Intervention de Jean Bizet

Commission des affaires européennes — Réunion du 11 avril 2019 à 9h40
Institutions européennes — Réunion conjointe avec une délégation du sénat italien

Photo de Jean BizetJean Bizet, président :

Je suis très heureux de vous accueillir, au nom de la commission des affaires européennes du Sénat, au Palais du Luxembourg. Nous gardons un excellent souvenir de l'accueil que vous nous avez réservé en novembre dernier, lors de notre venue à Rome. Notre dialogue avait été fructueux et il est bon de l'inscrire dans la durée, au-delà des vicissitudes qui peuvent émailler les relations entre nos dirigeants. Je vous remercie d'être venus jusqu'à Paris afin d'entretenir notre relation bilatérale, à laquelle je rappelle notre profond attachement, quelles que soient les tensions entre nos Gouvernements.

La France et l'Italie sont des pays amis, tous deux membres fondateurs de l'Union européenne, et partagent des valeurs démocratiques communes. C'est ce qui a motivé le projet de traité du Quirinal entre nos deux pays, imaginé depuis 2017 pour faire pendant aux traités de l'Élysée et d'Aix-la-Chapelle et redonner une impulsion à notre relation bilatérale. Si ce projet diplomatique est aujourd'hui ralenti, nos échanges entre parlementaires, dans le respect de nos sensibilités politiques diverses, peuvent contribuer à identifier des convergences franco-italiennes. C'est particulièrement utile à la veille de la refondation de l'Europe, qu'il nous faut d'ores et déjà envisager et qu'il faudra mener après les élections européennes et le départ annoncé du Royaume-Uni. Trois ans déjà que nous parlons du Brexit : c'est trop ! Il est temps de nous tourner vers l'avenir, que nous souhaitons continuer à construire avec l'Italie.

Nos deux pays partagent plusieurs préoccupations. La politique agricole commune (PAC), qui est au fondement de la construction européenne, est aujourd'hui menacée. Notre commission des affaires européennes s'est beaucoup investie sur ce sujet, et a initié trois résolutions qui ont été adoptées par le Sénat mais n'ont pas encore trouvé gain de cause à Bruxelles. Nous continuons donc notre travail. L'Italie est le quatrième bénéficiaire de cette politique et, comme la France, elle sait son importance pour permettre le maintien de la production agricole sur le sol européen et favoriser son exportation. L'Italie et la France sont aussi attachées à la promotion des indications géographiques protégées. Je crois qu'une nouvelle enseigne de gastronomie italienne s'est installée à Paris récemment. Elle pourra mettre en valeur la qualité de vos produits, exceptionnels et très appréciés des Français. La menace qui pèse aujourd'hui sur la PAC n'est pas seulement budgétaire; elle est plus profonde. Au Sénat, nous avons acquis la conviction que la réforme de la PAC envisagée par la Commission risque de mener à sa déconstruction : au nom d'une subsidiarité excessive, la Commission propose de renvoyer au niveau national une grande partie des modalités de mise en oeuvre de la nouvelle PAC, si bien que la politique agricole n'aurait plus grand chose d'une politique commune. Voulons-nous avoir 27 politiques agricoles nationales, à l'heure où les plus grandes puissances investissent massivement dans leur agriculture pour la conforter dans la concurrence mondiale?

Nous savons que, comme le nôtre, votre pays est inquiet que la PAC serve de variable d'ajustement au moment de l'élaboration du cadre financier pluriannuel 2021-2027. Cela ne veut pas dire que nous demandons le statu quo : le budget de l'Union européenne doit être revu, dans son volet recettes comme dans son volet dépenses. Il doit permettre à l'Union européennes de relever les défis qu'elle doit affronter, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur. Je pense notamment à notre avenir industriel commun, qui se joue autour de l'intelligence artificielle et du numérique, mais aussi à la façon dont nous allons faire face aux grands mouvements migratoires vers l'Europe.

Le sujet de l'immigration est important et difficile partout, et spécialement pour des États comme les nôtres, dont les frontières sont celles de l'Union européennes. Si les flux de migrants se sont ralentis, nous savons que votre pays a connu une multiplication par quatre du nombre d'immigrés légaux depuis 2001, sans compter l'immigration clandestine. Nous devons ensemble réfléchir sans délai aux questions urgentes que cela soulève : l'avenir de Frontex, les centres contrôlés et les plateformes de débarquement, la relocalisation des migrants... Mais, à plus long terme, il nous faut aussi trouver les moyens qui permettraient à l'Union européenne d'accompagner le développement des pays d'origine des migrants, afin de structurer leurs économies et de créer sur place des emplois durables.

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