Intervention de Jean-Claude Requier

Réunion du 29 avril 2019 à 17h00
Projet de programme de stabilité — Débat organisé à la demande de la commission des finances

Photo de Jean-Claude RequierJean-Claude Requier :

L’an dernier, cette question avait fait l’objet d’une déclaration du Gouvernement au sens de l’article 50-1 de la Constitution.

C’est toujours un rendez-vous indispensable, surtout à quelques semaines des élections européennes, où nous pouvons prendre du recul sur l’année écoulée et tracer les perspectives du prochain cycle budgétaire.

Nous étions sortis de l’audition du président du Haut Conseil des finances publiques, Didier Migaud, avec l’impression parfois embarrassante d’un manque de visibilité inédit sur les prévisions économiques à court et moyen termes. Nous avons pourtant l’habitude des prévisions incertaines en matière économique, que le rapporteur général aime souvent à comparer à la science météorologique.

Pourtant, cette année, les différents indicateurs dont nous disposons peinent à tracer une voie, tant sont nombreux les points d’interrogation, à commencer par l’état du commerce international.

La chute brutale du commerce mondial à la fin de 2018, après des années de stabilisation et de remontée depuis la crise de 2008, est le phénomène le plus spectaculaire de ces derniers mois : plus que les incertitudes liées au Brexit, la situation de l’Italie ou encore la crise des « gilets jaunes » chez nous, même si je ne sous-estime bien évidemment pas ces autres sujets.

Dans ce contexte, l’économie française bénéficie, pour ainsi dire, de la force de ses faiblesses. Importatrice nette depuis plusieurs années, donc moins exposée que ses voisines allemande, italienne ou néerlandaise, elle est logiquement moins affectée par un ralentissement soudain des échanges mondiaux.

Mais cet avantage, relatif et conjoncturel, ne doit pas faire oublier les difficultés structurelles en termes d’offre, de production, de compétitivité, auxquelles le Gouvernement s’efforce depuis bientôt deux ans de répondre. De plus, nous restons vulnérables à une hausse des prix des carburants, qui a été, ne l’oublions pas, l’un des facteurs déclencheurs du mouvement des « gilets jaunes ».

Dans ce cadre, désormais plus contraint, il faut donner crédit au Gouvernement d’avoir cherché à améliorer la maîtrise des comptes publics, avec un déficit ramené sous la barre des 3 % du PIB en 2017 et 2018, et une certaine stabilisation de l’endettement public un peu au-dessous de 100 % du PIB, un niveau certes élevé.

Le véritable risque pourrait venir de l’endettement privé. Alors que l’endettement des ménages a été à l’origine de la crise financière de 2007-2008 aux États-Unis et dans certains pays européens, l’endettement privé, des entreprises et des ménages, est aujourd’hui plus élevé en France que la totalité de la dette publique. Il est vrai que la politique de taux bas, voire nuls, de la Banque centrale européenne depuis plusieurs années facilite beaucoup l’accès au crédit et que, associée à une inflation faible, elle encourage les agents privés à s’endetter.

Les niveaux désormais atteints devraient conduire à une certaine vigilance, en particulier en ce qui concerne les entreprises. D’après le journal Les Échos, en 2015, la dette des entreprises équivalait à 125 % du PIB, soit 30 % de plus que la dette publique. Si la dette peut être un levier pour investir et faire croître l’économie, les crises passées nous ont appris qu’elle comporte des risques contre lesquels il est essentiel de se prémunir.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer quel suivi votre administration effectue de ce phénomène et quel est le niveau de coordination avec les autorités monétaires européennes ?

Pour ce qui concerne la stratégie de gestion des finances publiques, l’année 2019 devait de toute façon être marquée par la transformation du CICE en réduction de cotisations sociales. À cela s’ajoutent les mesures d’urgence votées à la veille de Noël dans le contexte que nous connaissons.

Je note que le Gouvernement a d’ores et déjà décidé de recettes supplémentaires dans le projet de loi sur la taxation des services numériques que nous examinerons prochainement. Son article 2 déroge à la trajectoire de réduction de l’impôt sur les sociétés à l’horizon de 2022, pour un rendement estimé à quelque 1, 7 milliard d’euros.

Je n’oublie pas non plus, évidemment, l’impact à venir des dernières annonces du Président de la République, dont nous attendons maintenant de connaître précisément les contours législatifs.

Toutes choses étant égales par ailleurs, le solde public devrait s’améliorer automatiquement en 2020 du fait de la disparition de la mesure ponctuelle liée au CICE. Mais alors, c’est l’environnement international qui reste assez incertain.

Il me semble qu’une des conclusions essentielles à tirer du mouvement des « gilets jaunes » et du grand débat national est une exigence, à la fois, de justice fiscale et de meilleur usage des deniers publics.

Beaucoup de Français refusent davantage d’impôts, cela paraît clair. Mais ils ne veulent pas nécessairement moins de services publics. En revanche, ils souhaitent que chaque euro dépensé par la puissance publique, qu’il s’agisse de l’État, des collectivités, des hôpitaux, le soit avec un meilleur service, une meilleure qualité et dans le cadre d’une répartition équitable sur tout le territoire national. D’autres pays avec une forte dépense publique y parviennent. Pourquoi pas nous ?

Nous avons tendance, au cours de ces débats sur les finances publiques, à citer de nombreux chiffres ou nous appuyer sur de nombreux graphiques. Trop souvent, nous parlons de façon comptable. La priorité, pour le Gouvernement, doit désormais être la qualité de la dépense publique, ainsi que la satisfaction des Français et de leurs représentants !

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