Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 7 mai 2019 à 14h30
Contrôle de l'application et de l'évaluation des lois — Adoption d'une proposition de résolution dans le texte de la commission

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, il est un souvenir qui restera longtemps en ma mémoire. En 2004, j’ai présenté un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale. Cela faisait suite à une demande formulée bien des années auparavant, alors que j’étais député, par des femmes dont les mères s’étaient vu prescrire du Distilbène, alors même que ce médicament avait été interdit deux ou trois années plus tôt aux États-Unis et qu’il présentait à l’évidence des dangers. Contre l’avis du Gouvernement, le Sénat a adopté cet amendement, qui visait à permettre à ces femmes de bénéficier d’une grossesse aménagée. Ces dispositions ont ensuite également été adoptées par l’Assemblée nationale.

L’association constituée par ces femmes s’est félicitée du vote de cette mesure, attendue depuis longtemps, mais, entre la promulgation de la loi de financement de la sécurité sociale et la parution du second décret d’application – deux décrets étaient nécessaires, l’un pour le régime général, l’autre pour la fonction publique –, il s’est écoulé exactement cinq ans, six mois et quatorze jours. Les femmes qui s’étaient réjouies de l’adoption de cette disposition en sont venues à se demander si l’on attendait, pour prendre les décrets, qu’elles soient trop âgées pour pouvoir en bénéficier…

J’ai multiplié les démarches : questions de toute nature, interventions en séance auprès des ministres, visites dans les ministères, etc. Il a néanmoins fallu cinq ans, six mois et quatorze jours pour que les décrets d’application paraissent. C’est tout à fait inacceptable. Il est paradoxal que tout ministre ait la latitude de ne pas appliquer la loi : il suffit pour cela qu’il s’abstienne de publier les décrets d’application. Certes, on peut former des recours devant le Conseil d’État, mais la procédure est complexe, et ces retards, parfois considérables, dans la parution des décrets sont un véritable problème. Nous nous félicitons de voter des lois, mais quand il faut autant de temps pour qu’elles puissent être appliquées, cela relève d’une forme de tromperie et la République se trouve en quelque sorte bafouée.

Je remercie notre collègue Franck Montaugé d’avoir été à l’initiative du dépôt de cette proposition de résolution, à la rédaction de laquelle j’ai participé et dont les dispositions concernaient à la fois l’application et l’évaluation de la loi. M. le rapporteur Philippe Bonnecarrère a expliqué que, si la question de l’évaluation était essentielle, nous avions choisi, après débat entre nous, de limiter le champ de ce texte au contrôle de l’application des lois. Cela n’est pas rien, comme en témoigne l’exemple que je viens de donner, qui me semble édifiant. Nous reviendrons sur le sujet de l’évaluation à la faveur de la révision constitutionnelle.

On pourrait proposer d’autres modalités, mais c’est à mon sens une bonne idée que de procéder à la vérification de l’application des lois en commission. Le rapporteur sera chargé de veiller à la parution des textes d’application : si, au bout d’un délai d’un an après le vote de la loi, par exemple, il constate que tous les décrets n’ont pas été pris, il pourra saisir le président de la commission, qui ne manquera pas, le cas échéant, d’inviter le ministre compétent à venir s’expliquer devant la commission. Je pense que cela aura un effet.

Comme notre collègue Alain Richard, je pense que la semaine de contrôle n’est pas du tout efficace. En général, les débats ne débouchent pas sur un vote et n’ont guère de suites. C’est pourquoi je préférerais que notre temps de travail soit partagé, de sorte qu’il soit consacré pour deux tiers à l’examen de projets de loi et pour un tiers à la discussion de propositions de loi, le contrôle relevant des commissions d’enquête parlementaires, des missions d’information et de l’application par les commissions permanentes de dispositions comme celles que nous allons, je l’espère, adopter. Ce sera un pas, mes chers collègues, vers une meilleure application des lois, au service de tous nos concitoyens.

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