Intervention de Christine Lavarde

Réunion du 29 avril 2019 à 17h00
Projet de programme de stabilité — Débat organisé à la demande de la commission des finances

Photo de Christine LavardeChristine Lavarde :

Vous devez également savoir à quel point j’ai été déçue par le résultat et la conduite de ces travaux, alors même que je m’étais engagée avec enthousiasme dans la démarche.

Je note que les termes « Action publique 2022 » ne figurent nulle part dans le programme de stabilité de la France pour 2019, alors que le document d’avril 2018 leur accordait dix mentions, ainsi qu’un encadré aux pages 48 et 49.

Dans le programme national de réforme 2018, Action publique 2022 était la source des réponses au deuxième axe du quatrième défi, « transformer l’État et restaurer l’équilibre de nos finances publiques ».

Dans la version 2019 de ce programme, si l’on en croit le tableau de la page 124, l’action de transformation est en marche : « transformation des administrations centrales, déconcentration, refonte du cadre de gestion publique, nouveau contrat social, mise en place d’un suivi de l’exécution à haut niveau, révision de la gestion du parc immobilier de l’État, nouveaux services publics de proximité sur le territoire »… soit « 75 % des recommandations du comité Action publique 2022 », du moins, vous me permettrez de le préciser, après intervention de la direction interministérielle de la transformation publique dans l’écriture du rapport final.

À cette même page 124, on peut lire : « Les transformations issues d’AP 2022 vont notamment se traduire par des baisses du nombre d’emplois publics, déjà mises en œuvre par les lois de finances pour 2018 et 2019. » Cette affirmation ne manquera certainement pas d’étonner les analystes de la Commission européenne, car elle apparaît en décalage avec la réalité, comme l’a révélé, données chiffrées à l’appui, l’iFRAP.

En effet, la baisse annoncée de 4 164 postes en équivalents temps plein coïncide avec une augmentation du plafond d’emplois cumulé de l’État et de ses opérateurs de 1 322 postes entre 2018 et 2019. Dans le même temps, certains postes sortent de l’emploi public sans être supprimés pour autant, par la simple transformation d’un opérateur en établissement public à caractère industriel et commercial, ou EPIC.

Lors de sa conférence de presse de jeudi dernier, le Président de la République a d’ailleurs fait preuve de réalisme, en se disant « prêt à lever » son objectif de réduction de 120 000 du nombre de fonctionnaires – promesse de campagne ! –, s’il n’était pas tenable au regard de la sortie du grand débat.

Les effets annoncés du programme Action publique 2022 ne sont pas là : entre les versions 2018 et 2019 du programme de stabilité, la baisse des dépenses publiques est moindre de 42 milliards d’euros. En douze mois, l’excédent de 0, 3 point de PIB, soit 7, 9 milliards d’euros, en 2022 a laissé place à un déficit de 1, 2 point. Avant même les dernières annonces du Président de la République, la baisse de la dépense s’est donc dégradée de 1, 5 point de PIB.

Monsieur le ministre, comment votre gouvernement va-t-il donc financer les moindres recettes et les nouvelles dépenses évoquées jeudi soir, dont le coût avoisine les 10 milliards d’euros ?

Il ne vous a pas échappé que, pour la maîtrise de la dépense publique, les efforts annoncés dans le programme de stabilité sont très loin d’être suffisants : l’effort structurel n’est que de 0, 1 point en 2019, et il s’établit entre 0, 2 et 0, 3 point jusqu’en 2022. Nous sommes donc très loin de l’objectif, fixé par Bruxelles, de 0, 5 point.

En juillet 2017, vous aviez pourtant posé le bon diagnostic, en déclarant : « Depuis vingt, trente ans, la France est droguée à la dépense publique. C’est une prison qui va peser sur les générations futures. »

Ces générations, ce sont celles de mes enfants et de mes petits-enfants. Je m’en sens donc responsable. Au cours des vingt dernières années, dans seize pays de l’Union européenne, la diminution des dépenses publiques a été supérieure à 3 points de PIB potentiel sur cinq ans. Un tel effort est donc réalisable. C’est la voie dans laquelle nous devons nous engager pour atteindre les objectifs de la stratégie Europe 2020, pour une croissance économique « intelligente, durable et inclusive ».

À cette fin, des choix courageux s’imposent : il s’agit, par exemple, de dire aux Français qu’ils devront travailler plus longtemps !

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