Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, monsieur le vice-président de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, les précédents orateurs l’ont souligné : par un hasard du calendrier, nous débattons du programme de stabilité au moment même où le Gouvernement est réuni en séminaire – monsieur le ministre, je vous remercie d’autant plus de votre présence.
Ce qui nous frappe, c’est sans doute l’importance des choix qui sont devant nous collectivement, qu’il s’agisse du Gouvernement ou des représentants de la Nation. Il nous faut retisser le lien social, reconstruire la cohésion sociale, qui, dans notre pays, est fragmentée, voire atomisée. Nous devons également consolider une crédibilité financière que nos partenaires européens nous dénient parfois.
J’en ai la conviction : nous ne devons pas perdre le fil de la nécessaire amélioration de nos comptes publics. Au-delà du programme de stabilité, nous devons tenir compte des annonces faites par le Président de la République au cours de sa conférence de presse et des suites que nous devinons, ou que nous tentons de deviner, au travers des intentions du Gouvernement.
Cela étant, le document qui nous est soumis contenait des prémices : à cet égard, je vois non pas de rupture, mais plutôt un approfondissement – dans le sens de la dépense, diront certains –, dans les mesures annoncées par le Président de la République, avec, bien sûr, des inflexions.
Monsieur le ministre, la soutenabilité financière de cette politique pose question. À ce titre, je tiens à dire quelques mots de la stratégie globale : c’est bien de cela qu’il s’agit. En effet, la croissance faiblit en France – moins qu’ailleurs en Europe, certes, mais elle faiblit tout de même. Votre programme de stabilité prend acte de cet élément, et il en tire diverses conséquences.
Premièrement, le retour à l’équilibre des finances publiques est retardé. Jean Pisani-Ferry l’a déclaré hier à un grand journal du dimanche : en ajoutant au programme de stabilité transmis les mesures annoncées par le Président de la République, on atteint 30 milliards d’euros de dépenses publiques supplémentaires et de moindres recettes. Ce chiffrage inclut la suppression de la taxe d’habitation. Or, à ce stade, le Gouvernement n’annonce que 10 milliards d’euros d’économies et de recettes nouvelles. Ce montant comprend les 5 milliards d’euros de réduction des niches fiscales. Si l’on s’en tient à ce chiffrage, il y aurait donc 20 milliards d’euros à trouver, soit 1 % du PIB.
Deuxièmement, je m’interroge quant à la nature de la politique suivie. Jusqu’à présent, il s’agissait clairement d’une politique de l’offre. On peut comprendre que des ajustements conjoncturels aient été nécessaires, et – M. le rapporteur général l’a rappelé –, le Sénat les a votés pour ce qui concerne la première partie en décembre dernier.
Toutefois, si, au titre de ces ajustements, des dépenses nouvelles semblent inévitables, prenons garde à ne pas passer à une politique de la demande : l’on risquerait de basculer vers une politique du pouvoir d’achat et du déficit. Le choc du pouvoir d’achat, si choc il y a, peut avoir des effets positifs, mais la dette, comme les erreurs, finit toujours par se payer. En résumé, si une prise de risque est nécessaire, elle suppose que la conjoncture tienne et que les mesures prises aient un effet vertueux sur l’emploi, avec les conséquences économiques et financières que l’on pourrait en attendre.
Je ne crois pas que la réduction des déficits puisse s’accommoder durablement d’une moindre baisse du nombre de fonctionnaires. Viser une réduction de la dépense publique sans une baisse significative du nombre de fonctionnaires revient même, à mon sens, à poser une équation impossible.
Troisièmement et enfin, j’évoquerai la réduction des impôts. Bien sûr, elle est souhaitable – chacun le sait, la France bat des records d’imposition –, à condition toutefois que les baisses accordées à certains n’impliquent pas des augmentations pour d’autres catégories. La réduction des niches des entreprises est une voie ; mais, même si l’instabilité sociale est pire encore que l’instabilité fiscale, veillons à préserver la stabilité fiscale pour les entreprises.
L’hyperconcentration fiscale semble s’accentuer de plus en plus. La réforme fiscale sera donc, demain, une nécessité.
En résumé, deux marqueurs s’imposent pour l’avenir : la réforme de l’État et l’âge de la retraite. Les deux sujets sont posés. Pour ce qui concerne l’âge de la retraite, les termes du débat sont connus. La réforme de l’État est, à mon sens, la question essentielle.
Je conclurai en formulant une mise en garde quant au risque d’augmentation des taux d’intérêt : si les États-Unis modifient leur politique d’endettement, ce danger sera réellement devant nous !