Sur la mise en oeuvre du Fonds européen de défense, dans la négociation même du règlement, notre souci a été de préserver la place centrale des Etats dans la gouvernance. Nous avons besoin, dans la mise en oeuvre du fonds, d'une gouvernance qui permette de garantir que les treize milliards d'euros ne seront pas dépensés en vain et que les Etats, qui sont les seuls clients des capacités militaires développées, pourront effectivement utiliser ces capacités. La place centrale des Etats va passer par un rôle particulier de l'état-major de l'Union européenne, de l'Agence européenne de défense mais aussi des États eux-mêmes vis-à-vis de la Commission européenne, dans les modalités de gouvernance. C'est tout à fait central et c'est respecté aujourd'hui dans le projet de règlement tel qu'il est sur la table à Bruxelles. Ce règlement convient à notre objectif d'organisation d'une gouvernance qui garantit la place centrale des Etats dans les décisions de mise en oeuvre de financements des projets capacitaires. Pour répondre à M. Poniatowski sur les 2 % et le contrôle des exportations d'armement, nous négocions actuellement avec l'Allemagne, conformément à l'article 4.3 du Traité d'Aix-la-Chapelle, un accord destiné à définir l'organisation générale du contrôle des exportations pour nos projets. 2 % du PIB pour la défense, c'est essentiel pour l'ensemble des pays européens même si nous savons déjà que l'Allemagne n'y arrivera pas, mais entre ne pas y arriver et baisser le budget de la défense, il y a une marge qui devrait normalement pouvoir être saisie par nos amis allemands. Sur la question du contrôle des exportations, je ne saurais davantage être d'accord avec vous. Le ministre de l'Europe et des affaires étrangères était à Berlin la semaine dernière devant le Conseil des ministres allemands, où il a porté l'exigence d'un arrangement sur le contrôle des exportations fondé sur la confiance et le respect de nos intérêts communs. Nous n'acceptons pas le discours politique, parfois entendu à Berlin, selon lequel les Allemands seraient vertueux et nous ne le serions pas. Nous n'acceptons pas une situation dans laquelle nous sommes soumis à des embargos unilatéraux, alors que nous sommes engagés comme jamais dans la construction de projets fondamentaux et structurants pour l'avenir de l'Europe de la défense.
Ce principe de confiance mutuel est au fondement même de ce que nous sommes en train de négocier.
S'agissant du « partage du fardeau » avec les Américains dans le domaine militaire, mon analyse rejoint la vôtre, monsieur le sénateur Vallini. La position française, défendue lors de la conférence de Munich, est celle d'une alliance de nations responsables qui s'engagent pour leur sécurité mutuelle ; cela suppose que les États investissent davantage, et mieux, pour assurer leur défense commune. L'autre conception, plus mercantiliste, considère l'Alliance atlantique comme une « police d'assurance », dans laquelle chaque État contribue financièrement pour qu'un pays tiers assure sa protection.
La France a besoin à la fois de l'Union européenne et de l'OTAN ; leur complémentarité est nécessaire et doit être renforcée. Les Européens doivent faire plus, et mieux, notamment au sein de l'Alliance atlantique, au service de l'article 5. Dès lors, les débats sur la duplication et la substitution de ces instances sont considérés comme passéistes.
La France applique le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). Notre bilan en matière de désarmement nucléaire (article 6) est d'ailleurs exemplaire. Nos efforts vont se poursuivre en vue de la conférence d'examen du TNP de 2020. En attendant que ces efforts se concrétisent, notre responsabilité est de garantir la sécurité de l'Europe dans un contexte stratégique dégradé. Les puissances qui nous entourent voient en l'arme nucléaire un élément central de leur stratégie de défense - voire d'intimidation ou d'ambiguïté stratégique. Compte tenu de cet environnement, nous conservons nos capacités de dissuasion nucléaire selon le principe de stricte suffisance, car elles contribuent à notre défense et à celle de l'Europe. Il est dans notre intérêt que nos partenaires européens prennent part à cette défense collective, qui est au coeur de l'article 5 du traité de l'Atlantique Nord.
Les Européens se doivent de porter une voix singulière s'agissant de la régulation, par des règles de droit, de la compétition de puissance (Arms Control). Nous nous efforçons de préserver le traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire, mais en cas d'échec, il nous faudra nous adapter et réfléchir à la préservation du traité New Start de réduction des armes stratégiques, qui contribue à la sécurité de notre continent. Pour l'administration française, la stratégie de dissuasion nucléaire, telle que définie dans la loi de programmation militaire, est suffisante pour traiter de l'ensemble des menaces susceptibles de porter atteinte à nos intérêts vitaux.
Enfin, selon le principe politique qui prévaut au sein de l'OTAN depuis plusieurs années, dit de la « porte ouverte », il revient aux alliés de se prononcer souverainement sur les élargissements - ce principe a notamment permis la récente adhésion de la Macédoine du Nord. Aujourd'hui, notre intérêt est de renforcer la coopération bilatérale entre l'Alliance et la Géorgie, car ce pays ami contribue à la sécurité transatlantique. En revanche, les conditions ne semblent pas réunies pour son adhésion immédiate.