Intervention de Sébastien Lecornu

Réunion du 9 mai 2019 à 14h30
Synergies entre les conseils municipaux et communautaires — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Sébastien Lecornu :

Je disais à M. Buffet que deux mouvements ont émergé ces dix ou quinze dernières années.

Le premier était culturel : il a démarré au milieu du quinquennat de Nicolas Sarkozy, puis a prospéré au cours du précédent quinquennat – nous aurions d’ailleurs pu être tentés de nous inscrire dans cette continuité. Comme je le disais tout à l’heure à la tribune, ce mouvement correspondait à ce goût pour tout ce qui est grand : on partait du principe que plus les cantons, les intercommunalités et, évidemment, les régions – c’est l’exemple à mon avis le plus saisissant – grandiraient ou grossiraient, plus ils seraient forts.

Eh bien non ! La culture française, notamment en milieu rural, l’attachement à un bassin de vie et à certains critères géographiques sont extraordinairement importants.

Le second mouvement est le consensus concernant l’intercommunalité de projets : sur un territoire donné, on s’accordait sur de grandes priorités et les élus se mettaient d’accord. Pierre-Yves Collombat a raison, il y avait une majorité et une minorité, mais c’est la démocratie. Puis l’intercommunalité s’est transformée en quelque chose de très fédératif – au sens intégratif –, mimant en quelque sorte les communes.

Or le système démocratique et la gouvernance démocratique ne sont pas les mêmes. Cela a posé des problèmes de scrutin, mais aussi de financements. Nous en revenons aux discussions que nous avons eues dans cet hémicycle au moment de l’examen du projet de loi de finances, concernant les calculs des dotations de l’État pour le bloc intercommunal et la péréquation entre intercommunalités.

Je me mets souvent en colère quand j’entends dire que les dotations de l’État baissent. Non, l’enveloppe de 27 milliards d’euros ne diminue plus ; en revanche, les notifications des attributions individuelles continuent de bouger pour certaines collectivités tout simplement en raison de la péréquation qui repose sur des critères de potentiel fiscal et de richesse. Qu’est-ce qui fait évoluer ces critères ? C’est bien souvent le découpage des intercommunalités. Cette affaire, comme celle de la poule et de l’œuf, n’est pas évidente.

Telle est la grande question qui, au-delà de la discussion de cet après-midi, va devoir nous guider : quel sera fondamentalement notre goût dans les années qui viennent pour l’intercommunalité, partant de la métropole du Grand Paris jusqu’à la communauté de communes la plus rurale, y compris située en outre-mer ? J’en ai parlé au président Larcher récemment, et ce sujet devra animer nos débats pour faire un peu de doctrine – au bon sens du terme – sur ce qu’est l’intercommunalité, faute de quoi on n’arrêtera pas de corriger la situation à la marge sans pour autant faire preuve de beaucoup de cohérence.

Monsieur Marie, sur l’opportunité des seuils, je vous le dis avec beaucoup de libéralisme tocquevillien, nous pourrons avoir ce débat dans cet hémicycle.

Cela étant, l’apparition de la métropole de Lyon dans ce véhicule législatif n’est pas le fait du Gouvernement. Vous vous émouvez en disant avec talent qu’il est tout de même curieux que les sénateurs déposent beaucoup de propositions de loi relatives aux collectivités territoriales, en attendant que le Gouvernement dépose un grand projet de loi.

Mais je suis à la disposition du Sénat pour examiner les initiatives de ses membres, comme je l’ai fait pour celle de Mme Gatel et comme je le fais cet après-midi pour celle d’Alain Marc.

Je suis d’accord avec Mme Gatel, tout ce qui peut être corrigé doit l’être en temps utile. Comment expliquer à un maire de l’Eure qu’une idée géniale soutenue par tel ou tel sénateur, bien qu’il n’appartienne pas à ma famille politique, doit être éconduite en attendant un texte forcément génial parce qu’il émanera du Gouvernement ? Ce n’est pas ma vision du pragmatisme local ou territorial !

Vous avez adopté, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi de Mme Gatel, qui avait recueilli un avis plus que favorable du Gouvernement ; elle sera présentée à l’Assemblée nationale au mois de juillet. Tout à l’heure, certains d’entre vous ont exprimé une certaine impatience. Mais ne faisons pas de politique politicienne sur ces sujets. L’essentiel, pour un maire d’une commune nouvelle, c’est que le système fonctionne au mois de mars 2020, date des prochaines élections municipales. Ne confondons pas vitesse et précipitation, et soyons pragmatiques !

Monsieur le sénateur, y aura-t-il un grand projet de loi relatif aux questions territoriales ?

Le Président de la République a annoncé un acte nouveau de décentralisation, je vous ai confirmé à la tribune qu’il fallait revoir les irritants de la loi NOTRe ou en tout cas adapter ce texte concernant certains aspects du couple commune-intercommunalité – nous allons commencer cet après-midi – et du couple département-région sur lequel, à mon avis, on doit pouvoir réinventer un beau principe de subsidiarité. Et n’oublions pas les questions liées aux métropoles et au statut de l’élu, même si, cela a été dit à l’instant par M. Lefèvre, tout ne relève pas de la loi. Beaucoup de choses vont dépendre du pouvoir réglementaire, du Gouvernement – j’aurai l’occasion de m’exprimer de nouveau devant vous sur le sujet.

Oui, nous prévoyons un véhicule législatif spécifique relatif aux questions territoriales. Mais n’attendons pas pour trouver dès maintenant un consensus sur un certain nombre de sujets de bon sens, ce qui nous permettra d’avancer et de faire prospérer légitimement nos idées dans les semaines à venir.

Cela étant, j’ai un point de désaccord avec vous, monsieur Marie. Vous avez dit – il faut toujours citer les grands auteurs ! : « Laissons ces lois [NOTRe et Maptam] produire tous leurs effets. » Je considère que nombre de maires ont désormais une vague idée des effets de ces lois.

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