Le projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé s'inscrit dans le cadre d'une réforme plus globale visant à restructurer notre système de santé. Je mesure évidemment les attentes, qui sont nombreuses. La stratégie globale que nous proposons doit transformer les modes d'organisation, les modes de financement, la formation et les conditions d'exercice des professionnels, afin de garantir et d'améliorer l'accès à des soins de qualité pour tous et dans tous les territoires.
S'il demeure, par bien des aspects, synonyme d'excellence, notre système de santé est confronté à des défis structurels qui nécessitent une évolution profonde. J'entends les patients qui font mention de délais d'attente pour obtenir un rendez-vous, de difficultés d'accès à un médecin traitant ou même aux soins dans certains territoires.
J'entends également les professionnels de santé qui font état de la lourdeur des charges administratives, de la multiplication, parfois non pertinente, de certains actes, du manque de temps dédié à la personne malade, de la faiblesse des évolutions professionnelles ou du manque de reconnaissance de leur implication dans leurs évaluations.
Enfin, j'ai pu constater que notre organisation et nos modes de financement ne valorisent ni la pertinence et la qualité des pratiques ni la coopération entre les acteurs de santé. Nous sommes face à un système de soins trop cloisonné entre ville, hôpital et médico-social, entre public et privé. Nous sommes face à un système qui ne permet pas la fluidité des parcours, la coordination entre professionnels, la qualité et la prévention. Notre stratégie s'articule donc en trois axes : offrir une meilleure qualité des prises en charge en plaçant l'usager au coeur du dispositif, permettre une offre mieux structurée pour renforcer l'accès aux soins par un maillage territorial de proximité et repenser les métiers, les modes d'exercice, les pratiques professionnelles pour être en phase avec les besoins de santé de nos concitoyens et avec les attentes des professionnels.
Néanmoins, je le redis, notre action ne se réduit pas à ce seul projet de loi. Celui-ci sera complété d'une réforme profonde du mode de financement s'appuyant sur le rapport de la mission de Jean-Marc Aubert, qui est le directeur de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques de mon ministère. D'autres leviers réglementaires, conventionnels ou financiers, mais aussi d'animation territoriale et d'appui aux acteurs, viendront prolonger la loi, comme la mise en place de 400 postes de médecins généralistes salariés dans les territoires les plus en difficulté.
Nous déployons, en parallèle de la loi, les assistants médicaux, qui devraient permettre de dégager rapidement du temps médical pour que les médecins puissent soigner un plus grand nombre de patients et mieux les accompagner.
En matière d'organisation, je pense aussi au développement des communautés professionnelles territoriales de santé, qui permettront une meilleure coordination de tous les professionnels de santé sur un territoire pour améliorer l'accès aux soins de la population.
Avant de m'exprimer sur le contenu du projet de loi, je voudrais également dire quelques mots des ordonnances dont je sais qu'elles peuvent susciter quelques interrogations, voire de l'agacement. En raison du calendrier, un certain nombre de modifications législatives prennent la forme d'habilitation à légiférer par voie d'ordonnances. Ces ordonnances doivent permettre de construire, avec l'ensemble des acteurs, un modèle robuste et durable. C'est donc un choix assumé par le Gouvernement, qui veut disposer de temps pour la concertation et mener une réforme dont notre système a fondamentalement besoin.
Comme je m'y étais engagée, l'avancée de ces concertations permet au Gouvernement de soumettre à l'examen de votre commission un amendement transcrivant dans le projet de loi les missions des hôpitaux de proximité. Ce thème devait initialement être défini par des ordonnances. Nous avons également inscrit dans le projet de loi le point relatif à l'Agence régionale de santé de Mayotte, qui devait également relever d'une ordonnance.
Je tiendrai un autre engagement, celui d'associer étroitement les parlementaires. J'ai exprimé, en effet, le souhait de présenter devant les commissions des affaires sociales du Sénat et de l'Assemblée nationale chacune des ordonnances avant la discussion du projet de loi de ratification. De même, nous réaliserons une étude d'impact pour que les parlementaires puissent être éclairés sur les conséquences des mesures retenues.
Le projet de loi initial comprenait 23 articles ; il a été complété par le travail parlementaire. Je concentrerai mes propos sur certaines dispositions. Le titre II devra structurer les collectifs de soins de proximité dans les territoires ; y figurent les projets territoriaux de santé, qui doivent aider à mettre en cohérence toutes les initiatives de l'ensemble des acteurs du territoire, les élus et les usagers.
Ces projets territoriaux formalisent notre volonté de décloisonnement qui est l'essence même de la stratégie Ma santé 2022. Le statut des hôpitaux de proximité sera revisité pour être mieux adapté aux soins du quotidien, afin qu'ils soient davantage ouverts sur la ville et le médico-social. Leurs missions ont pu être inscrites dans la loi qui vous est présentée et sont donc discutées au Parlement, tandis que les modalités de financement seront définies par les prochains projets de loi de financement de la sécurité sociale. L'ordonnance ne traitera donc que de la gouvernance.
Le projet de loi et la stratégie d'ensemble visent par ailleurs à soutenir une offre hospitalière de proximité, qui constitue un pilier de l'offre de soins de premier recours dans les territoires. À ce titre, un amendement du Gouvernement a ouvert la possibilité, sur autorisation expresse du directeur général de l'agence régionale de santé (ARS), que des hôpitaux de proximité pratiquent certains actes opératoires ciblés, dont la liste serait validée par la Haute Autorité de santé (HAS). Il pourrait notamment s'agir d'interventions n'imposant pas nécessairement le recours à une anesthésie générale ou loco-régionale, comme la chirurgie de la cataracte, l'IVG instrumentale ou le traitement de certaines lésions du col de l'utérus. Par ailleurs, en cohérence avec ces enjeux, nous souhaitons conduire la réforme des autorisations des activités pour qu'elles puissent accompagner la gradation des soins, qui est, de fait, inscrite dans la loi, dans une recherche de qualité, de sécurité et de pertinence des prises en charge.
Un chapitre sera consacré à l'acte 2 des groupements hospitaliers de territoire. Le projet médical doit désormais être le centre de gravité de ces groupements.
Je veux évoquer un sujet qui a fait débat et qui suscite légitimement de l'émotion : les certificats de décès. Nous sommes conscients que la situation actuelle n'est pas satisfaisante, même si des efforts, notamment financiers, ont été faits en direction des médecins libéraux. Le Gouvernement a donné un avis favorable à un amendement visant à faire établir ces certificats par des internes et par des médecins retraités. La discussion ne semble toutefois pas close.
Dernier pivot du projet de loi, l'innovation et le numérique : l'ambition est de donner à la France les moyens d'être en pointe sur ces sujets avec la création du health data hub et de l'espace numérique en santé, que les députés ont souhaité rendre automatique, sauf opposition du titulaire ou de son représentant légal, dès l'attribution d'un numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques, pour tous ceux qui naîtront à compter du 1er janvier 2022. La dématérialisation des pratiques passera aussi par le renforcement des activités de télésanté. Le télésoin sera créé, pendant que la télémédecine pour les paramédicaux et les pharmaciens, qui permettra la réalisation de certains actes à distance par voie dématérialisée, sera possible, en orthophonie par exemple. La gestion des ressources humaines médicales sera mutualisée et la gouvernance médicale sera adaptée et renforcée en conséquence dans les établissements de santé.
Un nouvel article du projet de loi, introduit à l'Assemblée nationale, offre la possibilité aux professionnels paramédicaux de la filière de la rééducation de cumuler une activité mixte, c'est-à-dire libérale en ville, avec une activité publique à l'hôpital, de façon à rendre ces carrières plus attractives.
Plus largement, l'examen à l'Assemblée nationale a conduit à modifier le périmètre de compétence de certaines professions de santé : je pense en particulier à la délivrance par les pharmaciens de médicaments sous prescription médicale obligatoire ou à la possibilité donnée aux infirmiers d'adapter des prescriptions ou de prescrire certains produits en vente libre.
Une proposition de la mission d'information sur les pénuries de médicaments et de vaccins a également été traduite dans la loi, puisque le texte prévoit désormais la substitution par le pharmacien d'officine d'un médicament d'intérêt thérapeutique majeur en cas de rupture d'approvisionnement.
Enfin, et il s'agit d'un objectif transverse à toutes les politiques publiques, diverses mesures de simplification, d'harmonisation et de sécurisation juridique sont regroupées dans les titres 4 et 5 du projet de loi.
J'aimerais conclure sur la place des élus, notamment locaux. La politique que nous conduisons dans le champ de la santé ne peut se faire sans nouer une relation de confiance durable avec les élus. Aussi, le projet de loi a été amendé pour prévoir la reconnaissance de la promotion de la santé comme compétence partagée des collectivités territoriales avec l'État. Il prévoit également l'association des collectivités territoriales à la mise en oeuvre de la politique de santé ; la présence de parlementaires au conseil territorial de santé ; une présentation aux élus par le directeur général de l'ARS de la mise en oeuvre de la politique de santé sur le territoire ou le département, notamment en matière d'accès aux soins et d'évolution de l'offre en santé ; enfin, la participation de parlementaires au conseil de surveillance des agences régionales de santé.
Pour construire le système de santé de demain, nous misons sur des initiatives des territoires, le décloisonnement et les coopérations. Il n'y aura pas de décision imposée d'en haut.