Intervention de Nathalie Boy de la Tour

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 4 avril 2019 : 1ère réunion
Audition de Mme Nathalie Boy de la tour présidente de la ligue de football professionnel

Nathalie Boy de la Tour, présidente de la Ligue de football professionnel :

Je commencerai par la dernière question qui m'a été posée, à savoir celle qui concerne la laïcité. Je n'ai pas eu connaissance personnellement de tels phénomènes. Comme je vous l'ai expliqué en préambule, nous ne gérons pas le football amateur féminin. Ces informations doivent donc être remontées à la Fédération.

Je ne suis pas étonnée par le constat qui a été fait sur les équipements. Les terrains appartiennent aux collectivités. Ils sont nombreux, mais ne suffisent pas étant donné l'engouement pour la pratique du football féminin et masculin. Les collectivités doivent nous aider pour instaurer a minima des vestiaires séparés pour les filles. En effet, certaines filles arrêtent le football à partir de douze ou treize ans à cause de l'absence de vestiaire séparé. Il revient aux collectivités de faire évoluer la situation dans tous les clubs.

En outre, le football est impliqué depuis longtemps dans l'éducation dès le plus jeune âge. J'ai lancé le programme éducatif fédéral il y a quatorze ans avec Philippe Séguin, qui était président de la Fondation du football et très attaché à ces questions. Le programme s'appelait « Respect tout terrain ». Aujourd'hui, il reste encore méconnu, alors que nous devons être fiers, car un tel programme reste unique en Europe. Les autres fédérations de football ou d'autres sports s'inspirent du travail de la FFF pour appliquer ce programme, qui a également été adapté pour les centres de formation. Les notions de responsabilité et d'exemplarité sont essentielles, notamment pour les joueurs au plus haut niveau. Je partage donc ce qui a été dit par Laurence Cohen : tout passe par l'éducation. Nous travaillons donc à long terme pour préparer les générations futures en espérant que cette éducation fera changer les mentalités en profondeur. Les filles doivent pouvoir se sentir plus libres d'occuper l'espace et d'exister.

Le football est intervenu à l'école, notamment dans le cadre de l'Euro 2016. Un programme mis en place par la FFF, « Foot à l'école », a permis de sensibiliser les élèves sur les valeurs du football et de faire passer certains messages. Une convention a été signée avec le ministère de l'Éducation nationale, mais j'ignore si un bilan a été effectué. Il pourrait être intéressant de solliciter la FFF sur ce point. Cette dernière travaille beaucoup avec le ministère pour faire en sorte que la pratique et les valeurs du football se développent davantage à l'école. Actuellement, le handball reste omniprésent dans le milieu scolaire. Il convient donc d'ouvrir davantage de pratiques durant l'ensemble de la scolarité, en particulier à l'école primaire et au collège, où il pourrait être intéressant de proposer des sessions de football.

Concernant les salaires, le marché du football est européen, qu'on le veuille ou non. Par conséquent, si nous ne sommes pas capables de nous aligner sur les salaires de Neymar ou de Mbappé, les grands joueurs choisiront d'autres clubs. Je comprends que cela puisse interpeller moralement, mais telle est la réalité du marché européen.

Toutefois, il est important de considérer ce que le football professionnel apporte à la collectivité et au financement de l'ensemble du sport amateur. Le football professionnel est le contributeur le plus important du Centre national pour le développement du sport (CNDS), qui deviendra prochainement l'Agence nationale pour le sport. Il reverse 72 millions d'euros par an à la collectivité, soit 5 % de son chiffre d'affaires. Ce pourcentage est dix fois plus élevé que la contribution en responsabilité sociale des entreprises du CAC 40, qui reversent 0,5 % de leur chiffre d'affaires. Ce chiffre n'inclut pas les 300 millions d'euros d'impôts et de taxes reversés sur les salaires des joueurs. Il ne s'agit donc pas de la contribution sociale et fiscale du football professionnel, mais d'une contribution donnée par le biais de la taxe Buffet, qui prévoit cette réversion de 5 % des montants des droits télévisuels. En outre, une convention lie la LFP à la FFF. Entre 20 et 40 millions d'euros par an sont reversés à la Fédération pour développer le football amateur. Le football professionnel fait donc preuve de solidarité financière. De plus, 3 000 actions sont menées chaque année par les clubs de football professionnel en faveur d'associations locales. Cela se fait de manière naturelle.

S'agissant du soutien au développement du football féminin, j'aimerais vous citer une mesure que j'ai prise. Le bénéfice de la Coupe du monde masculine, qui s'élevait à 2,4 millions d'euros, est traditionnellement réparti équitablement entre la LFP et la FFF. J'ai demandé à ce que notre part, soit 1,2 million d'euros, ne soit pas redistribuée à nos clubs, mais à ce qu'elle soit versée au football féminin, et notamment aux douze équipes féminines de D1 pour les aider à préparer leur Coupe du monde. Le Conseil d'administration de la LFP a voté en faveur de cette mesure à l'unanimité. Certes, cela reste symbolique, mais il s'agit d'un signal fort qui crée un lien entre les Coupe du monde masculine et féminine. Il est normal que le football professionnel aide le football féminin.

Enfin, pour revenir sur mon parcours, je viens du monde de l'entreprise et je suis arrivée au football par la voie entrepreneuriale. J'ai créé le Salon du football sans bien connaître ce milieu. J'ai souvent été provocatrice en disant que je ne savais pas combien de joueurs il y avait dans une équipe. Je le savais, et les règles du hors-jeu n'ont désormais plus de secret pour moi, mais le football n'était pas mon univers en tant que tel.

Le football est un univers d'une grande richesse, à la fois d'un point de vue économique, médiatique ou social. J'ai donc souhaité continuer dans cette voie. Arrivée à un certain âge, je cherchais du sens dans ma vie professionnelle. En travaillant dans une fondation, j'ai eu la sensation d'oeuvrer pour la société. Les programmes que j'ai pu développer au sein de la Fondation du football ont été extrêmement importants. J'ai ensuite souhaité diffuser ces valeurs dans le football professionnel. Pour cette raison, je suis entrée au Conseil d'administration de la LFP, dont j'ai été élue présidente il y a deux ans et demi. Je n'étais pas une candidate déclarée, pour les raisons personnelles que j'ai évoquées précédemment, mais la Ligue est venue me chercher.

Je suis heureuse d'avoir accepté cette responsabilité, même si elle va de pair avec des sacrifices. Comme vous le savez, il est compliqué de concilier une charge professionnelle importante et une charge familiale. En effet, la charge mentale incombe encore trop aux femmes. Si la société doit vraiment évoluer, elle le fera par l'éducation des garçons. Nous devons leur dire que la charge mentale et familiale doit être répartie équitablement.

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