Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaiterais à titre liminaire rappeler une position constante des parlementaires de notre groupe : nous nous opposons à la logique même du programme de stabilité et de la procédure de semestre européen.
Comme beaucoup d’entre vous – la plupart, voire tous –, nous sommes profondément attachés au rôle des parlements nationaux. Le contrôle budgétaire et des finances publiques doit être du ressort des représentants élus du peuple, non de technocrates ou des marchés financiers.
Ce n’est pas à la Commission européenne de délivrer, ou non, un satisfecit à la politique budgétaire du Gouvernement ; c’est au contraire aux représentants de la Nation d’en définir les choix.
Cela est d’autant plus vrai que, faute d’avoir été approuvé par les institutions européennes, le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire – dit TSCG –, qui renforce encore le contrôle budgétaire, est de fait devenu caduc depuis le 1er janvier 2018. Preuve en est, la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen refusa, en novembre dernier, de transférer ce traité en droit européen, pour cause de non-conformité.
En cette période de campagne pour les élections européennes, je veux ici réaffirmer que ce modèle de construction européenne, contraignant les finances publiques, ne répond pas aux attentes légitimes de millions de nos concitoyens européens.
Cette construction européenne est, à l’heure actuelle, un échec économique. Plutôt que de contraindre les plans de relance nationaux, le soutien au développement économique, nous agissons pour un développement solidaire et partagé à l’échelle du continent, adossé, notamment, à un nouveau rôle de la Banque centrale européenne.
Bien qu’illégitime à nos yeux, la procédure dans laquelle se place le programme de stabilité n’en est pas moins fort instructive.
Monsieur le ministre, le débat que nous ouvrons aujourd’hui se place dans un contexte très particulier à plus d’un titre. Il y a, bien sûr, la grande révolte fiscale qui a mobilisé nos concitoyens et continuera de les mobiliser. Il y a également la situation de l’Europe, laquelle fait face à la récession, avec une stagnation de l’économie de nos principaux voisins – l’Allemagne et l’Italie, par exemple.
Ces situations devraient nous faire réfléchir, vous faire réfléchir. Elles devraient influer concrètement sur la politique économique menée.
Face à une croissance atone, pour répondre aux besoins de protection et de service public exprimés par nos concitoyens, la dépense publique et la justice fiscale sont nécessaires, l’une n’allant pas sans l’autre.
Néanmoins, le programme de stabilité que vous nous présentez ne tire aucune leçon de la situation, ni du mouvement social en cours ni du ralentissement économique généralisé au sein de la zone euro.
Le programme que vous nous présentez est le reflet d’un paradigme, d’un cercle vicieux : baisser les impôts des plus riches et les cotisations des entreprises, d’une part ; baisser les dépenses, d’autre part. C’est ainsi que vous tentez d’atteindre l’équilibre. Cela, au moins, vous l’affirmez clairement : « la poursuite des efforts en dépense permettrait de financer la poursuite de la baisse des prélèvements obligatoires ».
Ce choix n’est pourtant pas sans conséquences. Nous voulons, ici, alerter l’ensemble des parlementaires et, à travers eux, l’ensemble de nos concitoyens. Ce choix idéologique est injuste socialement et inefficace économiquement.
Au regard des données de ce programme de stabilité, il aura, au moins, trois conséquences – particulièrement injustes – que je tiens à souligner.
Premier point, sur la durée, le cap fixé est de faire baisser la dépense publique de 3 points à l’horizon de 2022. Un tel objectif ne sera pas neutre pour les politiques publiques. Comme la Cour des comptes le soulignait dans un rapport de juin 2017, il conduira à réaliser près de 80 milliards d’euros d’économie. En somme, c’est véritablement un nouveau plan d’austérité que vous proposez aux Français.
Deuxième point, la poursuite des exonérations de cotisations sociales met en péril l’équilibre de la sécurité sociale et son financement par les revenus du travail. Elle conduit à une fiscalisation toujours plus importante de notre système de protection sociale. La montée en charge de la CSG fera reposer sur tous les citoyens ce qui devrait dépendre des revenus du travail. Elle conduira, lentement, mais sûrement, à faire reculer la gestion par les partenaires sociaux et, donc, la démocratie sociale.
Troisième point, ce programme de stabilité est porteur de choix en matière de politiques publiques. Il faut le dire à nos compatriotes, il privilégie les coupes dans les services publics, dans la protection sociale, pour favoriser un resserrement étroit sur les missions régaliennes et les opérations militaires extérieures, par exemple. Monsieur le ministre, ce que vous détruisez, c’est l’État social ; ce que vous construisez, c’est l’État gendarme.
Ce programme de stabilité marque, par ailleurs, l’échec de la politique économique que vous menez depuis deux ans. Le symptôme immédiat en est le ralentissement de la croissance.
Je voudrais me focaliser sur un autre point : la poursuite du CICE et sa transformation en baisse de cotisations sociales sont, à ce titre, tout à fait exemplaires.
Cela contribue-t-il à créer des emplois ? À ce stade, aucune réponse précise sur ce point. Cela permet-il une relance de l’économie ? Pas davantage. Dès lors, à quoi cela conduit-il, au regard de votre programme de stabilité ? À augmenter la dette et le déficit public : seuls nos créanciers, les marchés financiers, sauront s’en féliciter. Là encore, les cadeaux que vous faites aux grandes entreprises gagent l’avenir de la Nation dans son ensemble.
Enfin, dans la lignée de l’avis adopté voilà peu par le Conseil économique, social et environnemental sur votre programme de stabilité et de réforme, je souhaiterais pointer les sujets qui ne sont pas abordés. Ces impasses définissent, tout autant que vos coupes budgétaires, la nature de la politique que vous entendez mener.
La transformation de l’action publique que vous préconisez ne mentionne même pas l’intérêt général et procède avant tout d’une logique comptable.
Les partenaires sociaux n’ont pas été consultés.
La question du logement n’est pas abordée dans le cadre de la lutte contre la pauvreté.
Vous comprendrez, monsieur le ministre, que nous sommes extrêmement inquiets à la lecture du programme de stabilité que vous nous présentez. Celui-ci n’est pas à la hauteur des défis de relance et de lutte contre la récession que la France et l’Europe doivent affronter. Il organise un transfert de fiscalité des entreprises vers les contribuables dans leur ensemble. À l’image de la conférence de presse du Président de la République la semaine dernière, il ne répond pas du tout à la profonde crise sociale et politique que notre pays traverse.