Intervention de Jean-Louis Fenart

Mission d'information sur la gestion des risques climatiques — Réunion du 9 avril 2019 à 17h00
Audition commune de Mm. Jean-Louis Fenart président de la coordination rurale du pas-de-calais baptiste gatouillat vice-président des jeunes agriculteurs et joël limouzin vice-président de la fnsea et de Mme Cécile Muret secrétaire nationale de la confédération paysanne

Jean-Louis Fenart, président de la Coordination rurale du Pas-de-Calais :

Je suis agriculteur dans le Pas-de-Calais, et aussi dans le département de l'Eure, près de Rouen. J'ai constaté en une trentaine d'années que les moissons ont été avancées de trois semaines. Je suis producteur de céréales, en grandes cultures, avec des légumes d'industrie, des pommes de terre de consommation et du lin textile. Les aléas sont de tous ordres, climatiques, économiques ou sanitaires. Comme je le disais, les moissons ont été avancées de trois semaines dans le Pas-de-Calais et on commence à voir de la vigne sur les terrils.

Du temps du Fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA), nous payions tous nos contrats d'assurance, et il y avait une surprime pour les calamités agricoles. L'État a souhaité se désengager parce que les risques étaient trop grands, et les assureurs privés ont repris la main. Ils se sont heurtés au même problème, et ont estimé qu'il était dangereux d'assurer les agriculteurs, parce qu'ils ne connaissaient pas bien les risques.

Nous n'avons jamais été favorables à l'assurance récolte qui suppose que l'on assure 70 % de l'exploitation, alors même que certaines cultures n'ont pas d'intérêt à être assurées. Prenez les pommes de terre de consommation : moins je produis et plus je gagne, car il vaut beaucoup mieux vendre 35 tonnes de pommes de terre à 280 euros que 45 tonnes à 50 euros. Les producteurs de betteraves pourraient en dire autant. Et pourtant, il faudrait que l'on s'assure à 70 %.

Nous préférons favoriser la prévention, en développant l'irrigation et le drainage, en veillant à ne pas trop nous spécialiser, en favorisant les filets paragrêles et les retenues d'eau collinaires, comme au lac de Caussade, où le ministère avait donné un avis favorable, mais par un tour de passe-passe, les écologistes y ont mis un coup d'arrêt. Quoi de plus intelligent, pourtant, que de récolter l'eau l'hiver pour irriguer l'été ? Nous souhaitons aussi développer des techniques nouvelles comme les semis directs et simplifiés, qui favorisent une meilleure rétention de l'eau tout en évitant les ruissellements et les coulées de boue dans les villages. J'ai investi dans des roues anti-ravines pour planter mes pommes de terre, afin que l'eau puisse s'infiltrer dans les micro-ravines au lieu de couler vers l'aval.

Nous ne sommes pas favorables non plus au financement par la PAC, car certains budgets sont réorientés vers l'assurance-récolte sans qu'on ait encore clairement identifié la pénétration dans les grandes cultures. On l'estime à 30 % et si on dépasse l'enveloppe, c'est le coup de rabot, de sorte qu'au lieu d'être subventionnés à 65 % de leur contrat d'assurance, les gens touchent beaucoup moins dans le contrat socle. Bien sûr, des contrats complémentaires existent. Cependant, tout laisse à penser que 100 % des agriculteurs financent les contrats de 25 à 30 % des personnes assurées. Il faudrait un budget de la PAC colossal pour remettre 100 % des agriculteurs dans l'assurance-récolte. Les États-Unis ont fait marche arrière sur ce point. Par conséquent, nous voulons laisser la liberté aux agriculteurs de s'assurer et de constituer de l'épargne de précaution.

Laisser transiter l'argent de la PAC sur les comptabilités des assureurs n'est pas idéal non plus. Avec la PAC 92, le prix du blé s'est effondré, sans pour autant que cela se répercute sur le prix de la baguette de pain. Ce sont les intermédiaires qui en ont profité. Lorsqu'on baisse un peu le prix du blé, on ne dit rien ; s'il augmente de 10 %, tout le monde crie. Le blé n'est pas à un prix excessif. Preuve en est, ce fameux patron qui a vendu 30 000 hectares en Ukraine, sacrifiant un tiers de sa ferme, à cause de problèmes de trésorerie.

Il faut développer l'épargne de précaution et éviter trop de diversification, même si celle-ci aide à faire face aux risques financiers.

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