Cette semaine, à l'invitation de la France, se tenait à l'Unesco la septième session plénière de la Plateforme mondiale sur la biodiversité (IPBES). Il s'agit de l'équivalent du Giec pour la biodiversité : l'objectif est de faire la synthèse des connaissances scientifiques internationales sur la biodiversité.
Le constat général, alarmant, est que nous sommes en train de vivre la sixième extinction des espèces et que la biodiversité recule très rapidement dans le monde entier, y compris dans des zones qu'on pensait indemnes. Près de 30 % des espèces sont menacées sur notre territoire du fait des activités humaines, dont les effets, qui vont de la pollution à l'artificialisation des sols en passant par la fragmentation des habitats et la surexploitation de certaines espèces, comportent aussi la prolifération d'espèces exotiques envahissantes.
Trop souvent cantonnée à un rôle de décor, la biodiversité nous rend des services inestimables et irremplaçables. Ainsi, les milieux humides nous fournissent l'eau potable, les insectes pollinisent les champs qui nous procurent notre alimentation, tandis que les dunes et les mangroves, qui nous protègent des tempêtes, sont de véritables infrastructures.
Or les espèces exotiques envahissantes, objet de la proposition de loi que votre commission examine aujourd'hui, originaires d'autres continents et introduites par l'homme, volontairement ou accidentellement, sont reconnues comme l'une des causes majeures d'érosion de la biodiversité au niveau mondial. Certes, toutes les espèces exotiques ne sont pas envahissantes. Lorsqu'elles le sont, elles ont nombre d'impacts négatifs sur les espèces indigènes, les habitats naturels et les services rendus par les écosystèmes. Elles affectent aussi les activités économiques et notre propre santé.
Ces impacts sont particulièrement importants dans les territoires ultramarins insulaires, dotés d'une biodiversité spécifique très riche et connaissant de nombreux flux, de tourisme ou de marchandises, qui peuvent être autant de vecteurs de propagation.
Pour lutter contre ces espèces, la France s'est dotée de plusieurs instruments. La loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, votée en août 2016, comporte un panel d'outils pour contrôler l'introduction sur notre territoire ou dans le milieu naturel, la détention, le transport ou encore l'utilisation de ces espèces. De plus, le Gouvernement a mis en place un plan d'action pour la biodiversité, dont l'action n° 45 prévoit des dispositifs de lutte contre les espèces exotiques envahissantes, notamment dans les espaces insulaires, et interdit l'utilisation de plantes reconnues comme invasives dans tout aménagement public. Ce plan illustre la volonté du Gouvernement de conduire une action déterminée et globale pour préserver la biodiversité dans les territoires par l'action des différents acteurs que sont les opérateurs de l'État et les administrations locales, ou via des dispositifs tels que les territoires engagés pour la nature.
La reconquête de la biodiversité passe aussi par la création, en cours d'examen au Parlement, de l'Office français de la biodiversité, un opérateur qui appréhendera un vaste ensemble d'enjeux liés à cette thématique.
La proposition de loi qui nous rassemble aujourd'hui est une occasion de mettre en lumière cet enjeu et d'interroger le rôle du maire dans la lutte contre la propagation des espèces exotiques envahissantes. Sa proximité avec nos concitoyens fait de lui un maillon essentiel, sur lequel il est nécessaire de s'appuyer pour sensibiliser ceux-ci à cette problématique encore trop méconnue. Il peut jouer un rôle essentiel dans la prévention des mauvaises pratiques conduisant à la dissémination de telles espèces.
Néanmoins, sous peine d'inefficacité et de dispersion de fonds publics, l'action de lutte doit être menée de manière coordonnée - et sur un territoire de taille pertinente, car les espèces exotiques envahissantes ne connaissent pas les frontières administratives ! Elles sont, du surcroît, armées pour recoloniser rapidement les territoires d'où elles ont été extraites.
C'est donc bien l'action du préfet, habilité à déclencher des opérations de lutte au titre de l'article L. 411-8 du code de l'environnement, qui est déterminante, via une mobilisation coordonnée de l'ensemble des acteurs locaux : collectivités, établissements et services de l'État, organismes à vocation sanitaire, chasseurs, pêcheurs, conservatoire et associations naturalistes, gestionnaires d'espaces protégés... Les acteurs locaux sont nombreux à se mobiliser en faveur de la préservation de la biodiversité locale.
Le Gouvernement est ouvert à la proposition du rapporteur : plutôt que de confier au maire une fonction déjà exercée par le préfet, il s'agira de lui confier un rôle, vital, de sentinelle. Plus une espèce exotique envahissante est détectée tôt, meilleures sont les chances de parvenir à son éradication. C'est le maire qui est le mieux placé pour la détecter, tandis que le préfet, par son rôle de coordinateur, peut - en lien étroit avec les élus - déterminer lorsqu'il est nécessaire d'agir.