Intervention de Nathalie Boy de la Tour

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 4 avril 2019 : 1ère réunion
Audition de Mme Nathalie Boy de la tour présidente de la ligue de football professionnel

Nathalie Boy de la Tour, présidente de la Ligue de football professionnel :

J'aimerais tout d'abord revenir sur les propos homophobes qui m'ont été attribués, puisque vous m'en donnez l'occasion, Madame la rapporteure. Ces propos n'ont pas été repris par la presse dans leur globalité, comme cela arrive souvent.

Je dressais le constat que pour certains supporters, les propos et les chants homophobes font partie du folklore du football, c'est-à-dire des us et coutumes, des habitudes. Je ne dis en aucun cas que cela est acceptable, loin de là. Il s'agit d'un constat que je ne partage pas. Toutes celles et tous ceux qui ont assisté à des matchs de football ont entendu ce genre de propos. Il faut regarder les choses telles qu'elles sont afin de définir un plan d'action efficace.

Vous connaissez mon parcours. Cela fait quinze ans que je travaille dans le football. J'y suis arrivée par la dimension sociétale et éducative. J'ai été la première à mettre en place des ateliers et des partenariats avec des associations pour lutter contre toute forme de discrimination. Vous me voyez émue et en colère suite à cette polémique, car je ne cautionne absolument pas les propos ou chants homophobes.

Cependant, en connaissant le fonctionnement d'un stade de football, nous pourrons mettre en place des actions de sensibilisation et d'éducation. Il sera difficile de sanctionner les supporters, car nous ne pouvons pas les empêcher de chanter. Les actions que nous menons dans les centres de formation ou auprès des supporters passent par un dialogue avec des associations telles que SOS homophobie. Elles fonctionnent bien et permettent de lever des tabous. Je ne dis pas que je suis opposée aux sanctions. Je dis simplement qu'il faut faire attention à ce qu'elles soient positives et non contre-productives. Malheureusement, on ne m'a pas laissé le temps d'expliciter mes propos et je le regrette.

S'agissant de la communication, lors de la Journée internationale des droits des femmes, le football professionnel s'est engagé en faveur de la promotion de la Coupe du monde féminine. Nous avons mobilisé nos quarante clubs professionnels pour promouvoir le développement du football féminin. Cela s'est fait sans aucune difficulté. La communication visait d'une part à encourager l'achat d'un maximum de billets pour les matchs de la Coupe du monde. D'autre part, 80 % de nos clubs ont mis en place des actions de sensibilisation à la mixité et au développement du football féminin.

Nos clubs font un travail formidable sur ces questions au niveau des territoires, même si cela n'est pas très visible au niveau national. Ils sont engagés en la matière et nous pouvons compter sur eux pour continuer à s'investir. Nous menons des réflexions avec le Comité d'organisation de la Coupe du monde féminine et avec la Fédération afin de mettre en oeuvre le maximum d'actions de communication pour remplir nos stades à cette occasion. Les premiers résultats sont très encourageants. De nombreux matchs sont déjà complets, ce qui constitue une très bonne surprise.

Concernant la pratique du football chez les petites filles, j'aimerais vous livrer une analyse très simple. Si nous faisions entrer davantage le football dans les écoles, à la place du handball par exemple, cela résoudrait grandement le problème. Les petites filles joueraient au football au même titre que les petits garçons.

Une étude très intéressante est parue il y a quelques mois sur l'occupation de l'espace dans les cours de récréation par les filles et les garçons. Des chercheurs ont mesuré la place occupée physiquement par les petites filles. Ces dernières occupent 20 % à 30 % de la cour de récréation alors que les garçons en occupent 70 % à 80 %. Cette image est fortement révélatrice. Nous sommes peu nombreuses dans les entreprises et dans un certain nombre de postes parce que nous n'avons pas appris à occuper l'espace. Or le football amène naturellement à occuper l'espace. Par conséquent, il s'agit d'une piste à étudier. Il faut faire en sorte que la pratique du football ne soit pas réservée aux petits garçons.

Par ailleurs, je vous ai donné des chiffres sur les parcours des joueuses. Rares sont celles qui peuvent vivre de leur pratique sportive. Elles sont souvent obligées de travailler en parallèle. Mon point de vue personnel est qu'il ne faut pas aller trop vite, car l'économie du football féminin professionnel n'est pas encore véritablement développée et que cela prendra du temps. Il ne s'agit donc pas de former trop de joueuses professionnelles qui ne pourront pas vivre de leur pratique. Nous avons une responsabilité en la matière, qui s'applique également aux hommes. Actuellement, nous formons trop de joueurs professionnels qui ne peuvent pas vivre de leur métier. Seuls 10 % des joueurs deviennent des professionnels. Les autres verront leur avenir compromis, car ils ne pourront pas vivre du football professionnel, alors qu'ils y auront consacré plusieurs années de leur vie durant la période clé de l'adolescence. Il convient donc de se montrer prudent.

Je crois davantage à la mise en place d'un double diplôme, tel qu'il existe chez les garçons. Ce projet éducatif et sportif permettrait de montrer aux jeunes filles que le football est une étape dans la carrière et qu'il existe d'autres façons de s'accomplir professionnellement. Il est possible de vivre du football pendant quelques années, mais il est essentiel de se former en parallèle à un autre métier.

S'agissant des droits télévisuels, ils sont gérés pour le football féminin par la Fédération, au même titre que la Ligue gère les droits télévisuels et les appels d'offres pour le football professionnel masculin. Ensuite, la Fédération distribue les droits aux clubs de football féminin en fonction de critères que je ne connais malheureusement pas. Les grilles de répartition des droits pour le football masculin se basent par exemple sur des critères sportifs de notoriété.

Enfin, pour rebondir sur la remarque de madame la présidente, je ne sais pas si la femme est l'avenir du football, mais la femme doit contribuer fortement à son développement. Je suis convaincue que la compétence technique n'a pas de genre. Toutefois, je pense que les hommes et les femmes sont différents en matière de savoir-être et de savoir-faire. Ils doivent pouvoir travailler ensemble, parce que chacun apporte une sensibilité qui enrichit le débat. Je regrette que nous ne soyons pas plus nombreuses dans les instances et que la parité ne soit pas atteinte. Nous y travaillons.

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