Dans un bus gratuit, c'est l'égalité pour tous, le fils du notaire comme celui du chômeur. Il existe peu d'endroits qui offrent l'égalité parfaite. Cette question est liée à notre idée de la République. C'est un choix de société.
Le mot de mésusage est pour moi très problématique. Qu'est-ce qu'un mésusage ? À Aubagne, j'ai discuté dans le bus avec une dame qui allait faire de grosses courses une fois par mois à l'hypermarché avant la gratuité et qui désormais allait effectuer ses achats tous les jours en bus. Est-ce un mésusage ? Un gamin qui prend le bus parce qu'il fait froid au lieu de marcher fait-il un mésusage ? Je ne me sens personnellement pas la vocation de dire à chacun comment il doit se comporter. Avant le dézonage en Île-de-France, certains marchaient deux kilomètres pour prendre les transports à partir d'une zone plus proche de la capitale, pour payer moins cher. Certes, ils marchent désormais moins. Mais ce n'est pas le problème du riche, qui s'en fiche. C'est toujours sur les mêmes que ça tombe. Une question de nature sociale est posée. À Aubagne, la gratuité engendre 60 euros d'économies chaque mois pour une famille de quatre ou cinq personnes.
Quant aux autres gratuités, elles relèvent en effet d'un choix. On choisit de développer les zones d'égalité à tel ou tel endroit. Plusieurs villes ont introduit de la gratuité dans la gestion de l'eau, selon qu'elle sert à boire ou à remplir sa piscine. Le quota d'eau indispensable à l'existence est gratuit.
Une autre gratuité très belle est celle des obsèques. C'est terrible, lors d'un deuil, de devoir choisir des prestations. Là, votre communauté vous dit qu'elle gère les questions pratiques et vous incite à vous occuper de votre peine et de celle de vos proches.