Intervention de Agnès Buzyn

Commission des affaires sociales — Réunion du 14 mai 2019 à 16h40
Projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé — Audition de mmes agnès buzyn ministre des solidarités et de la santé et frédérique vidal ministre de l'enseignement supérieur de la recherche et de l'innovation

Agnès Buzyn, ministre :

Monsieur Milon, vous parlez d'un éclatement de la gouvernance. Or nous n'avons pas touché aux grands équilibres entre État et assurance maladie, par exemple. Nous travaillons, non sur les financeurs, mais sur les acteurs de terrain, à travers la différenciation territoriale, et pour cela, nous augmentons les budgets des ARS alloués aux fonds d'intervention régional, pour qu'elles soient mieux en mesure d'accompagner des initiatives de terrain. L'objectif de la loi, c'est vraiment la territorialisation et donc une plus grande régionalisation au sens large de la gouvernance. C'est la raison pour laquelle nous avons placé énormément d'élus locaux au sein des conseils de surveillance des ARS, au sein des conseils territoriaux de santé pour l'évaluation des projets territoriaux de santé.

Concernant les hôpitaux de proximité, le Haut-Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM) a effectivement estimé que 500 à 600 hôpitaux pouvaient correspondre à la définition qu'il avait donnée. Aujourd'hui, ils sont 243 à être labellisés ainsi, mais cela avait été conçu à l'origine comme une protection pour des hôpitaux à l'activité faible ayant du mal à résister dans le cadre de la tarification à l'activité (T2A). Nous voulons donner une nouvelle vitalité à ces hôpitaux où les médecins de ville pourraient intervenir. Nous pensons aussi à des consultations avancées de spécialistes d'hôpitaux qui portent le groupement hospitalier de territoire (GHT), y compris des chirurgiens, de façon à ce que ce ne soit pas au patient de se déplacer mais bien aux médecins d'apporter une expertise en proximité. Tout cela fonctionne très bien là où cela existe. Tous ces hôpitaux de proximité disposeraient d'un plateau d'imagerie et de biologie, quitte à ce qu'il soit partagé avec les libéraux présents sur le territoire. Nous souhaitons un véritable décloisonnement entre ville et hôpital.

Mais nous ne souhaitons pas détacher pour autant les hôpitaux de proximité du GHT. Si je veux assurer la gradation des soins, que les patients hospitalisés dans ces hôpitaux de proximité accèdent à des plateaux techniques ou à des consultations de spécialistes, il faut impérativement que cet hôpital de proximité travaille au sein d'un GHT avec des filières de prise en charge qui soient bien identifiés. Nous avons prévu de déterminer leur gouvernance dans une ordonnance, car elle n'est pas calée. Nous voulons qu'elle inclue la médecine de ville et les élus locaux, mais qu'elle soit intégrée dans les GHT.

Monsieur Longeot, en réalité, nous n'avons jamais eu autant de médecins, mais le temps imparti à l'activité professionnelle par rapport au temps personnel ayant plutôt diminué avec le temps, le temps médical disponible a lui aussi diminué, alors que les patients sont de plus en plus âgés et ont des pathologies chroniques. Nous avons dans la loi, mais aussi en dehors de la loi, beaucoup de mesures qui visent à renforcer l'attractivité, laquelle ne passe pas uniquement par des mesures financières. Or ce sont presque exclusivement de telles mesures qui ont été mises en oeuvre ces dernières années, et elles ne sont pas suffisantes. Elles sont difficilement compréhensibles, trop nombreuses, et nous avons d'ailleurs demandé au docteur Sophie Augros, déléguée à l'accès aux soins avec Mme la sénatrice Doineau, de faire un état des lieux de ces mesures.

Au-delà de ça, nous misons sur la qualité de vie au travail. Ce que veulent les jeunes médecins aujourd'hui, ça n'est pas tant gagner de l'argent qu'avoir un exercice professionnel diversifié en coopération avec d'autres professionnels - c'est une chose qu'on ne ressentait pas dans la génération précédente. Il n'y a plus que 5 % des médecins sortant aujourd'hui de l'université ou de l'internat qui souhaitent s'installer en exercice libéral isolé. Nous essayons donc de pousser à la coopération soit dans des maisons de santé ou centres de santé, soit au sein de réseaux ou pôles de santé, soit dans le cadre des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), réseaux où les professionnels ont une responsabilité territoriale. Nous demandons à ces professionnels - c'est l'objet de la négociation conventionnelle en cours - d'adhérer à un cahier des charges, de faire plus de prévention, d'assurer l'accès à des soins non programmés, de trouver à chaque usager un médecin traitant, en échange d'un financement par la Sécurité sociale pour faire fonctionner la CPTS.

Parallèlement, les maîtres de stage universitaires dans les maisons de santé en zone rurale et en centre de santé, ont augmenté de 17 % l'année dernière et nous avons fait passer leur rémunération de 600 à 900 euros par mois. Nous faisons aussi beaucoup de publicité sur les contrats d'engagement de service public, qui permettent à des étudiants en médecine d'être financés à hauteur de 1 200 euros par mois pendant un temps s'ils s'engagent de consacrer le temps équivalent aux territoires en zones sous-denses. Cela fonctionne très bien et est plébiscité par les étudiants.

Nous essayons de dégager du temps médical aux médecins de façon à ce qu'ils puissent se concentrer vraiment sur leur valeur ajoutée et prendre en charge une patientèle plus large : c'est le rôle des assistants médicaux, des délégations de tâches qui vont être facilitées dans la loi, des infirmiers de pratique avancée qui pourront prendre en charge dès l'année prochaine les patients chroniques quand ils sortiront de l'université au stade master et à qui nous allons ouvrir la psychiatrie. Nous travaillons évidemment sur les pratiques avancées d'autres professionnels, en commençant par la filière visuelle, où la délégation de tâches fonctionne dans beaucoup d'autres pays.

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