Intervention de Muriel Salmona

Mission commune d'information Répression infractions sexuelles sur mineurs — Réunion du 7 mai 2019 à 14h15
Audition de mmes marie rabatel cofondatrice et présidente de l'association francophone de femmes autistes affa et muriel salmona psychiatre psychotraumatologue présidente de l'association « mémoire traumatique et victimologie »

Muriel Salmona, psychotraumatologue, présidente de l'association « Mémoire traumatique et victimologie » :

psychiatre, psychotraumatologue, présidente de l'association « Mémoire traumatique et victimologie ». - Avec mon association, cela fait très longtemps que nous travaillons sur la problématique violence et handicap. Au départ, nous avons beaucoup collaboré avec notre regrettée Maudy Piot. Puis notre rencontre avec Marie Rabatel nous a conduits à cette prise de conscience relative à l'autisme.

Il existe une possibilité de confusion très importante entre les troubles psychotraumatiques et les troubles autistiques : le dépistage, la prise en compte de la parole des personnes autistes et leur prise en charge en sera d'autant plus difficile.

Selon les chiffres d'une enquête publiée en 2018, en une année, 0,8 % des personnes subissent des violences sexuelles - viol, agression sexuelle, harcèlement sexuel. Le risque est multiplié par deux pour les personnes atteintes d'un handicap non mental et par six pour les femmes présentant un handicap mental.

Le risque de discrimination et de harcèlement sexuel est aussi particulièrement important en stage et dans les phases d'accompagnement à l'emploi, surtout pour les personnes en situation de handicap.

Voilà quelques années, mon association avait publié les résultats d'une enquête sur les représentations des Françaises et des Français concernant les violences sexuelles. Nous avons refait la même enquête trois ans plus tard après la vague #MeeToo, pour nous apercevoir que les stéréotypes restaient très présents. Une proportion plus importante de sondés estime que les victimes peuvent accuser à tort et méconnaît que ce sont les enfants, en particulier les enfants porteurs d'un handicap, qui sont les principales victimes des violences sexuelles.

Je veux également insister sur les spécificités de l'accompagnement des enfants en situation de handicap en matière de prévention, de dépistage, de prise en charge, de soins. Il faut savoir comment fonctionne un enfant, une personne en situation de handicap, une personne ayant un fonctionnement autistique, très spécifique, et une personne traumatisée. Les protocoles d'audition sont élaborés selon le mode de fonctionnement d'un enfant : mémoire, capacité d'élaboration, de compréhension, rapport au mensonge. Or ils sont inadaptés aux enfants lourdement handicapés et aux enfants ayant subi des troubles psychotraumatiques. De fait, dans le cas de ces enfants, ces auditions ne sont pas utilisables et c'est ce qui explique que 74 % des dossiers sont classés sans suite.

Nous avons reçu beaucoup de témoignages sur des faits qui se sont produits au cours des transports. Effectivement, les employeurs n'ont pas connaissance d'éventuelles condamnations de leurs salariés.

Il faudrait absolument pouvoir mener des enquêtes, à l'image de l'enquête que nous avions faite sur les conséquences des violences sexuelles sur les mineurs devenus adultes, pour poser des questions spécifiques à la fois aux personnes ayant subi des violences, mais également à leur entourage et aux personnes ayant accompagné ces enfants. Le problème de la plupart des enquêtes, c'est qu'elles ne touchent pas les personnes les plus lourdement handicapées : les autistes non verbaux, les personnes placées en institution, etc. Il faut absolument connaître les stratégies des agresseurs, où ils agissent. Plus il y a d'intervenants, plus le risque est important.

Je veux moi aussi souligner que la prise en charge est inadaptée dans la quasi-totalité des cas. Les troubles psychotraumatiques qui se présentent comme des troubles du comportement, par exemple des troubles phobiques, des troubles compulsionnels, seront attribués au handicap ou considérés comme des troubles autistiques. Il faudrait un dépistage systématique. Déjà, les enfants en général sont très dépendants du rapport émotionnel avec les gens qui les entourent : ils parleront de ce qu'ils ont vécu à telle personne, mais pas à telle autre. C'est pourquoi il faut que chaque intervenant soit à même de retranscrire les paroles de l'enfant ou d'interpréter son comportement et que les personnes qui ont procédé au signalement soient informées des suites qui y ont été données. Je le constate lorsque je forme des professionnels : faute d'être informés, ils ne se sentent pas légitimes pour intervenir directement auprès du procureur, si besoin est.

S'agissant plus particulièrement des enfants les plus vulnérables, les médecins devraient être obligés de faire les signalements.

La prévention passe aussi par l'éducation de l'enfant, qui doit disposer des outils - du papier, des images, des vidéos - et des mots pour s'exprimer, qui doit savoir qu'il peut être entendu. Ce qui me paraît essentiel pour toucher un maximum d'enfants, c'est la multiplicité des supports, lesquels ne seront jamais assez nombreux. Par exemple, pour un enfant qui aurait été filmé ou photographié pendant qu'il subissait des violences sexuelles, il faut avoir idée de ce que représente une audition filmée ! Autre exemple : un enfant ayant des troubles de la sphère autistique à qui l'on demandait si on lui avait retiré son pantalon répondit par la négative ; en réalité, on ne le lui avait que baissé !

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