Intervention de Michèle Kirry

Délégation aux collectivités territoriales — Réunion du 22 novembre 2018 : 1ère réunion
Quel avenir pour les services publics dans les territoires ? les propositions du rapport du comité action publique 2022 cap 2022 relatives aux collectivités territoriales et à l'action publique locale

Michèle Kirry, préfète de la région Bretagne :

Comme vous l'avez dit, Monsieur le sénateur, après le temps du diagnostic vient celui du remède, et effectivement la question sous-jacente est : qui porte l'intérêt général ? Je pense que l'État ne peut concevoir une politique publique qu'il ne met pas en oeuvre lui-même parce qu'il se considère seul garant des principes publics. Je me demande si la ligne rouge n'est pas à mettre entre la conception du service public, du côté de l'État, et la production de ce service, du côté des collectivités, dans une démarche de contractualisation qui constituerait un changement de paradigme.

À mon avis, le remède est assez simple. La circulaire du Premier ministre du 24 juillet 2018 a mis fin aux compétences décentralisées et aux chevauchements de compétences où l'État n'a plus sa place. Il est, par exemple, indispensable d'abandonner le tourisme, ainsi que le sport de proximité, pour se concentrer sur le sport de haut niveau.

La deuxième page de l'ordonnance s'illustre par l'idée suivante : l'État devrait cesser les contrats d'adhésion avec les collectivités, signés sans concertation. Le changement de paradigme réside dans le contrat synallagmatique, dans lequel les deux parties s'obligent mutuellement. Or, l'État a pris l'habitude de ces contrats d'adhésion, si bien que le contrat synallagmatique est très insuffisamment utilisé. Pourtant, la loi MAPTAM a créé des conférences territoriales de l'action publique et la délégation de compétences. Je pense donc que tout le monde serait gagnant à recourir au contrat girondin, expression que je préfère à celle de pacte girondin.

Le contrat girondin est un contrat synallagmatique qui utilise différentes techniques. Il identifie les besoins au niveau de chaque territoire et permet une différenciation. L'écriture d'un contrat de territoire est associée à l'expérimentation et à la territorialisation des moyens alloués. La conférence territoriale de l'action publique devient le lieu de suivi de l'exécution du contrat, qui se décline avec des outils déjà présents dans l'arsenal constitutionnel et législatif français. Nous pourrions également recourir à la délégation de compétences, qui pourrait émaner d'une demande des collectivités ou être proposée par l'État. En Bretagne, il existe une délégation totale de compétences sur le livre et le cinéma, qui sont un enjeu majeur. La région est évidemment beaucoup plus compétente que l'État en la matière.

Le remède à notre constat réside donc bien dans une pleine utilisation des outils existants, mais avec le changement de paradigme que constitue le passage du contrat d'adhésion au contrat synallagmatique. Ainsi, au lieu d'employer ses fonctionnaires sur des missions sans valeur ajoutée, l'État doit engager un plan en matière de ressources humaines et les transformer en accompagnateurs de projets, puis renforcer ses compétences de contrôle et d'évaluation aujourd'hui en déshérence. La loi MAPTAM a créé des outils permettant de faire vivre cette contractualisation avec les collectivités et de rénover cette gouvernance territoriale qui doit parier sur la maturité des collectivités.

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