Merci de votre invitation grâce à laquelle je peux présenter une partie des recherches que je mène avec d'autres économistes.
Il convient de dépassionner le débat. Vous avez évoqué la gratuité totale des réseaux de transports collectifs, qui concernera bientôt 37 villes en France et une centaine dans le monde, dont une quarantaine aux États-Unis, pays plutôt libéral. Il existe en France de nombreuses gratuités partielles. Quasiment tous les réseaux de transports publics français offrent au moins une gratuité, qu'elle soit par public : pour les jeunes, les seniors, les personnes en difficulté sociale ; par ligne : vers la plage à Perpignan, les bus de nuit à Clermont-Ferrand ; pour des événements : la Fête des Lumières à Lyon. Différentes formes de gratuité sont possibles selon les réseaux et les territoires.
Cette mesure n'a pas de couleur partisane, même si le parti communiste en fait une revendication nationale. À l'échelle locale, elle est soutenue par des maires de différents courants, comme, historiquement, la droite à Compiègne, Châteauroux et Aubagne, le Front de gauche, historiquement, à Aubagne, le centre-gauche à Dunkerque ou le centre-droit à Niort. Il faut aussi faire un pas de côté. Les élus qui mettent en place ce dispositif le font pour beaucoup de raisons différentes, parfois sociales, pour que certains habitants retrouvent une mobilité ou une activité ; parfois économiques, pour rendre le centre-ville plus attractif ou redistribuer du pouvoir d'achat ; parfois environnementales, pour lutter contre la pollution de l'air et inciter les automobilistes à se tourner vers les transports collectifs. Cette question doit être évaluée comme une politique globale avec des attendus sociaux, économiques et environnementaux.
En tant que chercheur, ce qui m'importe, c'est de faire preuve de prudence et d'humilité. Lorsque j'ai commencé à travailler sur ce sujet, en 2012, j'ai réalisé que très peu de recherches scientifiques lui avaient été consacrées jusqu'ici en France. Nous avons eu la chance d'être sollicités par l'agence d'urbanisme de Dunkerque pour analyser la mise en place de la gratuité le week-end, puis tous les jours. Mais les conclusions que l'on peut tirer d'un cas précis sont difficilement généralisables. Il faut développer une approche très territoriale et évaluer les dispositifs d'un point de vue local. Certains éléments de bilan ne peuvent être compris qu'à l'échelle d'un territoire.