Intervention de Sophie Primas

Commission des affaires économiques — Réunion du 2 mai 2019 à 10h35
Audition de M. Jean Bernard lévy candidat proposé à la fonction de président-directeur général d'électricité de france

Photo de Sophie PrimasSophie Primas, présidente :

Nous entendons ce matin, en application de l'article 13 de la Constitution, M. Jean-Bernard Lévy, actuel président-directeur général d'EDF dont le Président de la République propose de reconduire le mandat pour une nouvelle durée de quatre ans. Si cette nomination était confirmée, ce serait la première fois depuis 1987 qu'un président d'EDF verrait son mandat renouvelé.

Un mot d'abord sur la forme. Malgré les raccourcis employés dans la presse, je rappelle que cette reconduction ne sera effective qu'à la double condition, non seulement de son approbation par l'assemblée générale ordinaire des actionnaires d'EDF mais aussi, et au préalable, de l'absence d'opposition des commissions parlementaires compétentes dans les formes prévues par la Constitution. Si l'addition des votes négatifs de chaque commission représentait au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés, l'État ne pourrait en effet pas proposer cette nomination. À l'issue de l'audition, nous procéderons au vote et nous dépouillerons dans la foulée, puisque l'Assemblée nationale a déjà entendu M. Lévy ce mardi. Je rappelle aussi que les délégations de vote ne sont pas autorisées.

Monsieur Lévy, vous présidez EDF depuis 2014. Vous pourrez donc nous présenter à la fois le bilan de votre action à la tête de l'entreprise et le projet que vous voulez porter pour les années à venir. Mais avant cela, et je pense que ce sentiment est assez partagé dans l'assistance, je voudrais vous dire que nous avons quelques sujets de préoccupation pour le groupe que vous dirigez. Je le dis avec d'autant plus de gravité que nous sommes, collectivement, très attachés à cette entreprise singulière, qui est à la fois une part de notre histoire et de notre patrimoine mais aussi de notre avenir, et en tous les cas de notre souveraineté énergétique.

Premier motif de préoccupation, c'est celui de la capacité de l'entreprise à renouveler le parc électronucléaire français et, au-delà, à exporter son savoir-faire de fabricant et d'exploitant de centrales nucléaires de dernière génération à l'étranger. Cette inquiétude naît bien sûr des nombreux retards et surcoûts accumulés sur l'EPR de Flamanville. Même si la mise en service d'un premier EPR en Chine a le mérite de démontrer que la technologie elle-même n'est pas en cause, les déboires des chantiers finlandais et français doivent-ils nous conduire à conclure que nous avons perdu, en Europe, la capacité de faire des objets industriels aussi complexes ?

Et pour être très concrets, sur le cas précis des huit soudures mises en cause par l'ASN à Flamanville, comment, sous quel délai et à quel coût comptez-vous traiter le problème ?

Deuxième motif de préoccupation, c'est celui de la compétitivité économique de l'EPR. Pouvez-vous nous dire où en est le projet d'un EPR optimisé, sachant que l'enjeu est décisif puisque le Président de la République a conditionné le lancement d'un nouveau programme électronucléaire à la baisse sensible des coûts ? Et que répondez-vous à ceux qui contestent la compétitivité du nouveau nucléaire par rapport aux énergies renouvelables ? Lorsque la question du stockage de masse et sur longue durée de l'électricité aura été résolue, pourra-t-on se passer du nucléaire ?

Troisième sujet de préoccupation, c'est celui du le « mur d'investissements » auquel EDF est confronté : alors que la dette de l'entreprise atteint les 33 milliards d'euros, la prolongation d'une partie du parc nucléaire actuel représente une cinquantaine de milliards d'euros d'investissements d'ici à 2025, la construction des EPR anglais mobilisera une vingtaine de milliards tandis que les investissements dans les énergies renouvelables et l'innovation se poursuivront - les deux plans annoncés en 2017 et 2018 font état de 35 milliards pour développer le solaire en France et de 8 milliards pour accélérer dans le stockage de l'électricité. Serez-vous en mesure de répondre simultanément à tous ces défis et si oui, comment ?

La réorganisation du groupe, à laquelle le Président de la République vous a demandé de réfléchir, se veut peut-être une réponse à ce problème de financement mais elle constitue en elle-même un autre sujet d'inquiétude, pour les syndicats dans l'entreprise voire pour le contribuable car il ne faudrait pas aboutir à une nationalisation des risques et des dettes, et de privatisation des activités rentables et dont les revenus sont en plus régulés. Nous sommes donc très demandeurs de vos éclaircissements sur ce dossier...

J'en terminerai par un dernier défi pour l'entreprise, celui qui est lié à l'évolution à la fois de son environnement concurrentiel et du cadre de régulation de son activité : avec l'ouverture des marchés de l'énergie, EDF est de plus en plus exposée aux prix de marché et perd chaque mois des dizaines de milliers de clients. Dans le même temps, les tarifs réglementés, dont le ministre a laissé entendre que le mode de calcul pourrait évoluer, se limiteront au 1er janvier 2021 aux ménages et aux microentreprises, la Commission européenne exige la mise en concurrence des concessions hydroélectriques, tandis qu'une révision de l'accès à l'électricité nucléaire historique pour les concurrents d'EDF paraît sur la table. Comment appréhendez-vous toutes ces évolutions ? Moins de clients, moins de recettes, plus d'investissements : c'est une équation particulière...

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