Intervention de Franck Montaugé

Réunion du 7 mai 2019 à 14h30
Contrôle de l'application et de l'évaluation des lois — Adoption d'une proposition de résolution dans le texte de la commission

Photo de Franck MontaugéFranck Montaugé :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, chers collègues, la proposition de résolution dont nous débattons ce soir marque une étape supplémentaire dans l’approfondissement par notre assemblée du processus de contrôle et d’évaluation des lois que nous votons.

Ce texte s’inscrit dans le prolongement des travaux que nous avions menés, en mars 2018, en présentant deux propositions de loi.

La première d’entre elles était relative à l’amélioration des études d’impact des textes législatifs. Elle avait été amendée en commission ; le texte qui en était résulté était en retrait par rapport aux ambitions initiales. Le débat s’était conclu par un vote, permettant de confier la réalisation des études d’impact à des cabinets indépendants choisis par décret en Conseil d’État. Transmis à l’Assemblée nationale, ce texte n’a pas, à ce jour, été repris par elle.

La seconde proposition de loi prévoyait la création d’un conseil parlementaire d’évaluation des politiques publiques et du bien-être, ainsi que la mise en œuvre d’une démarche scientifiquement structurée d’évaluation des politiques publiques, ouverte à la participation effective des citoyens par des moyens appropriés.

Jugée trop complexe, cette proposition de loi a été renvoyée voilà un an à la commission pour y être rediscutée. Elle ne l’a pas été, et nous avons souhaité, avec Jean-Pierre Sueur, Marc Daunis, Patrick Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain, clore cette séquence de travail sur les fonctions du législateur par une proposition de modification du règlement de notre assemblée. Elle vise à nous permettre d’être plus efficaces dans le contrôle de l’application de la loi et l’évaluation de ses effets et, plus généralement, des politiques publiques, comme nous y enjoint l’article 24 de la Constitution de la Ve République.

En effet, si le Parlement contrôle et évalue les politiques publiques de différentes manières, grâce notamment à l’instauration d’un espace réservé dans l’ordre du jour, à la possibilité de procéder à des contrôles « sur pièces et sur place », à l’institution de commissions d’enquête sur des sujets donnés et aux questions posées aux membres du Gouvernement, le contrôle de l’application des lois votées et promulguées peut être amélioré.

Il est ainsi fréquent que les décrets et autres textes réglementaires nécessaires à l’application effective des lois soient publiés très tardivement ; parfois, ils ne le sont même pas du tout.

Qu’en est-il, par ailleurs, de l’application sur le terrain, dans les territoires, de lois dont l’esprit initial, tel que voulu par le législateur, s’est transformé et a parfois été perdu en chemin, dans la chaîne administrative des interprétations ?

Cet état de choses n’est pas acceptable, puisque la loi votée s’impose à toutes et à tous et qu’elle doit pouvoir s’appliquer dans des délais rapides dès lors qu’elle a été promulguée.

Notre proposition de résolution initiale visait à compléter l’article 19 de notre règlement afin de confier au rapporteur d’un projet ou d’une proposition de loi la responsabilité d’assurer le suivi de son application une fois le texte promulgué, en présentant chaque année devant la commission saisie au fond, sous forme écrite et orale, une communication dressant l’état de la mise en application de la loi promulguée, notamment de la publication de ses textes d’application. Nous proposions donc l’instauration d’un droit de suite au bénéfice du rapporteur d’un projet ou d’une proposition de loi.

Sur le rapport de M. Philippe Bonnecarrère, dont je veux ici souligner la qualité du travail et la cordialité et que je remercie de m’avoir permis de participer aux auditions, la commission des lois a jugé que la création de ce droit de suite serait bienvenue, qu’il renforcerait utilement le suivi de l’application des lois, mais qu’il devait être assoupli. Sur ce point, les dispositions retenues par la commission des lois ne dénaturent pas la proposition de résolution initiale.

Dès lors, si nous en décidons ainsi aujourd’hui, le rapporteur sera chargé de suivre l’application de la loi après sa promulgation et jusqu’au renouvellement du Sénat. Il pourra être confirmé dans ces fonctions à l’issue du renouvellement, s’il est toujours sénateur. Les commissions permanentes pourront si nécessaire désigner, dans les mêmes conditions, un autre rapporteur à cette fin. Dans le cas d’un texte examiné par une commission spéciale, les commissions permanentes pourront désigner, toujours dans les mêmes conditions, un rapporteur pour assurer le suivi de l’application des dispositions relevant de leur domaine de compétence.

Pour ce qui est de la mission d’évaluation des politiques publiques, notre position initiale n’a en revanche pas pu être conciliée avec celle de la commission.

Nous proposions de faire figurer de manière explicite la notion d’« évaluation de la loi » dans notre règlement, dans le prolongement de la référence au « suivi de l’application de la loi ».

La commission a jugé que le Parlement dispose d’une mission plus large d’évaluation des politiques publiques, qui relève déjà des commissions permanentes. C’est indéniable, mais qu’en fait-on en pratique ?

Que l’évaluation des politiques publiques se distingue du suivi de l’application des lois, cela est certain. Reconnaissons qu’en toute logique on peut difficilement faire de l’évaluation sans en passer d’abord par un bilan de l’application des lois.

La commission fonde aussi sa position sur le fait que l’évaluation est plus exigeante, qu’elle demande davantage de recul, qu’elle s’inscrit dans une démarche collective nécessitant la planification et la mobilisation de moyens spécifiques, et que si le rapporteur du projet ou de la proposition de loi peut y participer, il peut difficilement en être le seul acteur.

Je suis tout à fait d’accord avec ces remarques. C’était d’ailleurs bien le sens de la proposition de loi qui a été renvoyée il y a un an à la commission : elle visait à définir un cadre, un dispositif, un processus d’évaluation des politiques publiques, et non pas seulement – je tiens à le préciser – des lois.

Il est vrai que de nombreuses réflexions sont en cours en vue de renforcer les capacités d’évaluation du Parlement. Certains prétendent qu’une diminution de 20 % à 30 % du nombre de parlementaires permettra de mieux répondre aux exigences constitutionnelles actuelles !

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