Parmi les espèces qui arrivent sur le sol européen, environ 10 % s'acclimatent. Il existe ainsi 14 000 espèces exotiques répertoriées en Europe. Sur ces 10 %, seules 10% deviennent invasives, avec des conséquences néfastes en matière écologique, économique ou sanitaire.
Les espèces exotiques envahissantes ont généralement un impact écologique, avec la création de désordre au niveau de l'écosystème faunique et floral : elles représentent la troisième menace pour la biodiversité au niveau mondial ! Certaines ont un impact économique, en constituant un risque pour l'agriculture, par exemple, ou sanitaire, en représentant une menace pour la santé publique - c'est le cas de l'ambroisie.
La notion d'espèces exotiques envahissantes a fait son apparition dans le droit national en 2016. Le préfet dispose du pouvoir de police pour lutter contre l'introduction et la propagation de ces espèces : il peut notamment intervenir à ce titre sur les propriétés privées.
Certaines espèces exotiques envahissantes sont également listées dans d'autres classifications, comme les dangers sanitaires. C'est le cas du frelon asiatique, qui est une vraie menace pour l'apiculture. Ces autres classifications entrainent d'autres moyens d'action des pouvoirs publics, qui appartiennent généralement au préfet.
La lutte contre les espèces exotiques envahissantes n'est efficace qu'au début de leur implantation sur le territoire. Une opération rapide peut alors éradiquer les spécimens d'une espèce à moindre coût. Après cela, l'espèce s'est diffusée et la stratégie de lutte doit s'orienter vers une gestion de la population globale et une protection des espèces autochtones qu'elle menace, ce qui est plus coûteux.
Enfin, en cas de menace grave et imminente pour la santé publique et la sécurité, le maire peut prendre à défaut des propriétaires toutes les mesures nécessaires pour mettre fin à la menace au titre de son pouvoir de police générale, en vertu de l'article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales. Il peut dans ce cadre ordonner la destruction de certaines espèces exotiques envahissantes.
Revenons maintenant au frelon asiatique : une seule reine frelon asiatique a été introduite en France en 2004 à l'intérieur de poteries importées de Chine. Présent dans 13 départements en 2006, le frelon asiatique avait envahi 56 départements en 2012 et a depuis conquis la France métropolitaine entière à l'exception de la Corse.
Le cycle de vie des frelons asiatique est annuel : les reines sortent de l'hibernation au printemps et fondent de nouveaux nids. Pendant l'été, pour nourrir leurs larves, les frelons chassent les insectes, surtout les abeilles et les guêpes ; puis la colonie meurt naturellement en hiver. Seules les femelles fécondées survivent en se protégeant du froid. Les frelons asiatiques ne reviennent jamais dans le nid de l'année précédente ! Leur piqûre n'est pas plus dangereuse pour l'homme que la piqûre du frelon européen ou que celle des guêpes, mais le frelon asiatique constitue un vrai risque pour l'apiculture, avec la perte des abeilles.
La stratégie d'éradication des nids n'est pas très efficace et coûte actuellement très cher. Nous ne constatons aucune diminution du nombre de frelons asiatiques. Au vu de la vitesse de propagation de l'espèce, il semble que son éradication soit, sinon impossible, du moins très difficile. La recherche se concentre sur la protection des ruches.
Le frelon asiatique est classé parmi les espèces exotiques envahissantes et les dangers sanitaires. Le pouvoir de police spéciale en la matière appartient donc au préfet. Le maire peut cependant, au titre de son pouvoir de police générale, intervenir en cas de menace grave et imminente pour la sécurité publique. Mon rapport décrit les possibilités dont disposent les maires pour lutter contre le frelon asiatique et pour répondre aux sollicitations de leurs administrés en la matière.
La proposition de loi permet au maire de mettre en demeure le propriétaire d'agir contre les espèces exotiques envahissantes présentes sur sa propriété et, à défaut, de procéder à l'exécution de ces opérations aux frais du propriétaire. Nous craignons cependant plusieurs effets indésirables. Il peut ainsi y avoir erreur sur l'identification des espèces, le maire n'étant pas systématiquement un biologiste. L'emploi sans encadrement de certaines techniques de lutte pourrait porter atteinte à la biodiversité au lieu de la protéger. Il y a aussi un risque de mise en cause de la responsabilité du maire en cas de mauvaises actions ou d'inaction. La concurrence des pouvoirs de police du maire et du préfet conduirait à la déresponsabilisation des deux autorités. Enfin, mettre ces opérations à la charge du propriétaire pourrait diminuer les signalements des espèces exotiques envahissantes, ce qui aurait un impact négatif sur le suivi scientifique de la diffusion de l'espèce.
J'ajoute que l'Association des maires de France n'est pas favorable à l'extension des pouvoirs de police, en particulier dans les propriétés privées, car cela augmenterait les risques de contentieux, ce qui rendrait encore plus difficile l'exercice du mandat, en particulier pour les petites communes qui ne disposent pas de service juridique.
Après avoir évalué les différentes hypothèses, il m'a semblé opportun de proposer une solution alternative, consistant, d'une part, à rappeler aux maires les pouvoirs dont ils disposent en matière de lutte contre les espèces exotiques envahissantes et les frelons asiatiques en particulier et, d'autre part, à consacrer la possibilité pour les maires de saisir le préfet de département lorsqu'ils détectent des espèces exotiques envahissantes sur le territoire communal. L'amendement que j'ai déposé en ce sens énonce ainsi que « lorsqu'il constate la présence dans le milieu naturel d'une ou plusieurs espèces mentionnées aux articles L.411-5 ou L. 411-6, le maire peut en aviser l'autorité administrative mentionnée au premier alinéa du présent article ».
Cet amendement responsabilise les préfets en leur permettant de prendre les mesures pertinentes à la suite de ce signalement. Le maire aura un rôle de facilitateur et de sentinelle dans la lutte contre les espèces exotiques envahissantes. Il pourra sensibiliser et informer le public sur les risques et jouer un rôle d'intermédiaire pour permettre une action sur les propriétés privées. Il constituera aussi un maillon essentiel de la chaine de détection précoce des espèces, par ses signalements aux autorités en charge de la lutte.
En conséquence, je vous proposerai également de modifier l'intitulé de la proposition de loi pour supprimer la référence aux pouvoirs de police du maire. Cet intitulé deviendrait : « Proposition de loi visant à renforcer l'intervention du maire dans la lutte contre l'introduction et la propagation des espèces exotiques envahissantes ».