Intervention de Jean-Bernard Lévy

Commission des affaires économiques — Réunion du 2 mai 2019 à 10h35
Audition de M. Jean Bernard lévy candidat proposé à la fonction de président-directeur général d'électricité de france

Jean-Bernard Lévy, candidat proposé par le Président de la République à la fonction de président-directeur général d'EDF :

Monsieur Gremillet, je suis heureux que nous partagions cette idée de bon sens au sujet des barrages de la Truyère. Pourquoi ce qui est faisable dans un secteur ne le serait pas dans un autre, sauf à ce qu'EDF soit particulièrement stigmatisée à Bruxelles, ce à quoi je n'oserais croire.

S'agissant du nouveau nucléaire, EDF et sa filiale Framatome travaillent avec fluidité et sans ces arrière-pensées stratégiques qu'on a observées dans le passé sur un EPR qui tirera les enseignements de Taishan, dont le premier réacteur fonctionne parfaitement tandis que le deuxième monte en puissance - le combustible a été chargé à la mi-avril -, ainsi que des difficultés rencontrées sur les chantiers de Finlande et de Flamanville. Le but est de savoir mieux construire, plus vite, sans dépasser les devis.

Notre but pour l'EPR optimisé, c'est de maintenir un coût sur 60 ans compris entre 65 et 70 euros le mégawattheure - avec comme référence l'année 2016 pour tenir compte de l'inflation. Notre objectif est d'offrir à ceux qui choisiront le nucléaire un prix identique à celui des centrales au gaz, étant entendu que le gaz nous rend dépendant de puissances étrangères et émet beaucoup de CO2.

Monsieur Gremillet, vous avez signalé que nous avons mis en place un mode de financement assez original, accepté par Bruxelles, des deux réacteurs en cours de construction à Hinkley Point. Nous pensons en effet qu'on ne peut pas faire supporter par EDF, qui est déjà très endettée, le financement intégral des nouvelles centrales nucléaires. Nous travaillons avec l'État pour trouver des mécanismes de financement alternatifs faisant appel à des financements bancaires via des structures que nous aurons à monter. Nous pourrons nous inspirer de celles qui ont été mises en place en Grande-Bretagne, en particulier dans le domaine du nucléaire mais aussi pour d'autres infrastructures. À la mi-2021, EDF formulera des propositions au Gouvernement sur le nouveau nucléaire.

Vous avez parlé des petits réacteurs modulaires, ce qu'on appelle les small modular reactors (SMR), qui se développent de façon assez désordonnée dans le monde. Récemment, on a assisté au lancement de l'un d'entre eux sur un bateau russe, dérivé d'une technologie militaire. Il existe aussi un projet aux États-Unis, qui sont sans doute, vous avez raison, un peu en avance sur ce que nous faisons en France. Nous travaillons avec le CEA, TechnicAtome et Naval Group sur un projet français de petit réacteur modulaire, mais pas si petit que cela puisqu'il atteindrait 170 mégawatts, de façon à pouvoir tirer les bénéfices de cette petite dimension en termes de sûreté sans aller trop loin. La sûreté est en effet plus facile à gérer dans le cas de chaudières de taille moins importante ; inversement, plus il y a d'objets industriels, plus le pilotage est complexe. Aussi, il est difficilement imaginable d'emboîter 15 ou 20 unités sur un même site. Une phase plus précise doit démarrer à la mi-2019.

Le démantèlement des réacteurs graphite-gaz demande effectivement du temps et nous travaillons avec l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) pour éviter qu'il ne dure des décennies et des décennies, alors même que c'est ce qui se passe ailleurs dans le monde, où la plupart des autorités de sûreté ont décidé d'attendre que la radioactivité de ces réacteurs ait baissé pour engager leur démantèlement. La loi française de 2006, elle, nous oblige à un démantèlement aussi rapide que possible, même si c'est un peu contraire aux lois de la physique...

Le démantèlement des réacteurs à eau pressurisée est non pas plus simple, mais moins lourd et moins long. Le réacteur Chooz A est le premier réacteur français de ce type à être démantelé. Nous sommes en train de démontrer que cela pourra être fait en une vingtaine d'années, sachant que nous en sommes à ce jour à 75 % ou 80 % du processus, lequel devrait être donc achevé à la fin de la prochaine décennie. Nous sommes donc très confiants dans notre capacité à démanteler dans des délais raisonnables les 58 réacteurs qui sont aujourd'hui en service sur le territoire français.

S'agissant du charbon, nous soutenons évidemment le projet Écocombust, même si les obstacles ne sont pas tous levés. L'État nous a demandé d'alimenter un dossier complet sur le site de Cordemais, de façon qu'une décision puisse être prise, le cas échéant, en fin d'année. Il faut étudier les aspects économiques, environnementaux, techniques - en termes de rendement notamment - et réfléchir à la gestion de cette filière d'approvisionnement en bois de récupération, car il ne s'agit pas d'en importer. EDF s'implique fortement, avec la volonté de trouver une bonne solution. Tout dépendra aussi de la façon dont RTE envisage l'utilité d'un tel programme pour les années 2022 à 2026, car ce projet n'a pour nous de sens que s'il se permet de produire de l'électricité pendant au moins quatre ans.

Ayant eu l'occasion, depuis très longtemps, de fermer des installations, nous avons l'habitude de reclasser nos salariés et nous disposons des outils de gestion nécessaires. C'est ce que nous avons encore fait récemment sur un site en Provence et sur un site en région parisienne, et nous nous y préparons à Fessenheim, comme nous devrons peut-être nous y préparer avec le site de production au charbon du Havre. Nous veillons aussi à accompagner l'État dans les contrats de transition écologique.

En matière de maîtrise des coûts, nous avons déjà engrangé près d'un milliard d'euros courants de baisse des coûts ces quatre dernières années - nettement plus en euros constants. C'est un effort de productivité qu'EDF n'avait jamais connu. Pendant longtemps, EDF s'est sentie portée par la croissance du marché de l'électricité ; aujourd'hui, la consommation stagne, et ce depuis la crise financière de 2008. EDF, mais aussi Enedis, ont donc dû s'habituer à réduire leurs coûts, tout en maintenant en particulier le statut des IEG qui est une composante permanente de gestion dans laquelle nous nous inscrivons.

Monsieur Courteau, tout est transparent en ce qui concerne le projet Hercule - qui s'appelle en effet ainsi -, il n'y a pas d'agenda caché. Le Président de la République a demandé à EDF s'il existerait un moyen, ou non, pour optimiser la gestion des actifs et des passifs, et de faire des propositions en ce sens avant la fin de l'année. Différentes solutions sont possibles, mais il est beaucoup trop tôt pour dire si ce travail associant toutes les parties prenantes débouchera ou non sur des évolutions majeures pour EDF. L'objectif central, c'est que nous ayons les moyens, malgré notre dette, malgré la pression sur les tarifs, de réaliser de nombreux investissements. À cet égard, nous sommes très attachés aux investissements d'Enedis dans toutes les régions de France, qui sont importants pour accroître l'efficacité énergétique dans le pays à travers le compteur Linky, qui permet à ses détenteurs d'optimiser leur consommation, et pas seulement à Enedis d'économiser sur la collecte.

Nous réalisons des investissements très importants pour le grand carénage du parc actuel, puisque nous devons prolonger la durée de vie des centrales nucléaires à 50 ans pour certaines et à 60 ans, vraisemblablement, pour d'autres. Nous avons à investir dans les énergies renouvelables, dans les réseaux de chaleur, dans la modernisation de nos systèmes d'information de façon à proposer de meilleures offres numériques à nos clients. Or, la déréglementation mal maîtrisée ne nous permet pas d'assurer cet ensemble d'investissements dans l'organisation actuelle de nos actifs. Nous devons donc voir si une nouvelle organisation de ces actifs permettrait à EDF de mieux jouer son rôle d'investisseur pour la transition énergétique et le pouvoir d'achat des ménages et des entreprises. Nous sommes de loin le premier investisseur privé de France.

La Cour des comptes a noté que, à ses yeux, les salariés d'EDF bénéficient d'un certain nombre d'avantages. Ce statut particulier est historiquement lié aux obligations de service public qui leur incombent. Je n'ai pas mandat pour changer quoi que ce soit sur ce sujet. En revanche, j'ai mandat pour améliorer la productivité autant que possible et je rappelle que nous avons fait 1 milliard d'euros d'économies ces dernières années.

Vous avez évoqué la suggestion que font certains d'un déplafonnement de l'Arenh. Je vous rejoins bien volontiers : nous souhaitons non pas qu'il soit déplafonné, mais qu'il soit supprimé !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion