Intervention de Marie Rabatel

Mission commune d'information Répression infractions sexuelles sur mineurs — Réunion du 7 mai 2019 à 14h15
Audition de mmes marie rabatel cofondatrice et présidente de l'association francophone de femmes autistes affa et muriel salmona psychiatre psychotraumatologue présidente de l'association « mémoire traumatique et victimologie »

Marie Rabatel, cofondatrice et présidente de l'Association francophone de femmes autistes (AFFA) :

Merci de votre invitation pour parler de ce sujet sur lequel règne une véritable omerta.

Notre association a différents objectifs, le principal étant la défense de nos droits en tant que femmes, ce que nous sommes avant d'être des personnes handicapées ou autistes. C'est un peu compliqué dans la communauté du handicap. Pareillement, dans nos relations avec les associations de femmes, les femmes handicapées sont un peu laissées de côté.

Autres combats : le placement abusif des mamans autistes, ainsi que le combat contre les violences sexuelles et la maltraitance. Il faut savoir que 88 % des femmes autistes ont été victimes de violences sexuelles, 51 % ont vécu un viol, 31 % avant l'âge de 9 ans.

Comment évaluer l'ampleur des agressions sexuelles contre les mineurs en situation de handicap ? Certains profils sont plus touchés que d'autres. Un enfant handicapé à quatre fois plus de « chances » d'être victimes de violences sexuelles qu'un enfant qui ne l'est pas. Les enfants aveugles, malentendants, ceux qui s'inscrivent dans le spectre de l'autisme, les déficients intellectuels et ceux qui sont atteints d'un trouble de communication sociale sont plus touchés que les autres.

Le fait qu'une seule des associations que vous avez invitées ait accepté de venir montre à quel point les violences sexuelles dans le monde du handicap restent une question taboue.

Il est impossible de donner des chiffres. Quand les enfants s'expriment, verbalement ou corporellement, ils ne sont ni écoutés ni entendus, pas plus que leurs parents quand ils dénoncent les faits se produisant dans des institutions. Les parents sont les otages des institutions : quand ils dénoncent les violences subies par leurs enfants, on leur fait comprendre qu'ils doivent s'estimer heureux que ceux-ci y soient accueillis et qu'ils ne peuvent pas porter plainte. Quand ils le font, ces parents font l'objet d'un signalement préoccupant de l'aide sociale à l'enfance (ASE).

De nombreux parents et professionnels nous ont alertés sur cette stratégie, qu'on retrouve dans toutes les institutions : elles se protègent au lieu de protéger les enfants qu'elles accueillent. Le résultat, c'est que ces enfants restent en contact constant avec leurs agresseurs. Or le but de ces enfants, c'est de gagner en autonomie selon leurs compétences et leurs capacités. Si les conséquences des viols que ces enfants subissent ne sont pas prises en compte, leur handicap et leur dépendance ne peuvent que s'accroître.

Quand les parents décident de retirer leur enfant de l'une de ces institutions, l'ASE va leur reprocher de priver celui-ci de scolarité. Ils sont donc contraints de recourir au Centre national d'enseignement à distance (CNED) pour éviter qu'on le leur retire. C'est le monde à l'envers : on reproche aux parents de protéger leur enfant !

Ces enfants ne sont pas non plus entendus par la justice. Dans le cas d'un dépôt de plainte, il arrive que l'enfant soit filmé sur le lieu même où il a été agressé ; il est dès lors compliqué pour lui d'exprimer quoi que ce soit. De même, lorsqu'un enfant été victime de cyberpédocriminalité, cela peut susciter en lui de profonds troubles du comportement.

Un enfant, autiste ou non, n'est pas en capacité de mentir ou de tricher. Un enfant autiste, quant à lui, éprouvera des difficultés dans sa communication sociale. Il comprendra difficilement ce qu'on lui demande, ce qui est bien, ce qui n'est pas bien, ce qu'on lui fait.

Ce qui augmente la vulnérabilité de ces enfants handicapés, c'est qu'ils sont constamment accompagnés par des personnes extérieures à leur famille. En particulier, ils sont amenés à emprunter différents modes de transport - véhicule sanitaire léger, taxi - pour se rendre chez leur thérapeute, et de nombreux parents nous ont informés que leurs enfants leur avaient relaté des actes qu'ils avaient subis au cours de ces transports. On pourrait faire les mêmes remarques s'agissant des prestataires intervenant à domicile.

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