations incompréhensibles.

Plus globalement, on a le sentiment que les planètes, un temps alignées entre la France et l'Allemagne, se désalignent. La grande coalition, la Groko, doit faire le point à mi-parcours, à l'automne prochain : doit-on s'inquiéter de cette échéance ? Ne s'agit-il que de postures pré-électorales ou de vraies évolutions des positions ?

La France et l'Allemagne ont une lourde responsabilité pour relancer l'Europe, mise à mal par ses divisions internes, comme le Brexit, et par le choc des politiques de puissance, en particulier de la Chine, des États-Unis, ou de la Russie. L'Europe est en quelque sorte le dernier bastion du multilatéralisme et, dans notre vision, la France et l'Allemagne sont sa courroie d'entrainement. Cette vision est-elle toujours partagée outre-Rhin ?

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