Intervention de Cécile Muret

Mission d'information sur la gestion des risques climatiques — Réunion du 9 avril 2019 à 17h00
Audition commune de Mm. Jean-Louis Fenart président de la coordination rurale du pas-de-calais baptiste gatouillat vice-président des jeunes agriculteurs et joël limouzin vice-président de la fnsea et de Mme Cécile Muret secrétaire nationale de la confédération paysanne

Cécile Muret, secrétaire national de la Confédération paysanne :

Je suis paysanne dans le Jura, dans une ferme familiale que j'ai reprise il y a une douzaine d'années, et dont la production principale est constituée de légumes de plein champ, de maraîchage, d'un peu de céréales et de luzerne pour les rotations. Sur douze années de production, on mesure la vitesse à laquelle avance le dérèglement climatique. Imaginez à l'échelle d'une vie humaine. D'autant que les changements climatiques s'analysent historiquement plutôt à l'échelle géologique.

Quand je me suis installée, on m'annonçait que le Jura connaîtrait le climat d'Avignon en 2050. Désormais, on parle de 2040. Et vous n'êtes pas sans savoir que le Jura et le Doubs sont une terre de production du comté, fromage qui valorise la production d'herbe par son cahier des charges. On nous annonce désormais une perte de production de matière sèche à l'hectare de 30 % environ dès 2030. Il y a toujours eu des aléas climatiques en agriculture, mais ils sont grandissants et leurs conséquences sont inédites.

Le Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) privilégie la prévention, ce qui implique de développer une meilleure résilience des exploitations, en les faisant gagner en efficience et en résistance aux aléas. Cela passe par une diversification des productions à l'échelle de la ferme, mais aussi du territoire, et par une valorisation de cette diversification. Cependant, et c'est là les limites de ce fonds, les seuils définis et les barèmes évalués ne sont pas adaptés à ces schémas de diversification. Les barèmes sont en quelque sorte désuets au regard de l'estimation de la valeur ajoutée dégagée par des exploitations en agriculture biologique, par exemple.

Dans ma ferme, nous cultivons une trentaine d'espèces, dont des carottes, sur un hectare. Une perte accusée sur cette culture ne permettra pas forcément d'entrer dans les critères généraux pour bénéficier du fonds, car il faudrait atteindre le seuil de 30 % de l'ensemble de la production. La situation devient d'autant plus compliquée quand on passe à la culture d'herbe qui est valorisée par l'élevage des ruminants. Bien souvent, les éleveurs qui achètent du fourrage pour compenser les pertes de production de fourrage se retrouvent écartés des critères de perte de production.

Un autre point faible de ce fonds tient au souci du zonage et d'évaluation des pertes, question dont vous avez certainement entendu parler. Enfin, dernière faiblesse et pas des moindres, la lenteur extrême du système. Des dossiers concernant la sécheresse de 2018 continuent d'arriver pour que les directions départementales des territoires (DDT) les défendent. Cela signifie que certaines fermes attendent 18 mois après l'aléa pour être indemnisées.

Quant au régime assurantiel privé, pris en charge par le deuxième pilier de la politique agricole commune (PAC), il se heurte à un problème qu'on pourrait qualifier de concurrence, dès lors que ce deuxième pilier accompagne la diversification des exploitations et la transition écologique. Ceux qui diversifient, font la transition écologique et génèrent de la valeur ajoutée subissent la double peine en cas d'aléa : ils n'ont pas pu s'assurer et ils ne peuvent pas bénéficier du FNGRA. Quant à recourir à une assurance privée, sur une production à haute valeur ajoutée comme la mienne, cela représenterait 8 % de mon chiffre d'affaires, autrement dit 18 000 euros. Sans compter le parcours de reconnaissance compliqué à mener auprès de l'assureur privé qui adopte une approche culture par culture sans vision globale.

La dernière loi de finances a mis en place l'épargne de précaution, outil intéressant dans le principe si on l'applique aux aléas, car il permet de lisser les revenus sur les mauvaises et les bonnes années. Cependant, toutes les fermes ne peuvent pas bloquer 50 % de leur trésorerie, en particulier les fermes d'élevage. Et pour faire de l'épargne, il faut du revenu.

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