Intervention de Sébastien Lecornu

Réunion du 9 mai 2019 à 14h30
Mécénat territorial au service des projets de proximité — Débat organisé à la demande du groupe les indépendants – république et territoires

Sébastien Lecornu :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais également raccourcir mon intervention, tout en essayant d’être le plus complet possible.

Je me félicite de ce que le groupe présidé par M. Malhuret soulève la question du mécénat territorial – donc, au fond, celle du financement des projets d’intérêt général.

Ce sujet est particulièrement sensible dans le contexte actuel de la rénovation de Notre-Dame de Paris, qui ne saurait toutefois résumer à elle seule l’action de l’État et des collectivités territoriales en la matière.

J’ai accompagné le Président de la République dans sa grande consultation des maires : j’ai pu constater, une fois de plus, à quel point les questions de proximité et d’enracinement sont au cœur des préoccupations des citoyens et des élus locaux, dans le contexte, qui vient d’être rappelé, de course au gigantisme, aux grands cantons et aux grandes régions – course que j’ai personnellement combattue à l’époque, comme élu local.

Le mécénat territorial fait indéniablement partie des solutions à développer. Je concentrerai mon intervention sur le patrimoine, car il s’agit du premier défi auquel sont confrontées les collectivités territoriales, mais il y en a évidemment bien d’autres.

Au fond, qu’est-ce que le mécénat territorial, notion qui n’a pas de définition juridique ? Il s’agit d’un dispositif fondamentalement interministériel, piloté au ministère de la culture, mais aussi au ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, et surtout à Bercy, compte tenu des montants en jeu – j’y reviendrai.

Le mécénat territorial revêt, avant tout, une dimension de compétences : il s’agit de savoir comment mobiliser des ressources humaines d’entreprises, de particuliers ou d’autres collectivités au service de projets d’intérêt général.

Ensuite, le mécénat territorial revêt une dimension financière : comment réussir à lever des fonds privés et à les associer à des fonds publics au service de projets d’intérêt général sur les territoires ?

Qu’est-ce qui explique le recours au mécénat territorial ?

Premier constat : il a été encouragé ces dernières années par l’ampleur du chantier de rénovation à conduire. En effet, la France compte des centaines de milliers de bâtiments dignes d’intérêt. La rénovation de ces bâtiments est cyclique, et les besoins ne cessent de s’accroître.

Les ministères sont de longue date impliqués aux côtés des collectivités territoriales, propriétaires de la moitié des 44 000 immeubles historiques protégés, dans l’effort de rénovation du patrimoine.

Deuxième constat : la baisse de la DGF entre 2013 et 2017 a encouragé le recours au mécénat territorial. Comme M. Malhuret l’a signalé à juste titre, cette dotation a connu une forte baisse sous le quinquennat précédent, de 11, 8 milliards d’euros, selon la Cour des comptes. Parallèlement, la fiscalité locale a augmenté de 18 milliards d’euros, ce qui a pu accroître les disparités territoriales, selon que les collectivités territoriales pouvaient ou non augmenter leurs taux.

Depuis 2017, les dotations de l’État aux collectivités territoriales sont stables ; mais il y a bel et bien un besoin de financement.

C’est pourquoi le Gouvernement, dans toutes ses composantes ministérielles, a engagé des actions fortes en faveur du mécénat territorial, notamment sur le plan financier.

D’abord, nous soutenons l’investissement local, grâce aux mesures que vous avez votées dans le dernier projet de loi de finances. Le Gouvernement maintient à leur plus haut niveau les dotations de soutien, essentiellement destinées aux territoires ruraux, à hauteur de près de 2 milliards d’euros par an. La dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, a ainsi augmenté de 400 millions d’euros par rapport à 2014, pour dépasser 1 milliard d’euros en 2019.

Parallèlement, nous avons pérennisé la dotation de soutien à l’investissement local, la DSIL, qui atteindra 570 millions d’euros cette année, alors qu’elle était au départ exceptionnelle, destinée à pallier la baisse de la DGF, qui a aujourd’hui cessé.

La dynamique de l’investissement local est bonne, notamment parce que nous sommes en fin de cycle de mandat : l’investissement local s’est redressé en 2017, après trois années de baisse.

Ensuite, le ministère de la culture a également mobilisé des moyens importants et entrepris des actions innovantes.

La mobilisation de plus de 300 millions d’euros chaque année par ce ministère en faveur de la conservation des monuments historiques correspond à une augmentation de 5 %.

Le loto du patrimoine, piloté par Stéphane Bern, a été un succès, avec 20 à 25 millions d’euros de fonds récoltés supplémentaires. Il s’ajoute à de nombreuses initiatives innovantes, comme le financement participatif. En 2018, le comité de sélection a retenu 269 édifices appartenant surtout à des propriétaires publics. La répartition géographique des projets sur l’ensemble du territoire a été prise en compte, de même que la diversité des patrimoines : édifices religieux, châteaux, patrimoine agricole et vernaculaire, patrimoine industriel. La Française des jeux mobilise à nouveau ses équipes cette année pour renouveler ce succès.

De plus, le ministère de la culture a mis en place, via les DRAC, des pôles régionaux du mécénat, guichets de mise en contact direct des mécènes et des porteurs de projets.

Enfin, le ministère de l’économie et des finances a établi un cadre financier et fiscal stable et incitatif en faveur du mécénat.

La loi de 2003 dite Aillagon a permis un développement sans précédent du mécénat dans notre pays, en introduisant des déductions fiscales élevées : 66 % pour les particuliers, 60 % pour les entreprises. Le cadre français est ainsi le plus avantageux d’Europe.

L’élan de générosité des entreprises comme des particuliers auquel on assiste depuis l’incendie qui a gravement endommagé la cathédrale Notre-Dame de Paris en est une des manifestations les plus éclatantes. À un événement d’exception, nous avons répondu par un dispositif d’exception.

En 2017, quelque 3, 8 milliards d’euros de dons représentant 2, 4 milliards d’euros de déductions fiscales ont été versés par 68 390 entreprises et plus de 5 millions de particuliers. Le montant des dons a augmenté de 380 % depuis 2004 : il représentait alors 1 milliard d’euros.

Ce mouvement devrait se poursuivre avec la modification du plafond de défiscalisation dans la loi de finances de 2019, qui encouragera le mécénat d’entreprises, notamment des TPE et des PME, une mesure attendue de longue date, et avec l’élargissement du statut social de l’entreprise au sein du projet de loi Pacte, le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises.

Le rapport de la Cour des comptes sur le soutien public au mécénat des entreprises, établi à la demande du président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, a été remis en novembre dernier.

Des réflexions sont en cours sur ces dispositifs, sur la base de ce rapport. Toutefois, la position du Gouvernement est de veiller à ne pas introduire de modifications fiscales majeures dans un dispositif qui a fait ses preuves et qui continuera à faire ses preuves.

Enfin, des réflexions sont engagées pour favoriser le mécénat de compétences, car de trop nombreux freins existent encore. Même si celui-ci est encadré par le droit européen de la concurrence, nous pouvons probablement apporter plus de souplesse au cadre existant.

Nous pouvons, par exemple, aller plus loin en permettant plus facilement à un citoyen bénévole de s’investir dans un projet d’intérêt général, à l’image des journées citoyennes organisées dans un certain nombre de territoires. Nous pouvons aussi aller plus loin dans l’assistance technique ou l’exercice en commun de compétences entre les collectivités. Sur ce point, je communiquerai d’ici à la fin du mois un guide des mutualisations. Nous pouvons enfin aller plus loin en favorisant le mécénat de compétences de la part d’entreprises privées.

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