Intervention de Michèle Kirry

Délégation aux collectivités territoriales — Réunion du 22 novembre 2018 : 1ère réunion
Quel avenir pour les services publics dans les territoires ? les propositions du rapport du comité action publique 2022 cap 2022 relatives aux collectivités territoriales et à l'action publique locale

Michèle Kirry, préfète de la région Bretagne :

- La réalité de la décentralisation est paradoxale. Tandis que les moyens consacrés par l'État aux services territoriaux n'ont cessé de décroître, particulièrement au niveau départemental, son intervention dans nombre de domaines s'accroît, sans aucune priorisation ni évaluation, y compris dans des champs de compétences transférés. L'État possède encore 400 corps vivants, contre 1 000 auparavant. Parallèlement, le nombre de cadres d'emplois de la fonction publique territoriale est resté le même, inférieur à 60. Il existe encore dans certains ministères des bureaux dont l'intitulé correspond strictement à des compétences décentralisées. Ces derniers produisent des circulaires qui irriguent le terrain sans que jamais l'organigramme soit revu.

-Il y a aujourd'hui des missions de contrôle en déshérence faute de moyens. À force de vouloir agir dans tous les domaines et avec peu de moyens, notamment au niveau départemental, les véritables missions de l'État que sont l'expertise, l'accompagnement aux projets locaux et le contrôle régalien diminuent considérablement. Je prends un exemple tiré de mon expérience de préfète de la Nièvre. J'avais une direction départementale de la cohésion sociale et de la protection de la population, dans un département très agricole où l'un des piliers est l'élevage de Charolaises. Il y avait un abattoir et un inspecteur vétérinaire, chargé de valider l'exportation de la viande, notamment en Italie. Si cet inspecteur vétérinaire se trouvait dans l'incapacité d'assurer ses fonctions, toute l'économie nivernaise s'écroulait.

- À cette logique de silo des administrations centrales s'ajoute une filialisation de l'État. En effet, à côté des administrations centrales, une multiplicité d'agences surgit, dont l'action n'est pas réellement territorialisée mais qui ne sont pas détectées par la préfecture. J'en veux pour preuve la multiplication des appels à projets. Les choix des territoires retenus proviennent toujours du niveau central. Or, comment pourrait-il être le mieux à même de retenir telle ville plutôt qu'une autre ? Nous constatons parallèlement une vraie progression dans la clarification des compétences des collectivités territoriales, notamment permise par la suppression de la clause générale de compétence autorisée par la loi NOTRe.

- Les agents de l'État, comme ceux des collectivités territoriales, ont un profond sentiment d'isolement et de perte de sens. Les agents de l'État se sentent abandonnés et ne perçoivent pas le sens de leur action. Leur souffrance au travail vient de leur conscience professionnelle, car ils ont parfaitement conscience de ne pas effectuer correctement leurs missions. En ce qui concerne la fonction publique territoriale, l'inflation des contrôles, des règlements et de la norme est de plus en plus mal vécue.

L'ensemble de ces constats reflète assez bien le contexte général.

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