Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant tout, je tiens à remercier le président de notre commission des finances et notre rapporteur général d’avoir pris l’initiative d’organiser ce débat au Sénat, puisque le Gouvernement ne l’avait pas jugé utile… Certes, ce débat est percuté de plein fouet par l’actualité, mais c’est ainsi.
En effet, monsieur le ministre, le Gouvernement est en séminaire, pour plusieurs jours, nous précise-t-on – c’est dire si la tâche est ardue ! –, afin de trouver 9 à 10 milliards d’euros, coût en année pleine des mesures annoncées jeudi dernier par le Président de la République, lesquelles s’ajoutent aux 10 milliards d’euros votés en décembre dernier.
Comment croire que toutes ces décisions n’auront pas d’impact sur la trajectoire que vous nous présentez et dont nous débattons aujourd’hui ? Je crois que personne ne le pense ici. Mais ce n’est pas tout : il y a à la fois les mesures annoncées et les déclarations du Président de la République, qui laissent perplexe. Lors de sa conférence de presse, il a en effet annoncé son intention de ne pas tenir l’objectif de suppression de 50 000 postes dans la fonction publique d’État. Quel est donc le nouvel objectif ? Quelles seront ses conséquences sur la trajectoire des finances publiques ? Nul ne le sait.
S’y ajoute une autre réforme majeure pour l’équilibre à venir de nos finances publiques : celle des régimes de retraite. Coincés par la promesse électorale de ne pas toucher à l’âge de départ, vous avez perdu des mois, et certainement la confiance des partenaires sociaux, en laissant finalement entrevoir votre point d’arrivée : un départ toujours possible à 62 ans, mais avec une décote. Ce sera d’ailleurs, manifestement, votre argument majeur : la liberté de choisir entre obtenir une pension avec décote ou travailler plus longtemps. Quel manque de courage !
Surtout, comment anticiper les effets d’un tel système sur l’équilibre du futur régime, puisqu’il dépendra de ce choix laissé aux Français ? Seule une décote importante les contraindra à travailler plus longtemps. Sur quelles hypothèses sera donc bâtie la réforme ? Quel sera son impact sur nos finances publiques ? Nous ne le savons toujours pas.
Je pourrais également parler de nos collectivités territoriales, qui depuis 2014 ont été largement mises à contribution au titre du redressement des finances publiques et qui sont – rappelons-le ici, au Sénat – les bons élèves de la classe.
Pourtant, elles sont de nouveau sollicitées par le Président de la République depuis jeudi dernier, pour l’ouverture de maisons de services publics dans tous les cantons de France et la réduction du nombre d’élèves par classe. Ces mesures impliqueront forcément des investissements et des dépenses de fonctionnement nouvelles. Or votre collègue Gérald Darmanin le déclarait ce matin sur une radio périphérique : si l’État ne réduira pas de 50 000 le nombre de ses fonctionnaires, les collectivités territoriales sont priées de bien vouloir tenir l’objectif de 70 000 postes en moins.
Comment feront-elles pour concilier tout cela ? Avec quelles ressources, puisque vous avez repoussé à l’automne la réforme de la fiscalité locale ? Elles ne le savent toujours pas.
Au total, 20 milliards d’euros de mesures nouvelles ont été accumulés depuis décembre ; certains objectifs sont clairement abandonnés ; des réformes sont annoncées, mais elles sont toujours si floues et sans calendrier précis. Dans ces conditions, comment croire en ce programme de stabilité ?
Au-delà des chiffres, le plus important est certainement l’abandon pur et simple de l’objectif de retour à l’équilibre de nos comptes publics en 2022. Il en va donc de ce quinquennat comme de celui de François Hollande, toutes proportions gardées… Moins de deux ans après son commencement, on change de politique et l’on repousse encore et toujours le retour à l’équilibre des finances publiques. En 2012, François Hollande le promettait pour 2015 : on connaît la suite. En 2017, vous le promettiez pour 2022 : c’est terminé.
Le point commun de ces deux tournants, c’est bien sûr le ras-le-bol fiscal.
Certes, monsieur le ministre, vous n’avez pas assommé les Français de 30 milliards d’euros d’impôts nouveaux, comme le fit le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, cher Claude Raynal